4.3. Seul le développement éthique est un progrès complet

Hobhouse affirme que l’altruisme123 nécessaire à la coopération entre les individus, est issu de deux dispositions naturelles : l’affection que ressentent spontanément les hommes envers certains autres et la découverte par la raison du caractère organique de la communauté :

‘First there are the sympathies, with the personal affections and comradeships which reinforce but may also limit them. These link us with others as individuals, and the condition of their effective extension is that highly variable magnitude our power of imaginative realisation, while self-feeling and all sorts of group-feeling stand in the way. Secondly there is the enlargement of our purposes which merge then in collective achievement. This links us rather with the community, or even with humanity as a collective whole. (SD 173)’

Si ces dispositions sont inhérentes à l’homme, leur transformation en qualités morales effectives n’est pourtant pas certaine. A ce titre, le développement éthique procède du même fonctionnement que le développement social ; il est une puissance et ne va pas de soi. Son accomplissement est en fait plus laborieux que celui de la rationalité, en ce sens que la tradition assure la transmission des connaissances entre les générations, tandis qu’on doit « ‘recommencer du début pour former chaque personnalité’ 124 ». Cette différence explique, par exemple, pourquoi l’évolution sociale témoigne d’un retard du développement de la mutualité face à l’échelle125 et l’« efficience », et généralement la difficulté de l’humanité à parvenir à un développement harmonique. Les recherches sociologiques attestent, en effet, l’existence d’un développement social « ‘un développement contraire à la morale reste un développement, il est même un développement social’ », néanmoins il n’est pas complet : « ‘mais il est inégal et n’a pas l’ampleur d’un développement social entier. Lorsqu’il est entier et seulement lorsqu’il est entier, le développement social est un développement moral’ 126. »

La théorie de l’évolution de Hobhouse conclut donc sur la primauté de l’éthique. A la vue de l’oeuvre dans son ensemble, cette conclusion n’est en rien surprenante, étant donné que l’exigence éthique est omniprésente dans l’oeuvre, et se trouve souvent explicitement revendiquée :

‘The principles of ethics are supreme, or, as they have been called, architectonic. They apply to man on all relations and to life on all sides. They guide, or are meant to guide, the personal life of man no less than his collective and political activities. They provide the standard by which all human relations are to be judged. (MTS 12)’

Cependant, la théorie de l’évolution permet à la sociologie de l’auteur d’ériger l’éthique au rang de fait social nécessaire au progrès et d’utiliser ainsi, comme nous l’avons vu, la caution scientifique pour justifier le caractère moral de ses revendications sociales. En effet, lorsqu’il se consacre à la politique, l’auteur, peut désormais formuler légitimement l’esquisse d’un projet de société fondé, avant tout, sur des préoccupations morales telles que la justice sociale127.

Notes
123.

 SE p. 23 : « [...] the highest ethics is that which expresses the completest mutual sympathy. »

124.

 SE p. 33 : « [...] each man’s character has to be formed anew. »

125.

 Pour mémoire, l’« échelle » est définie comme la taille de la population et l’éventail des activités qui composent la vie sociale.

126.

 SD p. 93 : « The un-ethical development is still a development. It is even [...] a social development, but it is one-sided and not a social development in its fullness. In its fullness, but only in its fullness, social development is ethical development. »

127.

 Le projet politique est présenté dans la deuxième partie.