3) : « Il était et il n’était pas ».

Comment l’écriture est-elle travaillée par ce matériau hérité de l’oralité et comment le gére-t-elle ? Trouver des réponses à ce questionnement nécessite de nous pencher sur la présence dans le texte d’éléments par lesquels l’oeuvre de Khaïr-Eddine se donne à lire dans son rapport avec l’oralité.

La question est de savoir alors comment se manifeste l’oralité qui s’inscrit dans le texte dans la confusion du rejet et de la revendication, de la séparation et des retrouvailles, dans le trouble de ce qui a existé mais n’existe plus et que pourtant l’écriture ne cesse de provoquer, de malmener et en même temps d’exalter et d’aimer ! C’est bien dans l’ambivalence des rapports entre l’écriture, l’oeuvre et cet univers de l’oralité que nous percevons son discours. L’expression « il était et il n’était pas » s’inspire de ce que la traditon orale, maghrébine429 désigne comme présence-absence de la parole, dans ce vacillement, cette incertitude du dire et ne pas dire, à notre avis, constitutif de « la fonction organique de l’écriture » et de « ‘l’écriture raturée d’avance’ » , chez Khaïr-Eddine.

Ainsi, nous sommes à l’écoute d’un discours rattaché à l’oralité et appréhendé dans la (re)formulation d’une parole originelle, éclatée, démultipliée. Conçue comme espace-corps vivant, cette parole culturelle est soumise à un travail430 de réactualisation et de réactivation des formes héritées de la tradition orale, populaire, travail de transformation, de métamorphose également constitutif de l’écriture de la dépossession. Celle-ci gère ce patrimoine culturel, collectif, individuel et personnel à la fois, tout en le remettant très fortement en question. En effet, nous voulons montrer à travers le « il était et il n’était pas » comment la présence du discours de l’oralité se concrétise dans sa recréation, sa parodie, son renversement ; les formes et les genres de l’esthétique de l’oralité, qui sont culturels, étant réinterprétés, transformés, subvertis. Ce sont là autant de traits définitoires de l’écriture de Khaïr-Eddine.

Soulignons que si cette oralité reste dominée par l’omniprésence d’une poétique scripturale, dans le même temps, la structure langagière constitue l’indice d’une présence de l’oralité dans cette écriture, notamment au niveau de la narration d’un dire collectif. Les différentes formes empruntées à celles de l’oralité nous paraissent tourner essentiellement autour d’une poétique de la parole dont nous avons tenté de dégager la présence dans l’analyse qui précède. On retrouve chez Khaïr-Eddine cette avancée circulaire du récit autour de voix pronominales tantôt se relayant, tantôt se confondant, créant ainsi une circularité vertigineuse, de l’ordre de la transe. L’oralité se nourrit de la répétition proche ou présente dans la transe. C’est l’ensemble des récits qui reste marqué par ce type de fonctionnement. Y dominent aussi un grand usage du discours direct, tout ce qui a trait au processus de la parole en acte, avec le souci de certaines caractéristiques de l’oralité : représentation concrète, aspect changeant de celle-ci, introduisant alors une écriture erratique, déjouant ainsi la fixité d’ordinaire inhérente à l’écriture.

Ainsi, nous avons vu que le rythme des phrases, leur brièveté, leur fréquente juxtaposition, leur construction parataxique, perturbatrice, disruptive, conjugués à l’indétermination, l’usage désordonné et transgressif de la ponctuation tendent vers la libération de l’expression, figurent un débit de parole à l’impératif duquel l’écriture semble soumise. Dès lors, l’utilisation de l’oralité sert des fins stratégiques d’écriture moderne. Dualité, multiplicité, hétérogénéité sont autant de traits saillants introduits par l’oralité dans l’écriture. Ce sont aussi ces mêmes éléments qui participent de l’écriture du renversement et de la rupture.

On peut noter, dans nombre de récits en général et Une odeur de mantèque en particulier, que l’écriture moderne subvertit la faculté euphorisante du conte431 . Au seuil du récit, une voix nous happe dans l’espace du conte432 auquel elle emprunte l’exhortation à l’écoute : « ‘Asseyons-nous, dit-il (. . . ) Miroir, écoute-moi, daigne au moins prêter l’oreille à ce vieux chenapan que je suis.’ » (Une odeur de mantèque , p.7). Cette voix du conte inscrit d’emblée une parole perturbatrice en ce qu’elle projette dans l’univers de la fantasmagorie, de l’illusion magique, de l’irréel. Nous ne sommes pas très loin de la tradition orale, maghrébine, tout en étant dans le récit moderne.

Une odeur de mantèque plonge dans la fabuleuse histoire d’un « vieillard » aux prises avec un « Miroir » magique, volé autrefois à un marchand qu’il a tué « ‘avec un long poignard, berbère, légué par un des ses ancêtres ’» (p. 8) . Ce miroir qui « ‘devait pas être échangé contre des pièces de monnaie (. . . ) mais tout simplement volé, sans cela, il perdrait toute sa valeur, son essence, même ’» (p. 8) au dire du fquih qui incita le vieillard à le dérober, occupe une place symbolique à plus d’un titre, au tout début du texte (p. 7-10) .

S’il est l’objet qui par son pouvoir et sa fonction magiques introduit au conte merveilleux, inscrit l’espace de la fiction qui va se construire autour et à partir de lui, il constitue aussi la première nomination de l’écriture qui lui donne ainsi toute sa présence renforcée par la majuscule du mot qui le désigne (p. 7) . Le personnage du vieillard, quant à lui, est mis en scène par l’incise « dit-il » (p. 7) qui le distingue à peine et le qualificatif péjoratif de « vieux chenapan » (p. 7) ou encore à travers l’image négative du voleur.

Mais très vite, le jeu sur la fiction/réalité s’organise autour du procédé de réellisation/déréellisation, du « il était et il n’était pas » transformant cet univers du conte en espace cauchemardesque où surgissent des éléments monstrueux qui assaillent le personnage du vieillard. La narration s’établit autour de ces apparitions menaçantes contre lesquelles « il » est en lutte, entre rêve et hallucination (p. 12) . La parodie du merveilleux, le procédé du renversement : « ‘Tout cela n’est qu’un rêve, se dit le vieillard, Et il tenta de hurler mais pas un son ne sortit de sa bouche.’ » (p.12) servent alors l’écriture du piège.

Celle-ci se déploie en scènes se construisant autour de phénomènes irrationnels comme la transformation de « ‘débris de nuage » en « êtres de petite taille qui sautaient et s’enchevêtraient avec violence ’» (p. 12) ou la vision d’« ‘une forme sordide, une sorte de crapaud pustuleux et gluant grouillant de poux rouges et verts’ » (p. 12) ou encore la métamorphose des pensées de « il » en « ‘crapauds hideux (qui) tomb(ent) de sa bouche écumante ’» (p. 13) .

Si le ton parodique tient aux tours de magie et aux effets spéciaux réalisés par la narration qui servent une esthétique moderne de la destruction et du chaos, toujours présente dans l’écriture de khaïr-Eddine, il n’en reste pas moins que cette même parodie souligne la magie du verbe puisque : « ‘Et il sut tout de suite que c’était ça le mot qu’il avait voulu dire tout haut afin d’éloigner la progéniture du nuage’ » (p. 12) et que face à la concrétisation de ses pensées, le vieillard s’écrie: « ‘Ma parole ! C’est ma pensée qui le conduit’ » (p. 13) .

