4. Conclusion et présentation de notre problématique de recherche

L’espèce humaine a su se différencier des autres espèces animales en développant des facultés de communication extrêmement sophistiquées, verbales et non-verbales, érigeant de ce fait l’Homme à un statut d’être social par excellence. Certains objets de l’environnement constituent le fondement des interactions sociales et occupent une place particulière dans les activités quotidiennes de l’Homme. Le courant naissant des neurosciences cognitives (psychologie et neuropsychologie cognitives, neurophysiologie animale et humaine) a commencé à éclairer les processus cérébraux impliqués dans différents aspects du traitement de deux catégories de ces objets éminemment pertinents pour l’Homme en raison de leur forte connotation psychosociale, à savoir les mots et les visages.

Les multiples observations dans ce domaine ont conduit à supposer l’existence de processus neurophysiologiques spécialisés dans le traitement de ces deux classes de stimuli. La nature de cette spécialisation anatomo-fonctionnelle demeure complexe et semblerait intrinsèquement liée à la dimension sociale des stimuli langagiers et faciaux. Au-delà des propriétés physiques propres aux objets de ces deux catégories, le système cérébral humain semble avoir développé des mécanismes de traitement extrêmement performants capables d’intégrer très rapidement un grand nombre d’informations visuelles souvent très complexes.

L’objet de cette thèse est l’étude des processus électrophysiologiques impliqués dans différents aspects du traitement visuel des mots et des visages. En d’autres termes, existe-t-il un support neurophysiologique au découpage fonctionnel du traitement des mots et des visages en plusieurs opérations cognitives, comme spécifié dans certains modèles théoriques de reconnaissance visuelle (Bruce et Young, 1986; Seidenberg et McClelland, 1989) ?

Les potentiels évoqués de surface, bien que ne permettant pas de déterminer précisément les régions cérébrales impliquées dans les différents niveaux de traitement des stimuli verbaux et faciaux, constituent un outil d’étude privilégié pour examiner finement le décours temporel des activations cérébrales mises en jeu à différents niveaux d’analyse, et pallier la nature cumulative et statique des données issues des études TEP et IRMf.

En outre, comme la revue bibliographique l’a précédemment mentionné, il semble exister des stratégies de traitement hautement sophistiqué et extrêmement rapide pour catégoriser des classes de stimuli à forte valence sociale pour l’Homme, comme les visages. Ce phénomène constituera un point critique dans l’interprétation de nos données.

Par l’enregistrement topographique des potentiels évoqués à la surface du scalp et l’analyse des champs de potentiels et des densités de courant radial, les études menées au cours de ce travail de thèse ont tenté de répondre aux questions suivantes :

Peut-on associer des corrélats électrophysiologiques aux différentes opérations cognitives impliquées dans les processus de lecture de mots isolés et quelle est la dynamique temporelle des activations neuronales correspondantes ? Peut-on parler d’un effet de supériorité des mots ?

Les mécanismes impliqués dans l’encodage structural des visages sont-ils dissociables, sur la base d’activités électrophysiologiques séparées, de ceux mis en jeu dans le traitement des informations physiognomiques relatives au genre et à l’âge ?

Peut-on parler de stratégies de traitement automatique, spécifiquement mises en jeu pour la classe des visages ?