2.2.1. Le schéma général de l’évolution des modèles sociaux

2.2.1.1. L’organisation politique

Hobhouse a procédé à une étude comparative des institutions principales des sociétés et il en a déduit l’existence de trois principaux types de société, qu’il a identifiés notamment grâce à leurs organisations économiques respectives. Celles-ci sont, dans l’ordre chronologique d’apparition, la société primitive, la société féodale ou impériale et enfin la société civique. Sur le plan de l’organisation politique, les trois stades s’enchaînent de la manière suivante : le petit groupe uni par des liens de famille ou de voisinage qui constitue la société primitive, s’agrandit progressivement parce que l’expansion économique s’accompagne d’une tendance à la consolidation du gouvernement et à l’extension géographique, jusqu’à se transformer en un groupe plus large qui requiert plus d’organisation. Elle devient ainsi une société féodale qui implique l’usage de la force et la subordination à la hiérarchie. Enfin apparaît l’État civique (the civic state) qui est organisé autour d’une nouvelle conception de gouvernement, puisque la vie en commun se met à dépendre de la coopération volontaire d’individus libres. Même si l’on peut remarquer que ce type d’organisation se retrouve parfois chez les peuples primitifs et dans les États civiques de l’antiquité92, il ne correspond, à une grande échelle, qu’aux États-nations occidentaux.

Les rapports qu’entretiennent les sociétés entre elles, en temps de guerre ou de paix, diffèrent aussi essentiellement en fonction du stade d’évolution. Hobhouse mentionne les tentatives de fonder des organisations internationales (de l’ordre de la future SDN) comme étant des manifestations de l’évolution politique en marche. L’extension géographique qui caractérise le passage de la société primitive au deuxième stade social provoque des périodes de conflits organisés où l’individu lui-même est l’objet de conquête, tandis que la société civique voit naître des codes de conduite qui autorisent l’application de principes moraux en temps de guerre, notamment le respect des droits de l’individu et l’égalité des conquérants et des conquis dans les territoires occupés, alors que la société primitive ne connaît généralement que des guerres de représailles ponctuelles.

Notes
92.

 Ginsberg p. 130 « There [in the civic states of ancient Greece] we find the notion of organised government and settled law as resting not on authority, but on the free or rational acceptance of loyal citizens . They fail, however, to carry out the principles of civic life consistently, for they rested largely on slavery and the conflict of rich and poor was a source of continual strife. They were, moreover, limited in size, and unable to devise any effective organisation for dealing with inter-state affairs. »