L’apparition du crapaud fait surgir le mot, la pensée, « ‘image fugace (qui) traversa son cerveau ’» (p. 12) . Le langage porteur et créateur de mondes les fait et les défait à plaisir, s’en prend à lui-même en une auto-dévoration jubilatoire, à l’instar de ces crapauds anéantis à leur tour par d’autres créatures, nées de l’imagination de « il » . La narration gomme, efface tout ce qu’elle crée, rappelant, une fois de plus, l’effacement de la parole dans l’acte même qui la produit, laissant le texte semblable au miroir : « ‘le vieillard ramassa et noua dans un vieux mouchoir les débris qu’il retrouva sur le sol.’ » (p. 14) .

Puzzle dont les pièces volent en éclats et qu’il faut à chaque fois reconstituer, le texte éclate, part alors en quête de lui-même, multipliant les procédés de déréellisation, rappelant ceux du conte traditionnel maghrébin, tout en permettant un rebondissement possible du récit : « ‘Il sut aussitôt ce qu’il allait faire.’ » (p. 14) . Il maintient ainsi une forme de suspens, comme si le narrateur d’Une odeur de mantèque semblait lui-même pris au piège de la parole imaginaire, malgré ses diverses tentatives pour en déjouer le pouvoir.

Pour sortir de l’impasse narrative dans laquelle il s’est engouffré, le texte a recours au procédé théâtral du « deus ex machina » qui provoque l’apparition délirante et magique du « fquih-sorcier » (p. 21) qui vient sauver le récit de lui-même. S’engage alors un échange de railleries, d’injures et diverses agressions entre le vieux et le « fquih-sorcier » dont les apparitions et les disparitions sont tantôt commandées par l’esprit du vieux, tantôt l’oeuvre du hasard (p. 23) , à la grande surprise de celui-ci.

Cette scène très théâtrale par ses procédés de truquage, jouant sur l’illusion magique, révèle que les rapports entre « le vieux » et « le supervieux », comme est ainsi dénommé « le fquih-sorcier » , sont à la fois anciens et mystérieux car fondés sur une correspondance troublante. L’un, « le supervieux », n’est-il pas le produit des pensées de l’autre, « le vieux » ? « Le supervieux » n’a-t-il pas remis, un jour, une parcelle de son pouvoir au « vieux » alors qu’il était enfant (p. 26) ? Notons alors que malgré le ton parodique, le jeu sur le symbolique demeure : ‘« Le symbolique appelle le symbolique. L’activité symbolique est le lieu du merveilleux, la parole, l’élocution existentielle du social’ » 433 .

Il semblerait donc que toute cette séquence, dans laquelle réapparaît le miroir volé qui « se reconstitue » (Une odeur de mantèque , p. 24) , lors de la rencontre des deux personnages, dans un espace fabuleux et inquiétant, entre paradis et enfer434, « dans une anfractuosité profonde » (p. 25) poserait à nouveau la question du double et du caché, de ce qui est et de ce qui n’est pas. Elle éclaire aussi les multiples possibilités du récit qui s’oriente dans diverses directions, un texte en cachant un autre, célébrant ainsi la fécondité de la parole imaginaire et son auto-régénération dans l’écriture moderne.

Or, dans Une odeur de mantèque , ce que le texte présente comme un effondrement de l’illusion-désillusion et l’apparition d’une réalité effective et « vivante », c’est-à-dire la « concrétisation » corporelle du « supervieux » , marquée notamment par le retour de sa voix (p. 34) , introduit curieusement dans « une texture différente, revers du monde des hommes et des choses » (Une odeur de mantèque , p. 36).

Ainsi, l’effacement de la fiction fait surgir un univers imaginaire qui se donne pour vrai : « ‘Aussitôt la fausse nature dans quoi ils tanguaient changea. Un autre monde, plein de musique et de couleurs fauves, apparut’. » (p. 36) . Celui-ci, ‘« étendue orgueilleusement voué au supplice du plaisir ’» (p. 36) est lieu d’« oubli d’un monde ancien » (p. 37) . Le texte le désigne comme « ‘paradis (des) fameux houris du Livre’ » (p. 36-37) . Nous assistons alors à l’entrée des personnages du « supervieux » et du « vieux » dans un espace où « ‘de proche en proche, une voix se matérialisait dès que le voyageur pensait ou s’imaginait ailleurs que dans l’oubli d’un monde ancien qui l’avait propulsé hors du temps.’ » (p.36-37) . Dès lors, tout semble procédé du principe du renversement, jouant sur l’écart et la rupture de telle façon que réalité et fiction se trouvent inévitablement imbriquées, incitant une perception multiple des choses, transformant l’illusion en réalité, le réel en imaginaire.

Tel est sans doute le sens de cette séquence où la parodie est très présente comme procédé de renversement, révélateur des mille et un pièges qui minent le champ scriptural en tant que lieu propice au déploiement de la dialectique fiction/réalité. De ce point de vue, l’intrusion dans le texte d’incongruités ajoute au ton parodique, subvertit la représentation : « ‘Alors... alors comme disent si suavement certains gars de Radio-France, alors. . . alors, viens donc, entre dans cet autre monde !’ » (p.36), propos imputés au « supervieux » derrière lequel se cache sans doute l’écrivain lui-même, ou encore : « ‘Oui, nous sommes au paradis » . Du reste, voici le comptable suprême. En face d’eux, un comptoir et, derrière le zinc, un homme haut et luminescent qui feuilletait un livre aux tranches dorées’. » (p. 37) ou encore l’entretien avec « L’Etre Luminescent » . Ce sont autant d’éléments de perturbation de l’illusion qui cassent le ton du conte par le procédé de la dérision.

Celle-ci rejoint la carnavalisation, le déguisement et le travestissement constitutifs de la tradition populaire435 , enrichissant les procédés scripturaux de l’oeuvre. Une odeur de mantèque montre que la dérision, l’humour et le carnavalesque, présents dans d’autres textes, notamment dans certaines scénettes, contribuent à briser l’atmosphère habituelle du conte, en tant que lieu de l’euphorie et du rêve. Si l’écriture d’Une odeur de mantèque emprunte la voie - mais aussi la voix - du récit fabuleux au commencement du livre, celle-ci est semée d’embûches puisqu’elle conduit en un lieu où la fable ne fonctionne plus, celui de l’identité perdue. Toutefois, dans cette trajectoire de la perte et de l’échec, l’écriture s’est révélée comme force exorcisante avec toutes les mises en péril que cela induit.

L’emprunt au conte effectué par l’écriture où prend place symboliquement, rappelons-le, la scène du miroir volé dans l’incipit du texte, semble présenter autant de déboires que le vol du miroir au vieillard du conte. En effet, le récit fabuleux du début du livre, parole retrouvée du conte, qui apparaissait alors comme parole possible, de tous les possibles, a libéré une oralité dévorante, boulimique mais révélatrice, au fur et à mesure de l’avancée textuelle, d’un vide incommensurable, celui de la perte de soi métaphorisé par le miroir volé du début. Si la parodie du merveilleux en restitue la valeur de transmission, elle en traduit aussi le double mouvement de perte et de quête. L’actualisation de l’oralité par l’écriture montre comment « le langage appelle la perte symbolique qui est aussi perte sociologique»436.

