2.2.2. Les thèmes communs

2.2.2.1. La liberté individuelle et le développement de la personnalité

Néanmoins, Hobhouse ne sombre en aucun cas dans ce qui serait une interprétation malhonnête de Mill. Comme à son habitude, la révision pratiquée est tout au plus une lecture sélective et non une trahison. Ainsi dans Liberalism, la majeure partie du texte qui traite de Mill est consacrée à certains des thèmes principaux de son oeuvre qui sont, effectivement, communs à celle de Hobhouse. La défense de la liberté de l’individu y tient notamment une grande place et c’est, semble-t-il, à ce sujet, que l’influence de Mill est la plus manifeste. Il n’y a pas là de paradoxe : en effet, la pensée de Hobhouse est empreinte de la nécessité de cette liberté, parce que dans la conception organique qui est la sienne, le Bien Commun dépend directement de l’apport de chaque individu. Ainsi, la liberté de pensée et de discussion jouent un rôle social : « [...] ‘la société a besoin d’être éclairée, surtout en ce qui concerne la liberté d’opinion et d’expression’ 168. » La liberté individuelle est conçue comme la liberté du développement de la personnalité : « ‘Être un homme, et Mill’ ‘ rajouterait énergiquement ou être une femme, nécessite le développement spontané de ses facultés’ 169. » Hobhouse se fait ici l’écho des arguments exprimés dans le chapitre de On Liberty intitulé « Of individuality, as one of the elements of well-being » où Mill se réfère à Wilhelm von Humboldt pour affirmer que l‘« ‘objet vers lequel tout être humain doit sans cesse diriger ses efforts [...] est l’individualité de la puissance et du développement’ 170 ». Il faut donc encourager les individus à développer leur personnalité (character) et tout ce qui va à l’encontre d’un développement libre de l’individualité est préjudiciable non seulement à l’individu même mais aussi au dynamisme (energy) de la société.

Sur ce point l’influence de la pensée millienne semble fondamental dans la pensée de Hobhouse et explique sa méfiance envers les doctrines qu’il qualifie de mécaniste où l’individu risque d’être privé de sa liberté de développer sa personnalité et de se retrouver dans la situation, décrite par Mill, de celui qui « ‘tel un singe, n’a besoin d’aucune autre faculté que celle d’imitation’ 171 ». C’est à l’aune de cette conception positive de la liberté que Hobhouse choisit de comprendre la réticence de Mill envers la démocratie et le risque de la tyrannie de la majorité :

‘He [Mill] recognized [...] that if personal liberty were fundamental, it might only be imperilled by a so-called political liberty which would give to the majority unlimited powers of coercion. (Lib 54)’
Notes
168.

 Lib p. 52 : « particularly as regards freedom of thought and discussion, society needs light. »

169.

 Lib p. 53 : « Manhood, and Mill would emphatically add womanhood too, rest on the spontaneous development of faculty. »

170.

 MILL J. S., On Liberty, : « [...] the object ‘towards which every human being must ceaselessly direct his effort [...] is the individuality of power and development’ [...]. »

171.

 Ibid. p. 75 : « He who lets the world, or his own portion of it, choose his plan of life for him, has no need of any other faculty than the ape-like one of imitation. »