2.2. La liberté n’est pas innée.

Telle est, donc, la nature de la liberté que Hobhouse nomme la liberté morale (moral freedom), afin de la distinguer momentanément de la liberté sociale et politique (social and political freedom), pour les regrouper sous le terme liberté (liberty 250) qui indique leur complémentarité. Grâce à cette définition, Hobhouse introduit une notion importante. La liberté n’est pas spontanée mais acquise par le développement rationnel. Elle ne peut être isolée et considérée comme un absolu : elle n’est pas abstraite mais concrète et peut, de ce fait, être évaluée. Selon l’auteur, l’expérience a montré que la conception abstraite de la liberté ne correspondait pas à sa réalité. Lorsque les partisans du laisser-faire ont prôné la non-intervention de l’État au nom de cette liberté, qu’ils concevaient abstraitement, le résultat de leur politique n’a pas été un gain de liberté pour les individus, bien au contraire. Ce constat de l’échec de la politique libérale classique a donné lieu à un remplacement du concept par « une conception nouvelle et plus concrète de la liberté251 ». Or, celle-ci présente une implication politique immédiate : si la liberté n’est pas spontanée, ou naturelle, la doctrine des droits naturels de l’individu, qui, lorsqu’elle fut formulée par les précurseurs de libéralisme tels que Locke, a effectivement joué son rôle de garantie contre les atteintes aux libertés fondamentales de l’individu de la part d’un pouvoir arbitraire, n’est plus fondée. La notion de droits imprescriptibles, qui seraient, en quelque sorte, inhérents à la personne humaine, quel que soit son environnement, est rejetée parce qu’elle suppose une liberté naturelle qui est contraire à la vision de Hobhouse. De même que la liberté doit être évaluée selon sa réalité, c’est-à-dire ce en quoi elle consiste effectivement (c’est la notion de « liberté effective252 »), un droit concret, par opposition à un droit abstrait, peut être mesuré au moyen de la question : « qu’ai-je effectivement le droit de faire ? ». Hobhouse se propose, donc, de remplacer l’idée de la liberté abstraite et des droits naturels par une conception, selon lui plus fidèle à la réalité, des droits qui sont conférés, ou, du moins, actualisés, par la société dans laquelle vit l’individu.

Notes
250.

 Cette distinction est proposée dans ESJ.

251.

 Lib p. 42 : « A new and more concrete conception of liberty arose and many old presuppositions were challenged. »

252.

 Lib p. 44 : « effective liberty ».