C’est ainsi que divers procédés sont utilisés dans une même écriture de la perte et de la catastrophe dans Une vie, un rêve, un peuple toujours errants où le narrateur pris dans sa déambulation : « Sur ces mots, je m’en fus. Je suivis le cours de la rivière. » (p. 65-66) erre dans un lieu qui le mène à la rencontre d’une part avec l’horreur et le désastre marquant aussi l’échec de son projet de faire un film sur Baudelaire, d’autre part avec celle de la magie en ce sens qu’il mène au rêve et au récit. Il conduit le narrateur dans son ‘« village natal (. . . ) au pied de la montagne érodée qui le surplombait. ’» (p. 66) et à « ‘réinventer un passé que je ne connus pas ’» (p. 66) . Là encore, tout se déroule sur le mode du conte, dans la réinvention, les choses apparaissant et disparaissant, tantôt se matérialisant, tantôt se dérobant comme si elles n’avaient pas existé.

L’écriture d’un texte comme Le Déterreur joue de la même ambiguïté. Le récit du Déterreur nous a paru procéder à ce « rituel » du conte traditionnel. Les formules qui ouvrent et clôturent le texte circonscrivent l’espace du conte437 et situent un univers d’illusion théâtrale, de représentation et de fiction ; les mots concourent dans ce sens : « ‘bougre (. . . ) histoire (. . . ) fantoches (. . . ) caricaturistes ( . . . ) artiste (. . . ) bouffon (. . . )’ » (p. 11). Le contenu du récit s’en trouve ainsi banalisé, la démystification finale vient appuyer cette banalisation qui tend à déjouer la censure et à manipuler la parole par le détournement du sens : « ‘Tout ce que j’ai dit relève de l’élucubration, de l’hystérie et du rêve mal dirigé. ’» (p. 125) .

Cette auto-censure que semble s’infliger le narrateur n’intervient qu’en fin de texte, elle est donc sans incidence immédiate sur le récit, elle ne l’annule pas : « ce que dit le conte (récit) est arrivé pendant que le disait le conte (récit) . C’est même arrivé pendant que le conte (récit) disait ce que disait le conte (récit) . C’est pourquoi c’est si vrai. » . Même la démystification qui a fait éclater le récit du « mangeur de morts » à la page 68 n’empêche pas la suite de la narration, ni même la poursuite de l’illusion, puisque c’est lui qui parle en dernier lieu : « ‘Quand le conte (récit) mentira, et il mentira parce qu’il dit vrai, le conte (récit) sera fini’. » 438 .

Or, en oralité, raconter est un acte sérieux voire dangereux. Sous peine d’encourir certains dangers virtuels, le conteur qui s’apprête à raconter doit se prémunir, ainsi que son récit, par des formules préliminaires, de même, ses dernières paroles doivent démystifier tout le récit en marquant une distanciation par rapport au temps et à la vérité-réalité.

Un pouvoir du conte et de l’imaginaire est mis en place mais aussitôt réduit en fiction. Ces formules ont alors une valeur protectrice, elles neutralisent les forces maléfiques, les forces de pouvoir : êtres surnaturels, puissances grandioses, tout en délimitant un espace du récit qui va fonctionner comme un lieu protégé où il est permis de dire, sans crainte du pouvoir répressif, comme espace de permissivité et de liberté et même de transgression de l’interdit.439

Notons que cette transgression joue pleinement dans le conte dit « maternel»440 , parce qu’elle touche aux fondements mêmes de la société, alors que le conte « public »441 a par ses allusions à la réalité politique et économique, un caractère contestataire, revendicatif, quelque peu réformiste.

Les formules dont nous avons dégagé l’aspect prophylactique auquel nous pouvons ajouter le caractère conventionnel prennent alors un sens détourné de celui qu’elles ont au premier abord. Si elles manifestent le désir de ne pas plonger pleinement dans l’univers fictif, elles ne détruisent pas pour autant la réalité du récit. « ‘Le récit n’est ni vrai ni faux ; le récit n’est pas vrai ; le récit n’est pas faux. La vérité, le mensonge, sont dans votre oeil. Dans votre oeil peut tenir toute la vérité du monde. Ou peut-être rien’. »442 .

Aussi, ne faudrait-il pas comprendre que le texte, en l’occurrence Le déterreur, n’est pas innocent et inoffensif et qu’il consacre le pouvoir de la parole ; ce qui suit ces formules va dans ce sens, malgré l’ironie évidente de ces propos : «‘ Je suis un tout petit peu croyant, c’est pourquoi je n’ose pas médire sur l’au-delà ’» (p. 125) ?

Nous avons vu comment la fonction narratrice est valorisée au niveau de l’écriture, il serait intéressant de considérer la position du narrataire dans cet espace dangereux de la parole. La puissance de la parole agit sur le narrataire tantôt par le biais de l’appel à la collaboration et à la complicité, tantôt par une invite à la compréhension du sens de la parole détournée.

L’ironie de la démystification à laquelle le narrateur a recours, est un clin d’oeil au lecteur complice. Cette sollicitation du narrataire par le texte dont l’écriture difficile est une exigence de lecture, dénote que la fonction de communication est en pleine action. Le brouillage du texte pourrait manifester une volonté de non-communication, mais dans la mesure où il se donne à lire, il faut le saisir comme un jeu sur le sens, destiné à des narrataires virtuels.

Il y aurait plusieurs narrataires puisqu’il y a plusieurs sens. Réponse apparemment destinée au procureur, le récit s’adresse en fait à ceux qui pourront en saisir le sens, à ce « ‘lecteur complice de mes malaises (qui) me confondrait volontiers avec un vulgaire massacreur, tablant sur le fait que mon passé biffe et bifurque, stagne ou me perfore ’» (Le déterreur , p. 51) , à ceux qui savent que l’illusion n’est pas totale et qu’elle a des rapports avec la réalité. Le pouvoir de la parole joue de la déviation du sens.

Dire et ne pas dire constitue une démarche propre au récit, notamment celui de la culture orale que Khaïr-Eddine fait sienne par le principe de « l’écriture raturée d’avance » et de la démystification, comme le montre le récit rapporté page 36 et achevé ainsi : « ‘grand-père et grand-mère me racontaient des balivernes ’» . L’auto-destruction est une pratique interne au récit traditionnel qui conclut toujours que tout est mensonge, de plus, faire le récit d’un récit - ici de l’enfance procure un certain statut à ce qui est raconté.

Par la mise en présence d’éléments inconciliables, notamment dans le théâtre, nous l’avons vu, s’opèrent l’utilisation, la réactualisation, la transformation jusqu’à la parodie et à la subversion d’une oralité qui fonctionne très souvent à contre-emploi. Celle-ci sert une écriture dans laquelle non seulement la culture, en l’occurrence berbère, est détournée, parfois même dépouillée de toute valorisation contenue dans la tradition orale, mais encore cette même culture orale est utilisée à son tour comme élément perturbateur.

On remarque, par exemple, que si la figure mythique de Kahina est au centre de la mémoire ancestrale qui alimente l’écriture, constituant souvent l’élément autour duquel s’organise le texte, en particulier le théâtre, elle fait toutefois l’objet d’une spectralisation, comme dans Agadir ou encore dans Une vie, un rêve, un peuple toujours errants .

