Chapitre I : Une oeuvre protéïforme.

Nous allons dans ce premier chapitre tenter de saisir comment se présente au premier abord la production littéraire de Khaïr-Eddine. Celle-ci revêt des formes diverses et demeure comme lieu d’expérimentation de tous les possibles du langage. L’une des caractéristiques de l’oeuvre est de constituer un corpus hétérogène en ce sens qu’elle livre une matière scripturale travaillée à la fois par la poésie, le récit et le théâtre.

Mais bien au-delà de ces distinctions, comment l’écriture joue-t-elle avec ce qu’il est convenu d’appeler les genres ? L’interrogation est d’importance dans ce travail sur l’oralité et les stratégies scripturales pour dégager les formes génériques privilégiées par l’écriture et les rapports de celles-ci avec l’oralité.

Par ailleurs, la même oeuvre forme aussi, nous semble-t-il, une unité qui dessine un même espace scriptural - celui-ci découlant du traitement générique - qu’il convient de cerner. Il s’agit dans ce chapitre de montrer l’étendue du corpus et comment l’oeuvre utilise, mélange, brouille les différents genres littéraires pour donner à lire un texte baroque où le récit est toujours investi par la poésie et le théâtre. Rechercher l’unité et la diversité qui caractérisent la production littéraire de Khaïr-Eddine, c’est identifier ce dont on parle, circonscrire un corpus aux aspects multiples en opérant un décloisonnement des différents textes.

Notre intention ici est de dégager l’hétérogénéité des formes, tout en circonscrivant un espace scriptural dont l’unité se fonde à la fois sur des thèmes « khaïr-eddiniens » et sur un dire scriptural qui transcende la question des genres en mettant l’accent sur le texte « ‘en tant qu’il est une écriture à double fond qui ouvre le dedans du signe au dehors de la signifiance.’ »108 . Voir comment le texte se veut lieu d’une parole scripturale générant l’oeuvre comme oeuvre ouverte, telle est la visée de cette première phase de notre recherche.

Notes
108.

Oswald DUCROT/Tzvetan TODOROV. Dictionnaire encyclopédique des

sciences du langage . Paris : Seuil, 1972, p. 443.