2.1.2. Mise en valeur des préoccupations éthiques du libéralisme.

2.1.2.1. Réconciliation sur la base des principes du libéralisme

Ainsi, il apparaît que Hobhouse distingue entre les principes du libéralisme, qui sont permanents, et leur application, qui est conjoncturelle. C’est là, semble-t-il, le pivot de la réconciliation des deux courants : le point de vue historique est à nouveau à l’origine de la synthèse, car il permet de réduire les disparités en les attribuant au contexte et de ne garder que les concordances, de sorte que, sous la plume de Hobhouse, ce qui est commun aux deux libéralismes en devient le coeur même. De plus, lorsque l’auteur se penche sur le libéralisme lui-même, il distingue plusieurs stades qui correspondent chacun à des conceptions variées. Il différencie ainsi, le « premier libéralisme136 » théorisé par Locke, Rousseau et Paine, ensuite « le deuxième type de théorie libérale137 », à savoir l’utilitarisme de Bentham et de James Mill, puis le mouvement du « laisser-faire » représenté par « l’école de Cobden138 », et enfin, le libéralisme de Gladstone et de J. S. Mill. Le « nouveau libéralisme » est subséquemment présenté comme faisant partie de l’évolution cohérente du libéralisme, ce qui revient à affirmer que le « nouveau libéralisme » n’est, en définitive, que l’étape actuelle du libéralisme. L’extrait suivant montre que cette conclusion permet à l’auteur d’effacer certaines contradictions pourtant de taille :

‘Beginning with the right of the individual, and the antithesis between personal freedom and social control, we have been led on to a point at which we regard liberty as primarily a matter of social interest, as something flowing from the necessities of continuous advance in those regions of truth and of ethics which constitute the matters of highest social concern. At the same time, we have come to look for the effect of liberty in the firmer establishment of social solidarity, as the only foundation on which such solidarity can securely rest. We have, in fact, arrived by a path of our own at that which is ordinarily described as the organic conception of the relation between the individual and society, a conception towards which Mill worked through his career, and which forms the starting-point of T. H. Green’s philosophy alike in ethics and in politics. (Lib 60)’

L’usage de la première personne du pluriel est ici significatif de la volonté d’associer le lecteur au raisonnement de l’auteur : avec lui, « nous » constatons, en effet, que le libéralisme est d’essence réformatrice et revendicative, qu’il lutte pour les libertés de chacun, par conséquent pour l’égalité de tous. Il faut noter que Hobhouse ne s’attarde pas sur le sens de l’égalité et semble considérer qu’il n’y a pas d’écart insurmontable entre une conception de l’égalité qui justifie la concurrence entre les individus et celle qui veut que les richesses soient réparties au moyen d’une redistribution orchestrée par l’État. L’auteur s’en tient au fait que la sphère individuelle et la sphère sociale ne sont plus les deux pôles opposés qu’ils constituaient dans la conception libérale classique. Dans un mouvement caractéristique, l’auteur en réalise, en effet, l’harmonisation et se débarrasse, ainsi, du principal obstacle théorique. Si la liberté n’est plus une question privée en ce qu’elle est devenue « une préoccupation sociale139 », l’État peut intervenir légitimement dans la vie de l’individu. Cette révision de la notion de liberté permet à l’auteur de justifier la continuité entre le libéralisme et la politique des « nouveaux libéraux », qui en forme, désormais, l’expression contemporaine.

Notes
136.

 Lib p. 26 : « earlier Liberalism ».

137.

 Lib p. 31 : « the second type of Liberal theory ».

138.

 Lib p. 37 : « the school of Cobden ».

139.

 Lib p. 60 : « a matter of social concern ».