3.2. Définition des termes clés

Hobhouse a, toutefois, conscience que le terme de « socialisme » a mauvaise réputation et a tendance à lui préférer celui de « collectivisme » qui, selon Collini, « ‘fait référence plus largement à la tendance générale de l’augmentation du pouvoir de l’État’ » et qui était utilisé dans ce sens au tournant du siècle28. En outre l’utilisation de ce terme présente l’avantage de faire apparaître une autre division politique que celle des partis (conservateur, libéral puis travailliste) ou des courants idéologiques généraux que l’on associe à ces mêmes partis (pour ces deux derniers, respectivement le libéralisme et le socialisme). C’est donc dans cette même définition que nous utilisons ce terme que l’époque opposait à l’« individualisme » dans le cadre d’un débat qui sous-tendait toutes les théories politiques. Il faut noter que « individualisme » était aussi un terme ambigu à l’époque. Si on le définissait pour décrire la pensée de Spencer, par exemple, comme typique d’une conception selon laquelle « ‘l’État ne pouvait légitimement restreindre la liberté d’un individu que pour empêcher ses actes d’être spécifiquement préjudiciables à autrui’ 29 », il pouvait aussi correspondre à une conception moins extrémiste qui laissait une plus grande place au rôle de l’État. En revanche, Collini montre que l’individualisme et le collectivisme constituaient des pôles mutuellement exclusifs en fonction desquels le penseur politique était forcé de se définir : Hobhouse se présentait comme un collectiviste et, par là même, comme un anti-individualiste et courait le risque de ne plus être perçu comme un libéral. Mais, sa position collectiviste ne l’empêchait pas de conserver le concept libéral de l’individu comme l’unité de base de la société collectiviste. C’est, au contraire, tout l’enjeu de la pensée politique hobhousienne et, plus largement, du « nouveau libéralisme » que d’établir un projet de société qui réconciliera l’individu avec le Bien Commun, vers lequel le collectivisme doit tendre pour demeurer moral et, par conséquent, légitime.

Notes
28.

 Collini LS, p. 35 : « Collectivism could be used more broadly to refer to the general tendency to increase the powers of the state which [...] was the more common use by 1900. »

29.

 Cette définition restreinte de l’individualisme est donnée par Collini LS p. 18 : « [...] the state was only justified in restricting an individual’s liberty in order to prevent his actions causing specifiable harm to others. »