Chapitre 3
Les influences REVENDIQUÉES

1. Le caractère complexe de la question des influences chez Hobhouse

1.1. Remarques préliminaires sur la question générale des influences.

1.1.1. Influence du Zeitgeist

Dans la partie précédente, il a déjà été dit que, comme toute pensée, celle de Hobhouse s’est évidemment élaborée dans un environnement idéologique qui n’a pas manqué de l’influencer. Nous avons écrit, notamment, que le progrès était l’une des préoccupations de l’époque et, qu’à cet égard, il n’était pas surprenant de trouver dans la pensée hobhousienne une théorisation de cette notion de progrès, au travers du concept dit de « l’évolution orthogénique. » Il n’y a, certes, rien d’original dans l’affirmation de l’appartenance d’une pensée à l’esprit de son temps, mais il faut rappeler que le fait d’envisager une oeuvre sous cet angle suppose un élargissement du point de vue qui, à son tour, implique de nouvelles problématiques d’interprétation qu’il semble utile d’évoquer ici.

D’abord, la rigueur de l’analyse de l’oeuvre dépend de la justesse de la connaissance de la période dans laquelle celle-ci se trouve située. A cet égard, Collini et Greenleaf mettent en garde contre la « zeitgeistitis 128 » ; cette manie qui consiste à se référer à un hypothétique « climat d’opinion » (climate of opinion 129) peut, en effet, produire des analyses superficielles ou erronées, parce que la définition précise de l’esprit d’une époque est un exercice délicat qui risque de s’en tenir à quelques notions vagues de ce qui a constitué le Zeitgeist, voire de permettre l’utilisation de celui-ci comme un fourre-tout corroborant toute interprétation. Certes, Greenleaf reconnaît que certaines composantes du Zeitgeist d’une époque donnée sont parfois incontestables (il cite justement l’exemple de l’importance de la notion de progrès au 19e siècle). Dans pareil cas, elles fournissent d’indéniables éléments de compréhension, mais il semble qu’il s’agisse de renseignements plus propices à l’appréhension d’une situation historique qu’à l’interprétation d’une oeuvre. En effet, la lecture d’une oeuvre à la lumière du Zeitgeist consiste, notamment, à identifier les préoccupations et les courants de pensée communs à l’époque et à l’oeuvre, et à découvrir une éventuelle influence de l’un sur l’autre. Lorsqu’il s’agit, comme c’est le cas ici, de l’étude d’une oeuvre politico-philosophique, il apparaîtra forcément, de par son aspect politique au moins, qu’elle est inspirée par le contexte idéologique et qu’à ce titre, il existe une relation d’influence du Zeitgeist sur l’oeuvre. Il reste, cependant, qu’une étude de cette relation n’est judicieuse que dans la mesure où elle fournit des éléments de compréhension propres à l’oeuvre.

Notes
128.

 W. H. GREENLEAF, The Rise of Collectivism, p. 237. Cet ouvrage est désormais abrégé « Greenleaf I ».

129.

 Ibid.