2.3.1. Une parenté apparente : évolution et biologie

Nous ne reprendrons pas ici l’exposé de la deuxième chapitre dans lequel nous avons abondamment traité du concept d’évolution dans la pensée hobhousienne. Rappelons, cependant, son rôle fondamental en tant qu’articulation de tout le système et le fait qu’elle soit décrite comme une vérité scientifique. De plus, nous renvoyons aussi le lecteur au premier chapitre, où nous avons évoqué l’étude des animaux comme partie de la recherche sur la raison. En tout cas, de nombreux éléments de l’oeuvre de l’auteur tendent à infirmer son opposition à l’évolutionnisme et sa méfiance affichée envers la biologie ne signifie pas qu’il la rejetait. Hobhouse n’apparaît, au moins sur ces thèmes, pas si éloigné de Spencer qu’il ne semble à la lecture de Social Evolution and Political Theory. Selon Freeden, il existe effectivement une filiation entre les deux penseurs :

‘It was the search for a unifying principle which could explain and give meaning to, and ultimately direct human progress that appealed to the liberals intent upon finding criteria by which human welfare could be estimated and society reformed. The quest for general laws if not a whole system, by which society would eventually be reconstituted, was part of the optimistic positivism which they inherited. (Freeden I 78)’

En effet, en étendant le concept d’évolution aux sciences humaines, Spencer corroborait la conception organique de la nature unifiée, et si cette dernière n’est pas l’héritage de Spencer exclusivement, c’est lui qui semble avoir donné, en même temps, une caution scientifique à la notion de progrès. Mais il apparaît que Hobhouse, ou tout au moins le discours autogène, ait choisit de garder de Spencer l’image caricaturale d’une pensée qui exclut toute considération éthique et attribue l’évolution au résultat de la lutte pour la survie (struggle for existence) entre les individus. Cette représentation de la pensée de Spencer est aussi à mettre en parallèle avec l’influence du Zeitgeist. En effet, Hobhouse n’est pas le seul à le prendre pour cible :

‘The literature of the 1880’s and 1890’s is packed with attempts to dismantle the Spencerian syllogism for religious, moral or political reasons, but most writers prudently tried to restate the lessons of evolution rather than to deny their relevance. (Collini LS 158)’

L’auteur concentrait ses reproches sur le fait que Spencer réduisait l’esprit de l’homme à un réflexe d’adaptation et ne voyait pas que la rationalité qu’il permet fait basculer l’homme dans un stade d’évolution pour lequel l’argument biologique n’est pas valide. Il semble, néanmoins, qu’il s’agisse là d’une nouvelle manifestation de la stratégie hobhousienne, qui consiste à attaquer la logique d’une argumentation plutôt que ses conclusions. Hobhouse voulait barrer la route à des arguments extrêmement individualistes qui auraient attribué à une quelconque cause naturelle la pauvreté ou toute forme de déchéance sociale, et auraient, au nom de cette même nature, recommandé une absence d’intervention dans un prétendu phénomène de sélection. Ainsi, la place de Spencer dans l’oeuvre de Hobhouse ne lui fait guère justice. L’auteur semble s’en être tenu au Spencer qui inventa la formule « survival of the fittest » tant décriée par les partisans du collectivisme.