1.1. Volonté d’établir une vision globale
‘[...] in all sciences specialism is a necessity and it is also a danger. [...] It is a danger because social life is no more divisible into independent sections than the human body is divisible into independent organisms34.’

Hobhouse se méfiait de ces divisions, tout en reconnaissant leur validité scientifique, parce qu’il craignait qu’elles ne procurent qu’une vision morcelée et incomplète de cet ensemble (l’homme et la société) qu’il considérait indivisible. Ce risque était d’autant plus grand qu’il ne pouvait que mener à l’erreur qui consistait, selon lui, à ne pas envisager la réalité dans sa dimension organique, laquelle est fondamentale dans sa pensée. Cependant, il ne doutait pas que ces nouvelles sciences permettaient enfin au penseur politique une connaissance rigoureuse qui, à son tour, engendrerait l’élaboration d’un projet de société pertinent. Afin de reconstruire une vision globale menacée par la diversification des sciences humaines, tout en mettant à profit les connaissances auxquelles celles-ci donnaient accès, Hobhouse fit le choix d’élargir ses recherches aux nouveaux domaines d’investigation. On pourrait rajouter qu’il n’est guère surprenant de trouver ici l’auteur une fois de plus dans le rôle de réconciliateur qu’il affectionne particulièrement et qui, en l’occurrence, consiste à faire la démonstration de l’interdépendance de la philosophie et des sciences sociales.

‘If we begin by criticizing some particular injustice, we are led on to discuss what justice is. Beginning with some special social disorder, we are forced to examine the nature of social order and the purposes for which society exists. The social theory which we reach on these lines is a theory of ends, values, purposes, which lead us up to Ethics or Moral Philosophy35.’

Les différents axes de recherche de Hobhouse sont donc reliés entre eux par une perspective d’ensemble en utilisant la science et le savoir qu’elle procure pour distinguer des lois sociales qui constitueront, à leur tour, la base d’une théorie sociale :

‘If the principles which it [the philosophical view] discovers are to be realized in this workaday world, this can only be by intimate knowledge of the details of this world, by the control of events through their causes, for the discovery of which we must go to pure science. (MTS 15)’

L’apparente diversité de l’oeuvre se trouve être la marque de la volonté d’une analyse totale, et par là même correcte, qui permettra la connaissance de l’homme et de la société, notamment des rouages de l’évolution sociale et des limites que lui impose « la nature humaine » ou plutôt la réalité de la société humaine, telle qu’elle est accessible dans l’expérience.

Notes
34.

 Social Evolution and Political Theory cité par Schnorr p. 302.

35.

 L. T. HOBHOUSE, The Metaphysical Theory of the State p. 11. Cet ouvrage est désormais abrégé « MTS ».