2.2.1. Zeitgeist

L’examen de l’influence positiviste nécessite que l’on fasse, à nouveau, le détour par le Zeitgeist. L’oeuvre de Hobhouse contient peu de références explicites au positivisme ou au Comtisme, bien que les concepts utilisés par l’auteur portent leur marque que la critique exogène reconnaît unanimement. Cette influence est, en ce sens, plus diffuse que les influences précédemment traitées. Elle correspond, avec le renouveau éthique, à l’un des courants de pensée dominants de l’époque de Hobhouse. Plus qu’une inspiration directe, le positivisme, en tant qu’influence sur l’auteur, semble devoir être envisagé aussi comme une toile de fond commune à de nombreux penseurs. En outre, les éléments du Comtisme parviennent à Hobhouse au travers d’autres influences revendiquées, telles que Mill. On trouve ici Hobhouse et le « nouveau libéralisme » à la croisée de deux courants idéologiques antithétiques qui peuvent, chacun, être rapportés à des tendances du Zeitgeist.

‘One characteristic [of New Liberalism] is immediately salient. This is the mutual reinforcement of dominant ethical and scientific trends, constituting twin cornerstones of the comprehensive liberal approach to social reform. The mutual links between the moral and the empirical traditions, between values and facts. (Freeden I, 6, 7)’

Le positivisme est, en effet, partie intégrante de ce qu’il convient d’appeler la « vogue scientifique », du moins dans la manière dont il est assimilé dans l’épistémè (nous n’employons pas le terme « scientisme » qui possède un sens plus restreint et dont Kahn dit qu’il ne doit pas être confondu avec le positivisme). Cette donnée historique est importante parce qu’elle permet d’entrevoir la continuité de la stratégie hobhousienne révélée par le discours autogène. Si celui-ci, est peu loquace sur ses liens avec le positivisme, c’est certainement parce que ce dernier, ne représente pas, à la différence du libéralisme et de l’idéalisme, un enjeu politique. En revanche, la vogue scientifique et surtout l’évolutionnisme sont des adversaires avérés de Hobhouse, en ce qu’ils constituent une menace pour l’impératif éthique et pour le collectivisme. Ainsi, il semble que l’on puisse affirmer qu’alors que l’auteur critique l’idéalisme du point de vue scientifique, en prônant une épistémologie de la « reconstruction expérientielle » (experiential reconstruction 221) fondée sur des faits objectifs auxquels la science donne accès, il réfute tout autant certaines des implications de la vogue scientifique du point de vue idéaliste, en se fondant sur la perspective métaphysique et éthique. On peut également soutenir, et cela n’exclut pas l’affirmation précédente, que Hobhouse, dans une perspective de synthèse, reformule un certain idéalisme et un certain « scientifisme » pour les rendre compatibles. Pour permettre de dégager les éléments de la vogue scientifique que Hobhouse choisit de garder et ceux qu’il rejette, nous proposons, dans un premier temps, une brève comparaison entre sa pensée et le positivisme.

Notes
221.

 Ginsberg p. 104.