1.2. La méthode du « point de vue historique »

L’oeuvre de Hobhouse est donc animée par une attention constante portée à la question du progrès, comme le laisse entrevoir le fait que les mots « évolution » et « développement » sont fréquemment employés par l’auteur, ne serait-ce que dans les titres de ses ouvrages. La sociologie de Hobhouse se consacre, en effet, à une analyse des différents modes d’organisation sociale et distingue, en procédant par recoupement, un schéma commun à l’évolution de la société dans son ensemble. Dans cette mesure, ces recherches confinent à l’anthropologie lorsqu’elles procèdent à l’étude des sociétés primitives contemporaines et à l’histoire lorsqu’elles étudient les formes d’organisation sociale du passé, telles que la société féodale, par exemple. La sociologie et l’histoire étaient, en fait, encore très liées au tournant du siècle, et la Sociological Society elle-même reconnaissait cette parenté :

‘Given the unanimity (sometimes implicit) of the Society on the need for sociology to be an evolutionary science, it was clear in which direction the sociologist would have to look for such laws – to the past, to the evidence of man’s evolution so far; in short to history. (Collini LS 204)’

Au-delà de la sociologie, le point de vue est très souvent historique chez Hobhouse, puisque tout phénomène est envisagé, voire expliqué, par l’examen de son évolution. Dans les articles et livres, on trouve généralement un rappel historique, qui a au moins pour fonction d’exposer la situation actuelle, afin d’en permettre une bonne compréhension. Par exemple, Hobhouse ne commence à énoncer sa conception du libéralisme dans l’ouvrage éponyme, qu’après avoir relaté l’évolution de la pensée libérale. Cette méthode lui permet, en outre, de présenter sa propre conception comme un stade logique dans l’histoire des idées et ainsi, de la légitimer78. Il ne s’agit pas là, toutefois, uniquement d’un moyen pédagogique ou rhétorique : le point de vue historique chez Hobhouse est essentiel parce qu’il rend compte de l’imbrication des phénomènes ou, pour utiliser une terminologie plus propre à l’auteur, de leur profonde interdépendance, de ce qu’il nomme leur interconnexion. A ce titre, il semble être le pendant diachronique de la conception organique ; le moment actuel est envisagé comme un moment donné dans le développement de la pensée, de la connaissance, de la société, en un mot, de la réalité.

Notes
78.

 Voir chapitres 3 et 4 sur l’auteur et ses influences.