1.4.3. Conclusion : l’ambiguïté idéaliste/réaliste de l’auteur

Hobhouse insiste sur le fait que, dans les faits, l’état harmonique n’est pas atteint, au moment actuel. La possibilité de la manifestation d’un tel conflit n’est, par conséquent, pas niée, mais l’oeuvre s’applique à la réduire, voire à l’éluder. Cet évitement traduit l’ambiguïté idéaliste de l’auteur. A ce propos, il semble possible de réitérer ici la critique mentionnée plus haut216 , la démarche prétendument réaliste pourrait, en fait, masquer une tendance téléologique qui serait révélée par une troublante concordance systématique des faits avec la théorie. Certes, Hobhouse utilise l’histoire en guise d’introduction, ce qui donne à croire que sa démarche procède, en premier lieu, de l’examen des faits. Cependant la théorie déduite de l’analyse de ces derniers est la même que celle produite par la réflexion métaphysique. En d’autres termes, l’oeuvre de Hobhouse conclut donc toujours à une adéquation de ce qui est constaté par l’expérience et de ce qui est requis par l’impératif éthique. Il semble donc que la phrase du professeur Höffding, qu’il cite pour résumer sa position réaliste : « ‘The ethically right must be sociologically possible’ 217 », peut faire l’objet de deux interprétations divergentes. Une première lecture serait qu’il ne doit pas y avoir de conception éthique de ce qui n’est pas possible du point de vue sociologique, donc que l’éthique demeure inféodée à la possibilité de sa réalisation. Toutefois, à la lumière de la proximité avec l’idéalisme et des éléments téléologiques de la conception de la réalité, cette phrase peut être considérée comme un axiome idéaliste qui dévoilerait le fait que la réalité est bien inféodée à l’Idéal. Ainsi, il ne serait pas possible que ce qui est bon (right) sur le plan éthique n’existe pas. Si le sens que donne Hobhouse à cette formule correspond à la première interprétation « ‘Ainsi, même en tant que pure théorie, l’approche philosophique ne peut se permettre de ne pas tenir compte des faits’ 218 », il reste, finalement, que l’oeuvre présente des traces de cette tentation idéaliste que s’efforce de nier le discours autogène sur les influences.

Notes
216.

 Voir chapitre 2, section 2.2.2.

217.

 MTS p15.

218.

 MTS p15 : « Thus, even as pure theory, the philosophical view cannot afford to disregard the facts. »