Chapitre II : Dynamique de la mémoire.

La mémoire est appréhendée ici du point du vue du corps qui la contient et qui constitue un préalable à tout langage et suscite de ce point de vue de nombreuses questions. Comment s’effectue l’oeuvre de la mémoire dans une expérience esthétique qui essaie, loin de toute autobiographie, irrémédiablement impossible, selon Derrida, de s’écarter de toute structure figée, d’une ancestralité sclérosante, d’une origine problématique, pour tendre vers une déconstruction de la mémoire au service du projet esthétique ?

L’écriture mnésique est alors partie prenante de l’expérience scripturale, en tant qu’écriture du corps. Il s’agira alors d’en saisir les manifestations dans le texte et la visée quant à ce qui nous mobilise ici : la double question de la mémoire culturelle, collective, en tant qu’oralité antérieure à l’écriture, et celle de la propre mémoire individuelle du créateur, avant tout mémoire du corps, qui se sert de l’une comme de l’autre dans son oeuvre de création.

Or, cette double mémoire qui appelle l’enfance des mots est autant perturbatrice que perturbée elle-même. Comment les pièges de la mémoire participent à l’élaboration même de l’oeuvre qui s’étaye sur cette dynamique de la mémoire dans toutes ses contradictions qui la rendent vivante et la mettent en action dans le corps même de l’oeuvre ?