1.2.2. Le plan politique

Hobhouse ne limite pas ses critiques au plan métaphysique. Il affirme qu’en tant que philosophie de la vérité absolue, l’idéalisme porte en lui le danger de l’absolutisme et qu’il engendre, au mieux, une conception conservatrice de l’État : « ‘l’idéaliste affirme que les coutumes, les traditions et les institutions de la société sont l’expression d’une intelligence (mind) objective ou esprit (spirit)’ 192. » L’idéalisme procéderait donc à une assimilation du rationnel à l’État, ce qui reviendrait à déposséder l’individu de l’exclusivité de la raison et à prôner sa soumission à une raison supérieure incarnée par l’État. Sur le plan politique, il accuse les idéalistes de militer en faveur d’un état autoritaire qui écraserait l’individu. C’est là l’argument principal de The Metaphysical Theory of the State qui s’en prend à l’« État-Dieu » de Hegel et de Bosanquet :

‘C’est seulement dans l’État que l’homme a une existence rationnelle. [...] c’est seulement ainsi qu’il est conscience, seulement ainsi qu’il est au sein de la coutume éthique, de la vie juridique et éthique de l’État. Car le vrai est l’unité de la volonté universelle et de la volonté subjective, et l’universel réside, à l’intérieur de l’État, dans les lois, dans ses déterminations universelles et rationnelles193.’

L’autoritarisme et le conservatisme seraient la conséquence inéluctable de l’État métaphysique de Hegel et Bosanquet. Ils découleraient précisément de trois préceptes fondés sur les notions idéalistes du vrai (real) et de la volonté (will) :

‘The first is that true individuality of freedom lies in conformity to our real will. The second is that our real will is identical with the general will, and the third [...] is embodied more or less perfectly in the state. (MTS 71)’

Hobhouse insiste sur le contraste entre l’État idéaliste et la société libérale, qui est celle où s’exprime librement l’individu participant, de cette manière, à l’harmonisation des rapports sociaux, dans la mesure où il découvre progressivement le bien rationnel. L’individu s’achemine librement et activement vers la prise de conscience de l’adéquation entre le Bien Commun et sa liberté :

‘Every group of human beings acquires a corporate life and with it only too probably a collective selfishness, which over long periods may hold the development of other groups in arrest. The contrast is between the rational harmonious good and the irrational conflicting bad. When this contrast is confused with the contrast between the real and the unreal the problem is stated in wrong terms and does not admit of solution. The peculiar vice of this statement is that, in laying down a certain kind of life as expressing the real will of the individual, the ground is prepared for the argument that in the compulsion of the individual to lead such a life there is no interference with his real will. He is supposed to be merely unable to judge for himself. (MTS 49)’
Notes
192.

 MTS p. 79 : « The idealist maintains that the customs, traditions and institutions of society are the expression of an objective mind or spirit. »

193.

 Hegel, La raison dans l’histoire, in B. Bourgeois, Hegel p. 44.