Première partie : Les stratégies scripturales

Les stratégies scripturales occuperont la première phase d’une tentative qui cherche à mettre en évidence les relations existant entre cette écriture et l’univers de l’oralité. Interrogeant ces stratégies au niveau de l’oeuvre, du texte et enfin de l’écriture, cette première étape doit conduire l’analyse vers ce qui semble constituer la force de cette parole singulière ainsi que la puissance de son esthétique scripturale dans « ‘sa filiation inséparable du procès d’élaboration ’» de l’oeuvre dans laquelle l’écrivain « s’expose »105.

Ainsi, amorcer ce parcours en commençant par cette dimension obéit au souci de partir de l’écriture elle-même, telle qu’elle s’envisage et se revendique. S’inscrivant dans la recherche de formes nouvelles, ces stratégies scripturales tentent de redéfinir l’oeuvre, le texte et l’écriture elle-même, l’oeuvre produisant sa propre réalité intérieure.

Il s’agira de saisir d’abord le caractère multiforme d’une oeuvre créatrice de son contenu par sa forme même. Nous essayerons de dégager comment celle-ci se manifeste par sa vitalité, sa force et sa violence, signifiant par et en elle-même comme ‘« invention du monde et de l’homme, invention constante et perpétuelle remise en question »’ 106.

Par ailleurs, nous nous efforcerons de comprendre comment les stratégies scripturales adoptées obéissent au principe qui met l’accent sur le fonctionnement global du texte et la mise à nu du procès d’énonciation107. Les métamorphoses du texte auxquelles nous nous consacrerons ensuite montreront que le texte se soumet aux lois spécifiques de son fonctionnement, c’est-à-dire celles de tous les possibles.

Enfin, les stratégies scripturales inscrivent aussi au centre de l’écriture un désir de transformation qu’accompagne une remise en question incessante. Ainsi, de l’oeuvre protéiforme aux mouvements de l’écriture, en passant par les métamorphoses du texte, cette première partie de notre travail se propose de découvrir une écriture dont les préoccupations semblent s’orienter vers ce qui la fonde et en fait une parole spécifique.

Aussi, rechercher ce qui se met en place dans l’écriture, à travers ses stratégies, constituera la préoccupation essentielle de cette première partie de notre travail. Que cachent l’aspect protéiforme de l’oeuvre, les métamorphoses du texte et les mouvements de l’écriture ? Dans les convulsions et l’effacement de l’écriture par elle-même se joue sans doute la présence de quelque chose dont nous aurons à coeur de retrouver la trace.

Notes
105.

Jacques HASSOUN. Fragments de langue maternelle : esquisse d’un

lieu . Paris : Payot, 1979, p. 9.

106.

Alain ROBBE-GRILLET.Pour un nouveau roman . Paris : Ed. de Minuit,

coll. « Critique » , 1963, p. 138.

107.

Françoise VAN ROSSUM-GUYON. Conclusion et perspectives, Nouveau

roman : hier, aujourd’hui . Paris : UGE, « 10/18 » , 1972, p. 402-403.