Le personnage du « Raïs » , tout aussi symbolique, du point de vue de la culture berbère, est lui aussi revisité sur le mode de la folklorisation de sa fonction. Il devient dans Agadir « L’Etranger » qui prend la posture, elle-même folklorisée du « hlaïqi » , c’est-à-dire du conteur sur la place publique, qui n’est pas traditionnellement la sienne : ‘« Il enlève son turban, sa gandoura, se déchausse. Il s’assoit sur le sol, les jambes croisées. » et entonne : « walalalalalalaïdalalalalali ’» (Une vie, un rêve, un peuple toujours errants , p. 52) . En fait, nous assistons très souvent chez Khaïr-Eddine à la mise en spectacle, à la mise en scène de la gestuelle, de la parole et de la dimension culturelle. Cette théâtralisation de l’oralité se fait la plupart du temps autour d’une symbolique collective, d’une parole collective, culturelle.

Le langage de l’oralité est ainsi l’une des expressions de cette mémoire ancestrale qui ne semble être acceptée que dans le rejet, la distanciation de l’écriture de la subversion qui en use cependant. Autrement dit, même dans sa subversion, ce discours de l’oralité qui introduit autre chose, l’hétérogénéité mais aussi l’altérité dans l’écriture, demeure un élément important dans celle-ci.

L’hétérogénéité introduite par la présence de l’oralité dans le champ de l’écriture, faisant émerger des éléments appartenant au discours de l’oralité, introduisant la discontinuité, tend à mettre en place une écriture étrange, voire monstrueuse qui est à mettre en rapport avec la langue. Certes, si l’oralité renvoie à l’origine, il n’en reste pas moins que l’écriture cherche à l’inscrire dans son principe même.

Sous-jacente dans l’espace scriptural, l’oralité demeure rattachée à une origine que l’écriture situe dans « ‘les replis moelleux de ma mémoire’ » (Agadir, p. 21) , à travers une présence qui marque le temps entre un passé lointain et un présent difficile.

Ne se situant ni dans l’oralité complète en tant qu’écriture, ni dans la scripturalité absolue du fait de cette rythmique orale qui pulvérise les structures scripturales, l’oralité renvoie à l’immédiateté de la langue et de l’être dans l’« ‘écoute encore de ces voix qui lui rappellent ses premiers gestes, l’inspirent au point de se voir transporté en un lieu dont sa mémoire éprouve de nouveau la fraîcheur sauvage’. » (Histoire d’un bon dieu , p. 118) . Rappelons que la forme privilégiée de l’oralité qu’est le poème est connaissance, transmission-communication, fonction importante dans l’oralité.

La poésie comme le théâtre conjuguent à la fois cette fonction et celle de l’immédiateté contraire à l’éloignement de l’écriture, dans la présence du parlé - ainsi le « hé quoi ! » dans Moi l’aigre - dans la langue parlée qui tient lieu de rencontre et de communication du lieu géographique et symbolique du sujet443 que nous avons mis en rapport avec « le corps inaugural » .

Si l’écriture entend se servir de l’oralité à des fins subversives de son propre espace de langage - nous avons vu comment la parole et son émergence jouent ce rôle d’outil de subversion de l’écriture traditionnelle - cette utilisation de l’oralité par l’écriture contribue à créer un espace scriptural, où domine le paradoxal « il était et il n’était pas » , lieu de tous les possibles, mais aussi lieu impossible, « ‘En attente d’une longue parole’ » (Histoire d’un bon dieu , p. 118) .

Le phénomène scriptural semble alors être déterminé par cette « filiation » , par la constitution d’une chaîne, à l’instar du fonctionnement de la tradition orale. Nous retrouvons là la pensée anti-systématique de la trace444 . Dans cette mise en relation, la trace renvoie à la quête individuelle, personnelle, avec sa part d’invention et fait de l’écriture un lieu de survie, en même temps de création, d’innovation et non pas de reproduction du système, ici celui de l’identité monolithique.

L’espace de l’oralité nomme son lieu et prend sa signification dans et à travers ce lieu, celui de la terre à laquelle renvoie la trace et non point au territoire. Chez khaïr-Eddine, le terme « sudique » invente un véritable espace imaginaire qui dépasse les limites du simple territoire. La trace et le néologisme sont alors une manière opaque d’être soi. Le poème « sudique » (Ce Maroc, p. 29-33) est ainsi à la mesure de cette dimension où la poésie comme la trace est errance de la parole partagée, transmise, ce qu’est justement le discours de l’oralité.

C’est aussi se penser dans l’ordre du collectif, contre toute possession et contre l’absolu du temps. « sudique » ouvre à la fois sur ce ‘« corps inaugural » , « que je crée par la pluie et les éboulis’ » (p. 29) et sur les temps diffractés et multipliés : « ‘Sudique/m’émiettant en visages de pisé/ (. . . ) /assaillie soudain par des troupes ferventes/de poèmes/qui font éclater chaque pierre sous mes pieds/ (. . . ) /seule et multiple/ (. . . ) /dans tes éclatements plus vraie mais plus terrible/royale et seule morte et vivante (. . . )’ » (Ce Maroc , p. 29-32) .

Poème foisonnant, passionné, douloureux, « sudique », constitue la trace même de ce passage de l’oralité à l’écriture qui serait le passage d’une étrangeté linguistique à une étrangeté géographique et sociologique dont les mots de la langue première, maternelle portent la blessure, entre « parole bouclée nouée » (p. 29) et « ‘Sudique épelant (. . . ) Sudique récitant » (p. 30-31) . « Or, ce mot de la langue qui porte la blessure de l’étrangeté, de l’éloignement et de l’exil est tout d’abord fondé au premier lieu de la blessure, l’affectivité’»445 .

Dans une certaine mesure, un texte tel que Légende et vie d’Agoun’chich est aussi travaillé par de telles tensions. C’est ainsi qu’à travers la légende annoncée, dans Légende et vie d’Agoun’chich , l’oralité est vue comme ancrage dans le réel de l’écriture, s’inscrit de prime abord dans un lieu : « ‘le Sud, (. . . ) au Maroc (. . . ) »’ (p. 9) introduit au fil d’un discours tenu par un énonciateur dont la caractéristique immédiate est de s’associer à un « vous » ou à un « on » collectif ou encore de se fondre dans cet « espace déserté depuis longtemps » (p. 9) pour le laisser « s’annoncer » (p. 9) . L’ouverture du texte s’assimile à ce « débarquement » (p. 9) évoqué à travers une sollicitation-invite à un voyage qui se précisera au fil des mots comme retour de « ‘l’enfant du pays qui n’a pas revu son village depuis vingt ans’ » (p. 19) .

Fissure, rupture mais aussi carrefour entre histoire et légende, réel et imaginaire, l’écriture se coule dans le moule du « il était une fois » (Légende et vie d’Agoun’chich , p. 22) pour narrer la légende, restituer son espace et son temps. Ainsi, les rapports entre la première partie du livre et sa suite sont de l’ordre de la tradition, celui de la transmission qui entre alors dans les stratégies de survie contre la destruction de l’identité sociale et culturelle menacée par la présence étrangère, celle du monde moderne et du Nord dont parle déjà la première partie du livre et autour de laquelle se construira toute la suite.

