3.1. Hobhouse et le « nouveau libéralisme »

Une étude de la pensée politique de Hobhouse ne peut ignorer sa participation à la création du « nouveau libéralisme ». C’est là l’un des éléments principaux du contexte idéologique qu’il nous faut prendre en compte, ne serait-ce que parce que l’auteur situe explicitement sa pensée politique dans cette mouvance. Néanmoins, comme nous le verrons, l’appartenance de Hobhouse au « nouveau libéralisme » suscite la question de l’identité de sa pensée. En tout état de cause elle se définit par le libéralisme, c’est-à-dire avec ou contre lui. Mais encore faut-il s’entendre sur les termes : l’auteur propose, quant à lui, sa propre définition du libéralisme au moyen d’une division en phases historiques qui lui permet de distinguer un libéralisme classique incarné par un Cobden, auquel succède un libéralisme avancé (advanced Liberalism) qui désigne ce que l’on peut appeler, de manière plus neutre, le libéralisme edwardien. Le terme « nouveau libéralisme » fait son apparition dans un article de R. B. Haldane25 où les « ‘nouveaux libéraux’ » sont décrits comme ‘« les idéalistes qui accordent plus d’importance à une politique progressiste’ ‘ en matière sociale que les libéraux actuels’ 26. »

Si la relation de ce mouvement au libéralisme ne fait aucun doute sur le plan historique, elle semble, cependant, être plus problématique sur le plan de la théorie politique, parce que la proximité avec un certain socialisme semble distinguer franchement le « nouveau libéralisme » du libéralisme. Certes, on pourrait juger qu’il ne s’agit là que d’une simple question d’étiquette, mais on omettrait alors de rendre compte d’un discours explicite sur la parenté libérale dans l’oeuvre de Hobhouse. Plus généralement, l’étude des liens de la pensée politique de l’auteur avec le libéralisme se divise en deux questions complémentaires : d’une part, un regard rétrospectif peut tenter d’éclairer la nature de la pensée de Hobhouse pour le lecteur actuel et, d’autre part, on peut interroger la perception de l’oeuvre de Hobhouse par ses contemporains. Or, sur le deuxième point, il semble que l’on puisse distinguer dans les efforts de Hobhouse pour affirmer son libéralisme, le souci du jugement de ses contemporains, voire la tentation de donner une façade libérale à une pensée socialiste. Mais il faut là encore préciser les termes ; si Hobhouse n’hésite pas à parler d’un « socialisme libéral » en une acception de ce terme équivalente à un « libéralisme social », c’est parce qu’il n’entend en aucun cas le socialisme dans son sens marxiste. A l’époque en effet, le « socialiste » c’est celui qui veut des réformes sociales conduisant à la justice sociale. Donc, le socialisme « ‘attirait les libéraux et les progressistes’ ‘ en général parce qu’il soulignait la croyance capitale d’un âge pré-sociologique dans l’« inséparabilité » (inseparability) de l’éthique’ ‘ et de la politique’ 27. »

Notes
25.

 Richard Burdon Haldane (1856-1926), juriste, philosophe et homme d’État : il fut notamment ministre de la guerre de 1905 à 1912.

26.

 R. B. HALDANE, « The New Liberalism », p. 139 : « The New Liberals I take to be those idealists who esteem a progressive policy in social matters more highly than anything at present in Liberalism [...]. »

27.

 Freeden I, p. 25 : « It [socialism] appealed to liberals and to progressives in general because it underlined the cardinal belief of a pre-sociological age in the inseparability of ethics and politics. »