1.2.3. Incohérence de la critique

1.2.3.1. Confrontation Bosanquet /Hobhouse

La critique hobhousienne de l’idéalisme consiste surtout en une critique des applications politiques de sa métaphysique et se fonde sur le point de vue du libéralisme : « ‘On dit généralement que le libéralisme anglais traditionnel constitue le point de vue à partir duquel Hobhouse a attaqué l’idéalisme’ 194. » Mais la réponse de Bosanquet et de Bradley, contemporains de l’auteur, aux attaques de Hobhouse arguent de sa mauvaise compréhension de leurs théories. Le débat métaphysique qui s’ensuit est à la fois particulièrement difficile et finalement peu révélateur de la pensée de Hobhouse. Nous ne l’évoquerons donc pas. En revanche, l’article qu’a consacré Collini à la confrontation entre Hobhouse et Bosanquet apporte des renseignements capitaux en ce qui concerne l’interprétation de la politique idéaliste. Collini a, en effet, fait le constat que c’est à tort que Bosanquet a été considéré comme « un amoureux de l’État » (a lover of the State) après la publication de son ouvrage The Philosophical Theory of the State (auquel Hobhouse répondit, ironiquement, par The Metaphysical Theory of the State). Francis et Morrow195 signalent que cette erreur résulte précisément de la complexité de la métaphysique de Bosanquet, qui semblait proposer une « ‘conception fonctionnaliste de la personnalité qui conférait un aspect plus intolérant et moins libéral à sa théorie politique’ 196 ». Or, selon Collini, Bosanquet était en fait un individualiste sur le plan politique, qui dénonçait l’intervention socialiste (socialistic intervention), s’inscrivant en faux contre l’idée qui se répandit à partir des années 1880, qu’aucun individu ne pouvait lutter contre les forces économiques et sociales qui déterminaient sa situation. Selon lui, l’intervention de l’État était un facteur d’affaiblissement de la volonté de l’individu. Il s’opposa, par conséquent, aux lois sociales des gouvernements libéraux du début du siècle, préférant prendre part à une organisation caritative privée, la Charity Organization Society qui incarnait l’initiative individuelle. Au sein de cette dernière, il prôna une aide individualisée aux pauvres par opposition à un soutien financier systématique. On en vient donc à friser l’absurdité : Hobhouse reprochait à Bosanquet son étatisme métaphysique, alors qu’il était lui-même bien plus favorable au développement du rôle de l’État :

‘It is an interesting paradox that part at least of Hobhouse’s contemporary reputation rests on his criticism of Bosanquet’s political theory as involving too large a role of the state. (Greenleaf II 162)’

Inversement sa critique de l’idéalisme se faisait du point de vue de la défense de la liberté individuelle alors que Bosanquet n’avait, apparemment, de cesse de la revendiquer.

Notes
194.

 S. COLLINI, « Hobhouse, Bosanquet and the State » p. 86 : « [...] the standpoint from which Hobhouse is generally said to have attacked Idealism is that of traditional English Liberalism. »

195.

 Voir M. FRANCIS, J. MORROW, A History of English Political Thought in the Nineteenth Century.

196.

 Ibid., p. 291 : « The misgivings of Hobhouse and other contemporary critics were due in part to aspects of his metaphysics. In The Principle of Individuality and Value (London, 1912) and The Value and Destiny of the Individual (London 1913) Bosanquet appeared to develop a functional view of personality which gave an illiberal cast to his political theory [...]. »