La nécessité de la transmission dans l’oralité et de sa présence dans l’écriture apparaît ainsi comme une façon de s’opposer à l’étranger. Cette même nécessité est au service de la figure du continu qui organise, pour une part, l’oeuvre de Khaïr-Eddine. Il est alors intéressant à noter que dans la transmission, l’anonymat de celle-ci caractérise la spécificité orale et constitue aussi une des données du groupe, opposée à l’individualité. Cet anonymat se retrouverait-il dans le rêve du poète de se faire voix collective ? La transmission garantit la survie socio-culturelle du groupe ; ne restaure-t-elle pas aussi l’imaginaire de la communion avec le groupe ? Dans le même temps, l’oralité fonctionne comme soubassement de la légende et du mythologique universel.

On retrouve cette dimension dans Mémorial où la vision planétaire embrasse l’histoire passée et présente, de l’ici et de l’ailleurs, saisie de soi et de l’Autre en un espace-temps universel, confondus « ‘à la surface du lac inaccompli du Temps. ’» (p. 23) , d’où jaillissent de grandes figures devenues mythiques. Exemplaires en tant que forces perturbatrices, subversives et régénératrices, celles-ci sont réunies dans la partie intitulée « Le NON-DIT » (p. 19-40) et soustraites aux silences conspirateurs de l’Histoire.

C’est ainsi qu’Alexandre apparaît comme un bâtisseur régénérant, guerroyant tout d’abord contre le laisser-aller et la décadence à travers son propre mode de vie et la démesure dynamisante de ses rêves :

« On dit Conquête ! La guerre,
les famines, le Jeu grandiose
des terres en transes,
décomposées au fond
de ton oeil montagnard. Mais tu appris à ces
peuples dissolus à bâtir un autre rêve
à hauteur des statures solaires
et tu ne vécus que de vent, de bourrasques,
sous la tente
rapiécée au fer du tonnerre. Errant,
tu promenas tes faces et même ta grande farce jusqu’en Inde. » (p.19)

Figure multiple et transfigurée par le poète, Alexandre est alors rendu à sa dimension de personnage irréductible, incarnant des valeurs universelles de bravoure et surtout de refus et de révolte. Alexandre est exalté ici comme figure rebelle et insoumise, se projetant sans cesse dans un devenir en errance, poursuivant sa vie durant ses rêves d’ailleurs : « ‘Il riva le désert au désir de l’homme/Il bouscula le rythme de l’Eternel Eté. ’» (p. 20) .

Si Alexandre incarne l’insoumission et le rêve nomade, abolissant les obstacles et les frontières, Mandela qui s’inscrit, aussi dans « LE NON-DIT » , focalise, quant à lui, à travers sa longue lutte dans l’enfer carcéral contre l’oppression, toutes les valeurs humaines, notamment celle de la résistance contre les « cécités tueuses » (p. 25) . «‘ Leader charismatique ’» (p. 26) , Mandela est alors la figure emblématique et universelle du combat courageux et inlassable de l’Homme contre les forces oppressives :

« Mandela ! O Mandela ! le fusil n’est pas tout,
tes chaînes brisées clament
toutes les libertés. . .
Ta libération est une aurore, Mandela,
une aurore universellement perçue (. . . ) » (p. 25) .

La résistance exemplaire de Mandela en fait le symbole vivant de cet « ‘éclat obsidional du Monde : Eclat/insondable de l’Origine’. » (p. 25) et le héros de ces « peuples » (p. 26) , confondus en une même figure de la révolte et de la résistance subversive, par lesquels le poète désigne ces humanités prises dans le chaos-monde.

Dans l’espace de ces hautes figures, Agoun’chich rejoint non seulement Alexandre et Mandela mais représente d’abord et essentiellement la figure épique et la figure d’exception qui habite la mémoire, suscite le récit, déclenche l’imaginaire et domine l’oeuvre. Dans l’univers de l’oralité, un individu s’appuie sur sa valeur personnelle et ce qu’elle représente comme honneur, celui qu’incarne notamment l’homme de parole. Le narrateur ne dit-il pas de ces « ‘desperados solitaires, bandits d’honneur’ » , auquel appartenait Agoun’chich, que « leur existence tragique a marqué d’un sceau indélébile la chronique locale et l’on se souvient encore d’eux avec respect et souvent quelque tendresse. » (Légende et vie d’Agoun’chich, p. 28)?

Ainsi, l’apparition du personnage d’Agoun’chich (p. 28) s’effectue dans un contexte narratif proche de celui de l’épopée dans la définition qu’en donne Paul Zumthor : ‘« Récit d’action, concentrant en celle-ci ses effets de sens (. . . ) l’épopée met en scène l’agressivité virile au service de quelque grande entreprise. Fondamentalement, elle narre un combat et dégage, parmi ses protagonistes, une figure hors du commun qui, pour ne pas sortir toujours vainqueur de l’épreuve, n’en suscite pas moins l’admiration’. »446 .

Dans sa seconde partie inaugurée par le « il était une fois » , Légende et vie d’Agoun’chich renoue avec un passé glorieux et avec une forme culturelle, de tradition orale, celle de la légende, récit collectif, d’histoire, de combat et de résistance. Ce même lien apparaît aussi comme forme d’élaboration d’un « récit à venir » , permettant ainsi la restauration de l’identité à travers la réactualisation du verbe épique où le savoir légendaire, transmis, n’est pas sans rappeler les légendes évoquées dans la première partie comme étant un savoir associé aux femmes du Sud.

On comprend alors que la perte manifestée par l’écriture est bien la perte de la voix du chant des femmes. Écrire, c’est écrire l’absence de la voix : « ‘Le texte écrit n’est pas le bercement oral de cette voix maternelle, origine du chant. Il en est le substitut déficient en même temps qu’il place le sujet de l’écriture dans la situation de transmetteur. (. . . ) La traduction est ici écriture et éloignement. Là où la jouissance de la voix fut interrompue existe la résistance de l’écrit. L’écriture donne sens au dessaisissement.’ » 447 .

La parole dans l’écriture ne peut se dire que dans cet éloignement par rapport à l’originel. Nous sommes là dans « le corps inaugural » évoqué plus haut. L’oralité entre alors dans une esthétique de l’éloignement et de la séparation ; de ce point de vue, Légende et vie d’Agoun’chich , comme Agadir , relève de l’écriture de ce déchirement et de cet éloignement par rapport à l’oralité et au sud.

C’est pourquoi, domine aussi l’angoisse de la séparation que viennent étayer les propos sur la femme berbère au début de Légende et vie d’Agoun’chich qui exaltent une antériorité communicative et fusionnelle où le mythe est désigné en tant que tout, qu’unité de la recherche et de la connaissance.

De ce point de vue, le groupe serait alors un grand corps maternel, linguistique et culturel. Le sens de l’écriture ne serait-il pas alors de valoriser l’oralité et donc d’exalter le corps de la mère ? Dans le même temps, nous sommes dans le thème dominant de la mort et du mourir à soi, sorte de matricide par rapport à l’oralité en tant que champ symbolique de la parole-mère.

L’irruption du monde moderne notamment dans Légende et vie d’Agoun’chich pointe l’un des aspects de cette hypothèse, en faisant ainsi éclater la légende et en fonctionnant, paradoxalement, dans l’imitation de ces formules de déréellisation, à valeur protectrice, caractéristiques du conte populaire, maghrébin. Celles-ci visent à démythifier le récit en marquant une distanciation par rapport au temps et à la vérité-réalité du conte.

