2.1.2 Etudes en Imagerie fonctionnelle par Résonance MAgnétique Nucléaire (IRMf)

Les études IRMf, moins nombreuses que celles réalisées en TEP, ont essentiellement cherché à éclairer le débat sur la contribution respective des régions corticales frontale et postérieure dans l’accès aux représentations lexico-sémantiques des mots, et ont plus particulièrement examiné le rôle du cortex préfrontal dans un traitement sémantique versus phonético-phonologique.

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Figure 26. Illustration de l’existence d’un vaste réseau neuroanatomique largement distribué sous-tendant les processus langagiers. Chaque niveau de traitement linguistique active des régions corticales distinctes : regarder“passivement” un mot active plus fortement les régions occipito-temporales du cortex, écouter “passivement” un mot les régions temporo-pariétales, prononcer un mot semble activer de façon prépondérante des aires du cortex moteur, enfin générer des verbes à partir de mots semble mettre en jeu un vaste réseau impliquant les régions temporale et frontale, dont l’aire de Broca (d’après Petersen et coll., 1988).

Les résultats obtenus en IRMf corroborent généralement les observations issues des études TEP. Les activations souvent conjointes observées dans le cortex préfrontal gauche et la région temporale postérieure correspondant au gyrus fusiforme dans des processus langagiers complexes de jugement sémantique (décider s’il s’agit d’un mot concret ou abstrait) ont conforté l’hypothèse selon laquelle le cortex préfrontal serait davantage impliqué dans un rôle de maintien en mémoire des informations sémantiques tandis que la région du gyrus fusiforme interviendrait dans le stockage des connaissances conceptuelles et sémantiques. Par ailleurs, l’implication du cortex préfrontal gauche dans des traitements sémantique et phonético-phonologique a été discuté en terme de découpage anatomo-fonctionnel de cette région.

Il a en effet été montré que la région préfrontale inférieure gauche pouvait être subdivisée en sous-régions fonctionnellement distinctes : les traitements sémantiques impliqueraient davantage la région antérieure (aires 47 et 10) du cortex préfrontal inférieur tandis que les traitements phonético-phonologiques impliqueraient plus souvent des aires plus postérieures (aires 44 et 45) du gyrus frontal inférieur (Binder et coll., 1994; Buckner et coll., 1995a; Demb et coll., 1995; Binder et coll., 1996c, 1997; Gabrieli et coll., 1996, 1997; Pugh et coll., 1996, 1997; Small et coll., 1996; Binder, 1997; Fiez, 1997). Nombreuses sont par ailleurs les études qui ont montré une implication du gyrus frontal inférieur dans des tâches mettant en jeu la mémoire de travail, cette région corticale n’étant a priori pas sélectivement activée pour du matériel verbal (Paulesu et coll., 1993; Buckner et coll., 1995b; Awh et coll., 1996; Buckner et coll., 1996; Vandenberghe et coll., 1996; Wagner et coll., 1997; Buckner et Koustaal, 1998; Buckner et coll., 1998a, 1998b; Courtney et coll., 1998).

Plusieurs études IRMf ont également cherché à apporter des éléments de réponse au vaste débat relatif à la latéralisation des fonctions langagières dans l’hémisphérique gauche (Benson et coll., 1994, 1999; Binder et coll., 1995; Desmond et coll., 1995; Shaywitz et coll., 1995; Binder et coll., 1996a, 1996b; Ramsey et coll., 2001). L’étude de Shaywitz et collaborateurs (1995) a plus particulièrement montré qu’il existait une latéralisation hémisphérique plus ou moins prononcée en fonction du sexe et du niveau de traitement langagier : les activations observées dans le cortex frontal inférieur (aires 44 et 45) sont significativement plus importantes dans l’hémisphère gauche que dans l’hémisphère droit chez les hommes seulement, tandis que celles observées dans le cortex extra-strié sont bilatérales chez les hommes comme chez les femmes. Ces auteurs ont plus spécifiquement montré qu’une analyse phonético-phonologique (tâche de détection de rime) activait de façon prépondérante le gyrus frontal inférieur gauche chez les hommes, ces activations étant bilatérales chez les femmes.

Quant aux niveaux d’analyse orthographique (tâche de reconnaissance de lettres dans un mot) et sémantique (tâche de catégorisation sémantique), ils sont tous deux associés à des activations bilatérales et parallèles du cortex frontal gauche et surtout du cortex extra-strié, quelque soit le genre des sujets.

Les nombreuses données TEP et IRMf sur le traitement du langage sont largement complémentaires, mais la diversité des paradigmes expérimentaux utilisés et la divergence de certains résultats rendent difficile la synthèse des connaissances dans le domaine complexe des processus langagiers. Certains auteurs ont tenté de rassembler au sein d’une même banque de données l’ensemble des patterns d’activation considérés comme significatifs, et d’opérer ainsi à une classification des principaux résultats en fonction des processus cognitifs étudiés et des principales régions corticales activées (Cabeza et Nyberg, 1997, 2000; Figure 27).

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Figure 27. Représentation schématique et synthétique de l’ensemble des données recueillies en TEP et en IRMf issues des principales études ayant examiné les processus langagiers. Les patterns d’activation ont été regroupés en fonction des niveaux de traitement des mots lus ou entendus, c’est-à-dire perceptuel (visuel ou auditif), phonético-phonologique, et lexico-sémantique, et ont été replacés sur une vue latérale des hémisphères droit et gauche du cerveau. Le découpage de la surface du cortex correspond aux aires de la classification de Brodmann, comme illustré dans la figure 24 (d’après Cabeza et Nyberg, 2000).