4.1. l’harmonie et la conception organique

L’harmonie peut donc décrire toute opération de la raison et être considérée comme synonyme de la conception organique. Nous aurions pu ainsi écrire que la raison est de nature harmonique tout autant que la raison est de nature organique, puisque, d’une part, les deux formulations impliquent le travail d’interconnexion et, d’autre part, l’objet de la raison est de déterminer par cette méthode le vrai et le bien. Il y a donc, du propre aveu de Hobhouse, une identité ou au moins une grande proximité entre ces deux notions :

‘It looks, then, as though right and wrong may stand to the will much as true and false stand to the judgment. It would seem that they, too, claim a kind of validity which is regardless of any individual aberration. (TRG 16)’

Toutefois le remplacement de l’affirmation « la réalité est organique » par « la réalité est harmonique » aurait été une formulation problématique :

‘C.M. Griffin a fait remarquer, à juste titre, que Hobhouse a, en fin de compte, construit des travaux tout entiers autour de l’idée d’harmonie. De plus, Griffin distingue ‘harmony’ comme attribut de la nature systématique de la réalité et ‘harmony’ comme « objet souhaitable de la politique sociale ». Hobhouse n’aurait, selon Griffin, jamais expliqué cette distinction de manière satisfaisante75.’

En effet, dans la mesure où l’harmonie, comme nous l’avons déjà dit, est le concept clé de tout le système hobhousien, elle revêt aussi, voire surtout, un sens politique. En conséquence, nous préférons nous en tenir au terme organique quand il s’agit de décrire la réalité telle qu’elle est envisagée dans l’épistémologie et réserver le terme harmonique à la société telle que l’envisage la pensée politique de l’auteur, tout en signalant que parfois ces deux termes semblent recouvrir le même concept, ou du moins que la conception harmonique et la conception organique peuvent parfois se rejoindre. Cette distinction, faite par souci de clarté, est néanmoins artificielle et tout à fait étrangère à l’esprit qui anime l’oeuvre de Hobhouse  puisque celle-ci décrit un monde où tout est lié, où le fonctionnement de la pensée entretient des correspondances avec la réalité sociale et où l’on peut donc faire usage des mêmes concepts.

Notes
75.

 Schnorr p. 323 : « C.M. Griffin hat mit Recht darauf hingewiesen, dass Hobhouse letztlich sämtliche Arbeiten um die Idee von ‘harmony’ positioniert hat. Desweiteren unterscheidet Griffin zwischen ‘harmony’ als « attribute of the systematic nature of reality » und ‘harmony’ als « desirable object of social policy ». Diese Unterscheidung sei bei Hobhouse niemals befriedigend erklärt. »