Ce dernier avait procédé, nous l’avons vu, au rituel du conte traditionnel par le « il était une fois » (Légende et vie d’Agoun’chich , p. 22) , mettant en place le pouvoir de l’imaginaire tout en délimitant l’espace du récit. Celui-ci est alors circonscrit par la formule initiale et rituelle du conte et par une expression finale marquant le retour au réel. C’est ainsi que peut se lire le départ d’Agoun’chich. La mort de sa mule qui participe à la légende, marque la fin de celle-ci ; la fin de la fiction correspond à celle du récit et à un retour au réel, indiqué par les repères mentionnés plus haut.

Un pouvoir de l’imaginaire a été mis en place mais réduit ici en fiction. Et, puisque le récit se termine lorsque la réalité froide, menaçante et dépourvue de poésie du monde moderne s’impose, mettant fin à la légende, il apparaît donc que la visée essentielle du texte est à la fois de narrer la légende, de restituer son espace, son temps et son esprit, tout en disant la blessure qui atteint cet univers : « ‘blessure dans l’ordre de la représentation narcissique de soi, en même temps que blessure dans l’ordre de la temporalité’ » 448 . Légende et vie d’Agoun’chich montre que l’atteinte s’effectue aussi bien dans l’ordre de la culture de soi que dans celle de l’Autre : celle du Sud berbère par rapport au Nord, de l’oralité par rapport à l’écriture.

D’où, l’importance de la figure de l’exil non seulement dans la littérature maghrébine mais aussi dans la culture berbère à travers le thème de l’errance, majeur dans la culture de l’oralité. Le passage de l’oralité à l’écriture se jouerait alors dans « ‘la condition d’exil de la parole, de la langue, de la culture qui serait une métonymie du voyage originaire celui de l’accès au royaume non plus de la mère terrestre mais du père terrestre qui est figure de la rupture civilisationnelle demandée exigée de la culture de soi ’» 449 .

La récurrence dans l’oeuvre de Khaïr-Eddine du thème de l’errance et de la figure de l’exil ainsi que l’apparition répétée du conte traditionnel, berbère, Hamou ou Namir, réactualisé, manifestent, à notre sens, cette rupture dans et de l’ordre culturel en tant qu’arrachement aux signes de la mère. « ‘L’exil est la sortie hors du chant maternel en tant que définissant l’identité du sujet, le sujet humain est exilé en tant que mouvement de passage d’un champ culturel à un autre ; en tant qu’enfant, il est exilé entre la parole de la mère et la parole du père.’ » 450 .

De là, l’ambivalence du rapport avec cet univers de l’oralité qui se traduit dans la prise en charge de l’exil que suppose le passage à l’autonomie et à l’écriture et dans la quête d’un statut littéraire, figurant la quête identitaire. De ce point de vue, on peut dire qu’en s’ouvrant sur l’éloignement de la ville natale, Agadir marque le point de départ de la quête du statut littéraire dans le parcours de l’écrivain, dans la mesure où c’est son premier grand texte, « ‘L’exil devenant ainsi exil hors du champ des significations préétablies à l’ordre des naissances’. » 451 . L’ambivalence se lit aussi dans la tentative de revenir à la proximité orale par l’écriture. Celle-ci s’efforce de retrouver cette parole, cette langue, cette oeuvre-mère où s’inscrit métaphoriquement le texte originaire. Rappelons encore « sudique » : ‘« je parle d’un meurtre d’avant les sables et les traces (. . . ) d’avant ton visage de rose noire (. . . ) d’avant tes négations et les échelles qui me dédoublent/tic-taquant trimbalant/un gosse sans joues sans rétines/ (. . . ) tapi sous tutelle/d’un noé qui pense au déluge/ (. . . ) /je m’ouvre en virgule de ma trempe nègre (. . . ) ’» (Ce Maroc , p. 31-33) .

Ce faisant, l’écriture ne mime-t-elle pas la fonction de conservation du souvenir que l’on retrouve dans l’oralité, notamment dans le conte452 ? Cette fonction joue sans doute un rôle structurant car la rupture symbolique qui s’opère dans le passage de l’oralité à l’écriture ne va pas sans provoquer un sentiment de dépérissement du fils éloigné de la mère, l’oeuvre de Khaïr-Eddine ne cesse de le dire. Or, ce dépérissement se lit aussi dans celui de la culture et de l’oralité en tant que mode d’être au monde et à la parole, c’est, entre autres, le propos de Légende et vie d’Agoun’chich .

Ce texte se construit autour de l’activité symbolique présente dans le discours de l’oralité et sa fonction de représentation sociale. Il montre comment porter atteinte au social, toucher la symbolique de représentation, c’est provoquer la déperdition symbolique ; rappelons, notamment le passage concernant les femmes berbères dans la première partie du livre.

Or, si l’oeuvre de Khaïr-Eddine travaille, nous semble-t-il, à la restitution de cet ancrage symbolique, celle-ci est de l’ordre de l’évocation, entendue en tant que mise en pratique de la maîtrise de l’absence, car dans le passage de l’oral à l’écrit se pose la question du symbole absent dans ce passage. C’est sans doute la raison pour laquelle, le vide, l’absence, l’écart occupent tant d’importance dans l’écriture. Apparaît alors nettement dans l’oeuvre la mise en parallèle de l’effondrement symbolique et des ruptures familiales, l’effraction du code social par l’écriture constitue la remise en question de la cohésion sociale.

Dans le même temps, il semble que l’attachement au maternel dans son rapport avec l’oralité renvoie à la difficulté d’assigner à soi-même et de soi-même une identité. C’est ici que prend sens toute la problématique de l’identité du « je » et du texte chez Khaïr-Eddine. Le déterreur le montre : « ‘le Sud! Le Sud! Ma mère, la vraie (. . . ) répudiée vivant seule (. . . ) que je retrouvai qui n’appartenait plus qu’à moi seul errant dans la montagne chassant la perdrix, la colombe et les lièvres. Grâce à quoi je me suis nourri’. » (p. 119) . L’écriture de Khaïr-Eddine est évocation de cette perte, celle du Sud et de la Mère, tout à la fois, en désignant aussi les retrouvailles avec ces objets perdus.

En effet, cette problématique se situe au coeur même de cette ambivalence du rapport avec l’oralité, oscillant entre collectif et individuel, l’oralité impliquant le collectif, le groupe, alors que l’écriture concerne l’individu. ‘« Nous retrouvons aussi la caractéristique fondamentale de l’anonymat du sujet disparu en son individualité dans la totalité de l’indifférenciation et de l’inessentiel propre à la culture orale. (. . . ) La fonction de la littérature orale n’est pas de créer de l’héroïsme, malgré sa dimension épique, elle n’a pas valeur individualisante, mais resserrement des liens du groupe, des liens d’alliance : le poète disparaît là dans son individualité. Il est un trait du groupe non son exception.’ » 453

Or, à considérer le statut et la figure du poète chez Khaïr-Eddine, il semble que chez lui cette entreprise passe par l’intégration du « je » dans le mythe populaire. Ainsi, « le bouffeur de cadavres » auquel s’assimile Le déterreur, hante l’imaginaire berbère. Cette figure mythique prend, dans la culture orale, les trois aspects, confondus dans un même fond, d’un être humain frappé par une maladie indéfinissable qui doit manger du cadavre dans un but curatif, d’une créature surnaturelle se rapportant à l’ogresse ou à l’ogre dévorateurs et enfin, au monstre, animalisé, associé à la redoutable hyène.

