2. Enregistrement de l’EEG et acquisition des PE

2.1 Quelques considérations historiques et techniques

Les premiers enregistrements des activités électriques d’origine cérébrale chez l’Homme sont dûs à Hans Berger (1929). L’électroencéphalographie (EEG) s’est avérée très rapidement être une méthode d’investigation et d’évaluation clinique fiable et rapide. Bien que l’enregistrement des potentiels évoqués (PE) ait été mis en évidence chez l’animal dès 1875 par Richard Caton, il faut attendre 1939 pour voir apparaître les premiers enregistrements de PE chez l’Homme, grâce aux travaux menés par Pauline Davis. Dépendants d’une technologie complexe, les PE ne connaissent un essor semblable à celui de l’EEG que dans les années 1950 (Guérit, 1993). Cet essor tardif des PE est essentiellement lié à des problèmes technologiques dûs à la très faible amplitude des signaux recueillis. Comparativement à l’EEG qui reflète l’activité électrique globale spontanée des neurones dans les différentes aires cérébrales et dont l’amplitude sur le scalp peut atteindre 100 ou 200 µV, les PE, définis comme des modifications de l’activité électrique cérébrale de fond à la suite d’une stimulation sensorielle, sont caractérisés par des amplitudes très faibles, de l’ordre de quelques microvolts.

Toute stimulation (sonore, visuelle, etc.) génère des variations de courants résultant de l’activité simultanée et/ou parallèle de plusieurs populations neuronales situées dans différentes aires corticales et/ou sous-corticales spécifiques. Ces courants ioniques, ’évoqués’ par la stimulation, sont transmis par conduction passive jusqu’à la surface du scalp où ils sont recueillis, atténués, déformés, et ’noyés’ dans l’activité EEG spontanée de fond en raison des différentes propriétés de conductivité et d’anisotropie des couches des milieux traversés (cerveau, liquide céphalo-rachidien, os, scalp).

Pour extraire cette réponse évoquée du ’bruit’ de fond constitué par l’activité électrique spontanée du cerveau, il est nécessaire de recourir à des techniques spécifiques, la plus classique étant la méthode de moyennage synchronisé sur la stimulation. Cette méthode consiste à présenter un grand nombre (plusieurs dizaines ou centaines) de stimuli répétitifs, et à moyenner des séquences d’EEG synchronisées sur les stimulations successives. Cette procédure repose d’une part sur le caractère aléatoire d’apparition de l’EEG par rapport à la présentation des stimuli, d’autre part sur la relation temporelle stable qui existe entre la présentation des stimulations et la réponse évoquée. Le moyennage d’un grand nombre de traces EEG calées sur la stimulation permettra donc de faire émerger progressivement les réponses évoquées spécifiques associées aux stimuli présentés et/ou à la tâche proposée au sujet de l’activité EEG de fond, et permettra ainsi d’améliorer le rapport signal/bruit des signaux. Ce ’bruit’ est formé non seulement de l’activité EEG résiduelle, mais aussi du parasitage des réponses par des artéfacts musculaires, des mouvements oculaires ou le 50 Hz du secteur. Il a été montré que l’amélioration du rapport signal/bruit était proportionnelle à la racine carrée du nombre de traces EEG moyennées.

Un ’potentiel évoqué moyen’ est alors obtenu et enregistré sur le scalp sous la forme d’une succession de déflections positives et négatives. Le PE mesuré à une électrode constitue donc le reflet de l’activité électrique intégrée de différentes structures corticales. L’enregistrement des PE sur un grand nombre d’électrodes permettra d’obtenir des cartes de variations des champs de potentiels, et d’examiner la topographie des signaux électrophysiologiques enregistrés via l’utilisation de techniques d’analyse cartographique.