2. La science

2.1. Différence avec les idéalistes.

Sans aller jusqu’à contredire M. Freeden, qui soutient que le « nouveau libéralisme » aurait existé sans l’influence de l’idéalisme, il apparaît que Hobhouse y a eu recours pour théoriser les aspirations morales de sa philosophie. Comme Green, Hobhouse avait conscience de la nécessité de fonder formellement l’impératif éthique face au danger que constituait la place grandissante de la science, qui menaçait, en raison de son individualisme, l’éthique sociale commune aux deux penseurs. L’un des buts de l’idéalisme anglais était, en effet, de combattre le déclin du christianisme que causait l’émergence des convictions scientistes. Néanmoins, là où Green tenta d’élaborer une philosophie formelle qui se substituerait à la théologie : « une théologie de substitution élaborée au travers du cadre de la philosophie idéaliste219 », Hobhouse n’eût pas recours au principe divin, bien qu’il ne rejetait en aucun cas les croyances religieuses. Elles ne pouvaient, cependant, pas composer l’édifice d’une philosophie réaliste. De manière caractéristique, il fallait donc parvenir à une synthèse du point de vue scientifique et de la tradition morale (dont l’idéalisme proposait un possible renouvellement en la formalisant), c’est-à-dire à une collaboration de la science sociale (Social Science) et de la philosophie sociale (Social Philosophy). On en vient ainsi à la sociologie, qui prouverait scientifiquement que l’évolution sociale va dans le sens de l’annulation de tout différend entre l’impératif éthico-collectif et la liberté de l’individu. Or, la place allouée à la science (sociologique) dans l’oeuvre de Hobhouse indique nettement la limite de l’influence idéaliste. La posture sociologique de Hobhouse l’amène à refuser l’attitude spéculative des idéalistes qui, quant à eux, récusent l’idée selon laquelle l’individu est soumis à des déterminations qui lui échappent. Même si certains, dont Green, reconnaissent que certaines conditions de la réalité sociale peuvent constituer une entrave au développement de l’individu, ce qui justifie alors l’intervention de l’État pour supprimer celles-ci, il n’en demeure pas moins que l’origine de la détermination est interne :

‘Human action, as the Idealist characteristically puts it, is to be understood rationally not causally. This does not mean that the Idealist assumes all action to be rational in the everyday sense, but rather that he takes action to embody some, not necessarily conscious, intention and thus that a necessary condition of understanding it is the recovery of the agent’s own description of what the action meant to him220.’
Notes
219.

 Greenleaf II p. 127 : « a surrogate theology elaborated through the framework of idealist philosophy ».

220.

 S COLLINI : « Hobhouse, Bosanquet and the State », p. 93.