La maladie, le surnaturel et l’animal sont ainsi liés dans la symbolique populaire. « ‘Lorsque le poète oral parle de lui, il en parle comme un être déchu par le destin, l’histoire, la conjoncture, présentation négative de soi en tant qu’énigme de la situation du groupe social, de son groupe social. Il n’est pas une figure idéale pour le groupe. Il ne propose pas une autre identité du groupe. Il parle de son lieu, sans mise à distance de ce lieu.’ »454.

Il nous semble que le personnage du Déterreur réunit tous ces traits qui correspondent aussi à ceux de la figure du Mejdoub, être inadapté à la société, conteur, philosophe et fou, à mi-chemin entre la réalité et la fiction. Outre son anormalité, véritable maladie qui le marginalise et lui vaut d’être mis à l’écart de la société par les détenteurs du pouvoir - le procureur de Dieu et du roi - « le mangeur de morts » vit l’enfer carcéral de la folie dans sa tour-prison intériorisée dans son corps.

L’exclusion, l’exil, la solitude ainsi que la durée carcérale, ce temps hors temps, en font un personnage privé de raison, au discours décousu et éclaté. Rongé par l’angoisse de la mort, il se sent constamment persécuté par des « ennemis irréductibles » (p. 50) qui sont « légions » . L’éclatement de son identité, sa perpétuelle métamorphose justifient le rapprochement avec le Mejdoub. Pour l’un comme pour l’autre, la déraison est un moyen de survie et de défense, un mode d’existence qui renvoie à l’être double. Nous sommes là dans un procédé qui relève à la fois de l’écriture et de l’oralité.

Le fou dans la culture maghrébine, avec laquelle le personnage du déterreur noue des liens, renvoie à cette dimension où « ‘l’Homme est quelque chose qui doit être dépassé’ » , selon Nietzsche. « ‘Grâce à l’inachèvement processuel de sa créativité chancelante, le fou échappe, en partie, aux carcans qui enserrent l’homme « normal » . La souffrance du fou le contraint à un retour intime vers son histoire passée, vers ses désirs profonds ’»455 . Telle est bien l’expérience du Déterreur . Celui-ci est un fou à la fois sage et révolté contre la société qu’il refuse. La révolte est aussi le fait du « je « qui revendiquait déjà dans Agadir le statut de rebelle. La parole du Mejdoub est ainsi que celui qui la profère frappée de folie et de violence, aussi, ne laisse-t-elle jamais indifférents ceux qui l’écoutent.

Troublante, elle est aussi étrange et inquiétante que le personnage, son statut, ambigu, son sens, obscur. D’une part, les lois sociales permettent au fou, du fait de sa position, la liberté de parole et l’expression de son imaginaire, réprimé chez les autres, - son état de folie le prémunit ainsi de toute censure et de toute répression mais constitue sa parole en parole déraisonnable donc inoffensive - d’autre part, la culture populaire investit cette parole d’un pouvoir de vérité, d’une signification philosophique, d’un sens caché à méditer.

Le Mejdoub est perçu comme un être inadapté qui aspire à un idéal. Sa parole est folle et en tant que telle, innocente or, l’innocence est porteuse de vérité dans la croyance populaire. Du fou au poète, il n’y a qu’un pas que la tradition populaire a fait de tout temps. Le code social autorise à l’un comme à l’autre de déraisonner et tolère leur parole sans masque, imaginaire et profondément subversive.

Dans cette réappropriation par l’écriture des formes de ce matériau constitué par la culture populaire, orale, l’oeuvre adopte en fait une stratégie scripturale qui ne restitue pas l’oralité telle quelle mais en fait une transformation parodique, ludique. La parodie456 comme le détournement par les textes des formes héritées de la culture populaire donnent lieu à une réactualisation qui tout en poursuivant, en quelque sorte, le processus de transmission et de continuation de la culture de l’oralité, n’en joue pas moins avec celle-ci.

Du point de vue de l’écriture, est-ce de l’ordre de l’euphorisation que la question des versions qui est aussi une pratique culturelle caractéristique de la tradition orale457? La multiplication des versions et variantes est-elle destruction de l’euphorie du conte ? N’est-ce pas plutôt une démultiplication qui montre qu’il y a place pour des visions-versions qui sont autant de voix différentes ? Ceci montre aussi que l’esthétique de l’oralité se fonde entre autres sur la répétition et l’inachèvement.

Par ailleurs, notons que le paradoxe de l’oralité en matière de langage est d’être à la fois une structure ouverte et fermée. S’agissant de Khaïr-Eddine, la pratique de la version met en avant une stratégie d’écriture qui s’appuie sur la multiplication des voix créatrice d’une sorte de vertige désorganisateur du récit.

C’est le cas de la version « khaïr-eddinienne » de Hamou Ou Namir qui revient dans nombre de textes. Khaïr-Eddine évoque aussi souvent Hmad ou Moussa : « ‘Ce saint (Sidi Hmad u Musa) était, dit-on, jongleur, joueur de tambourin, chef d’une troupe de musiciens. Il reçut l’illumination, dit une chanson, pour avoir aidé une pauvre vieille à porter son fardeau’ » , rapporte Emile Dermenghem458. Ainsi, dans Le Déterreur (p. 34-36) , le « je » narrateur rapporte un récit, raconté par son grand-père, qui constitue une version d’un autre mythe populaire, notamment berbère459. Le fond de ce récit, diversement narré, fait apparaître l’importance de la mère dans la vie du fils ainsi que leurs rapports oedipiens.

Dans le récit de sa propre histoire, le « je » raconte sa mère dans des situations tout à fait analogues à celles du récit traditionnel : ‘« Ma mère répudiée vivant seule dans une grande maison avec deux vaches, un âne et une poule noire (. . . ) Ma mère que je retrouvai qui n’appartenait plus qu’à moi seul errant dans la montagne (. . . ) Ma mère pleura mon absence, vitupéra le roi régnant souhaitant sa mort, alla se lamenter sur la tombe d’un saint oublié (. . . )’ » (Le Déterreur , p. 119 et 121).

Or, dans ce glissement du récit transmis vers le vécu personnel du « je » des textes de Khaïr-Eddine, à l’instar du Déterreur, on sent que la construction qu’est le récit oral en tant qu’« ‘enjambement de la mortalité humaine, du groupe en tant que groupe, de la société en tant que société, du récit en tant que récit, du langage en tant que langage’ ».460 est totalement ébranlée chez Khaïr-Eddine et son écriture fait part de ‘« l’histoire d’une destructuration symbolique conséquence d’une destructuration historique’ »461. Légende et vie d’Agoun’chich ne dit pas autre chose !

Alors écrire l’oralité, « ‘c’est donner à voir le champ intérieur dévasté d’une subjectivité sociale atteinte en son identité’ » 462 , l’oeuvre de l’oralité, la force de la parole étant avant tout éléments introducteurs d’une violence qui reste sans doute en lien avec la censure, l’occultation et ce que Abdellah Bounfour dit : «‘ Assurément, la parole berbère, comme son histoire, est une parole déchiquetée ’»463 . C’est pourquoi, les mots sont chargés d’une intensité émotive et cherchent à se faire parole portée par la voix blessée : « ‘le mot est donc aussi abandon et l’écriture un déchirement, une « déchirure » , dont on retrouve souvent les cicatrices dans le discours. ’»464 .

