1.2. Oxford

Dans les années 1880, Oxford était sous l’influence des successeurs de T. H. Green, mais Hobhouse ne devint pas, pour autant, un adepte de l’idéalisme : il continua, au contraire, de préférer la pensée de J. S. Mill. Néanmoins, la scolarité de Hobhouse à Corpus Christi lui fit nouer une relation paradoxale avec cette philosophie qui devait être fondatrice de sa pensée. Devenu tuteur, il donna des cours sur Aristote, se passionnant particulièrement pour le concept de justice et l’éthique. Selon un témoignage de l’époque3, ‘« à part la philosophie, la politique était son centre d’intérêt principal. A ses yeux, celle-ci se confondait avec l’économie ’», laquelle à son tour représentait « ‘la recherche de la justice distributive ’». Ce double intérêt devait l’accompagner toute sa vie, et les dix ans qu’il passa en tant que professeur à Oxford furent aussi une époque de militantisme aux côtés de mouvements sociaux et syndicaux. Signalons, en outre, que sa curiosité le poussait vers un autre domaine, puisqu’il consacrait des journées entières à étudier la physiologie et la biochimie sous la direction de l’éminent professeur J. S. Haldane.

En 1893, il publie son premier livre The Labour Movement 4 qui, d’après Collini5, relève d’une « inspiration socialiste » ou du moins « collectiviste ». La thèse centrale de l’ouvrage est que « ‘le mouvement coopératif’ ‘, le syndicalisme’ ‘, le socialisme’ ‘ d’État et le socialisme’ ‘ municipal sont des tentatives complémentaires’ 6 » qui doivent permettre d’atteindre « ‘le contrôle collectif de l’industrie et de ses produits par la communauté’ 7 ». Toujours selon Collini, l’influence fabienne s’y fait fortement sentir. Toutefois, la question de la proximité de Hobhouse avec les Fabiens à cette période n’est pas tout à fait claire : s’agissait-il purement d’une influence de leurs outils conceptuels ou y avait-il un lien plus profond ? L’idée d’un État fondé sur les syndicats et les mouvements coopératifs que Hobhouse expose dans The Labour Movement lui avait été inspiré par The Co-operative Movement in Great Britain de Beatrice Potter, la future Beatrice Webb. De plus, il est vrai que Hobhouse était relativement isolé sur le plan de ses idées politiques à Oxford et seul le Fabien Sydney Ball l’accompagnait dans ses activités militantes. Enfin, Margaret, la soeur aînée de Beatrice Webb, avait épousé son cousin Henry Hobhouse. Néanmoins, selon Collini, il faut user de circonspection lorsque l’on fait référence à l’allusion à Hobhouse faite par Beatrice Webb dans son journal en 1895. Elle affirme, en effet, que ‘« Leonard Hobhouse recrute pour nous à Oxford’ 8 », mais l’on ne peut être sûr du sens de cette phrase, notamment s’il s’agit d’une démarche consciente et volontaire de la part de Hobhouse. Ainsi, on ne connaît pas la mesure exacte de sa sympathie envers le fabianisme. En tout état de cause, la relation prit fin assez rapidement pour se transformer en une inimitié définitive.

Notes
3.

 H. M. Conacher, « Apart from philosophy, perhaps his chief interest was in politics, which for him merged in economics- and economics, again was a case of [...] the pursuit of economic justice. » cité dans J. A. HOBSON, Morris GINSBERG, L. T. Hobhouse, p. 25. Cet ouvrage est désormais abrégé « Hobson/Ginsberg ».

4.

 L. T. HOBHOUSE, The Labour Movement. Cet ouvrage est désormais abrégé « TLM ». Nous préciserons, lorsque les références seront à l’édition de 1912.

5.

 Voir Stephen COLLINI, Liberalism and sociology. L.T. Hobhouse and political argument in England, 1880-1914. Cet ouvrage est désormais abrégé « Collini LS ».

6.

 Ibid.

7.

 TLM cité par Collini LS.

8.

 « Leonard Hobhouse is recruiting for us at Oxford ».