Pour nous cette émotivité reste liée à l’oralité dans sa dimension de parole-mère qui est elle-même blessure et apparaît comme telle dans l’oeuvre. Par cet aspect et bien d’autres, la question de l’écriture rejoint celle de l’identité. La parole-mère étant l’espace propice, privilégié où naît et se propage la parole, où elle advient et se génère.

Ecrire, c’est aussi réactualiser des modèles ancestraux qui dialoguent avec le présent, comme le montre Légende et vie d’Agoun’chich . L’émergence de l’oralité passe par cette « gestion » ambivalente d’un patrimoine dont nous avons montré qu’il est hautement dominé par le féminin et le maternel.

Or, cette gestion semble s’organiser autour de valeurs qui se rejoignent grâce au réseau qu’établit l’écriture elle-même. Ainsi, la valeur de la parole qui dit, raconte crée, travaille au niveau du dialogue, de la restitution de la mémoire, fonde, poétise, valorise la voix et le corps comme lieu et rejoint ainsi la valeur de la communication-transmission.

Celle-ci est de l’ordre de la présence, du concret, de l’immédiateté, mais elle est aussi du domaine de la communion avec le groupe, avec le collectif et rejoint la valeur de l’exil. Si celle-ci renvoie à l’éloignement et à l’errance dans le voyage en quête d’ailleurs, elle ne prend sens que par rapport au retour, au lieu, à l’origine et à la terre. Cette valeur demeure rattachée à celle de l’honneur qui exalte la valeur guerrière, le combat, la conquête mais aussi la résistance et dans une certaine mesure la subversion et la marginalité. En cela, elle mène à la valeur de la déraison qui s’incarne non seulement dans la parodie, le renversement, la carnavalisation mais aussi dans la jubilation de la marge comme espace de défense et de survie, le langage en constituant sans doute le lieu privilégié.

Valeur de la parole, valeur de la transmission-communication, valeur de l’exil et valeur de l’honneur conduisent alors à la valeur du multiple, à cette poétique du divers465dans laquelle se retrouverait un certain nombre de caractéristiques de l’écriture de Khaïr-Eddine.

Le mélange, le métissage, le chatoiement, le miroitement mais aussi l’ambiguïté, la confusion jusqu’à la dépossession, à l’éclatement, au fractal et au chaos, côtoient la dualité, l’altérité, l’universel, le polychrome et le polyphonique pour créer une pluralité qui se nourrit de cette poétique du divers qui s’appuie elle-même sur celle de l’oralité.

Dans la seconde partie de ce travail, nous avons voulu montrer comment chez Khaïr-Eddine les stratégies scripturales sont imprégnées par l’oeuvre de l’oralité. Nous avons appréhendé celle-ci, tout d’abord, à travers l’intense activité de la parole dans l’espace scriptural analysé comme lieu de sa mise en acte et de sa mise en scène.

Cette forte présence et cette théâtralisation de la parole circonscrivent un espace singulier, constitutif d’un autre aspect de l’oeuvre de l’oralité et ouvrant l’écriture à cet entre dire et écrire dont nous avons essayé de dégager le double versant déstructurant et structurant à la fois.

Enfin, par l’analyse du discours de l’oralité, entendu dans ses rapports complexes avec la culture et l’identité, notre investigation fait aller l’oeuvre de l’oralité, ainsi décelable par ce troisième aspect, vers une esthétique scripturale que la dernière partie de ce travail entend explorer.

Notes
429.

L’une des formules préliminaires du conte traditionnel marocain

« Kan ya ma kan » . Voir : J. SCELLES-MILLIE. Contes sahariens du

Souf . Paris : Ed. Maisonneuve et Larose. 1963, p. 28.

430.

Voir le travail de Abdellah MEMMES. Signifiance et intertextualité :

Essai d’approche poétique. Th. Et. Rabat : Université Mohammed V,

Faculté des Lettres et des Sciences Humaines, 1989, vol 1 et 2.

431.

Abdellah MEMMES. ibid.

432.

Marc GONTARD.Violence du texte. op. cit. p. 54-63.

433.

Nabile FARES. op. cit. p. 250.

434.

« tu mérites vraiment que je te fasse connaître le paradis et aussi

l’enfer. » (p.24) .

435.

Présents dans la pratique culturelle de « achoura » .

436.

Nabile FARES. op. cit. p. 250.

437.

« Dès qu’elle n’est plus le conte, la narration ne peut qu’imiter le

conte. » , Jacques ROUBAUD. « La double hélice » in Change . « La

narration nouvelle » . op. cit. p. 208.

438.

Jacques ROUBAUD. ibid. p. 209.

439.

À titre d’exemple : Dieu et la morale socio-religieuse. Il est souvent

question dans le conte d’enlèvements et non de mariages conformes

à la juridiction musulmane. Des êtres humains ou surnaturels sont

investis de fonctions et de puissance relevant de celles de Dieu. Un

certain paganisme règne ainsi dans le conte qui échappe à toutes

contingences sociales.

440.

Raconté à la maison, pendant l’enfance, le plus souvent par les

femmes (mère, grand-mère, tante) , voir Bruno ETIENNE. « Magie

et thérapie à Casablanca » in Le Maghreb musulman en 1979 . op.

cit. p. 269-270.

441.

Celui du « hlaïqi » : conteur de la place publique. Rappelons

l’aspect matriciel et protecteur de la « halqa » , cercle d’auditeurs

qui se forme autour de lui.

442.

Jacques ROUBAUD. op. cit.

443.

Nabile FARES. op. cit. p. 196.

444.

Édouard GLISSANT.Introduction à une poétique du divers. Paris :

Gallimard, 1996.

445.

Nabile FARES. op. cit. p. 197.

446.

Paul ZUMTHOR. op. cit. p. 105.

447.

Nabile FARES. op. cit. p. 186.

448.

Nabile FARES. ibid.

449.

Nabile FARES. ibid. p. 198-199.

450.

Nabile FARES. ibid. p. 199.

451.

Nabile FARES. ibid. p. 200.

452.

Vladimir PROPP. op. cit. p. 19.

453.

Nabile FARES. op. cit. p. 200-205.

454.

Nabile FARES. ibid. p. 206.

455.

Claude LORIN. op. cit. p. 201.

456.

« le détournement ou la déformation de la lettre d’un texte ou d’un

hypotexte : texte de départ, préexistant, au moyen d’une

transformation ludique, non satirique » , Gérard GENETTE.

Palimpsestes : la littérature au second degré. Paris : Seuil,

« Poétique » . 1982, p. 7.

457.

Camille LACOSTE-DUJARDIN. Le conte kabyle . Paris : Ed. Maspero,

1970, p. 50-64.

458.

Le culte des Saints dans l’Islam maghrébin . Paris : Gallimard,

1954/1982, p. 217.

459.

Samira MOUNIR. « Hammou ou Namir et son complexe » in Tisuraf

3 . Groupe d’Etudes Berbères, Publications de l’Université Paris

VIII, juin 1979, p. 15-36.

460.

Nabile FARES. op. cit. p. 322.

461.

Nabile FARES. ibid.

462.

Nabile FARES. ibid. p. 288.

463.

Dans un article intitulé « l’ensablement » in Itinéraires et contacts

de cultures , « Littérature et oralité au Maghreb » . N°15/16. Paris :

L’Harmattan, 1er et 2ème semestre 1992, p. 39.

464.

Pierre VAN DEN HEUVEL. op. cit. p. 54.

465.

Édouard GLISSANT. op. cit.