2.3. La détermination sociale n’est pas contraire à la liberté

La nouvelle conception de la liberté engendre une redéfinition des droits. Toutefois, avant d’expliquer, en quoi les droits sont désormais conçus comme des droits sociaux, il faut donc considérer la dimension sociale de la liberté : Hobhouse s’emploie à démontrer que le fait de reconnaître que les droits sont effectivement garantis par la société ne revient pas à faire d’elle, de fait, une menace qui pèse sur la liberté de l’individu, même s’il n’exclut pas que cela puisse être parfois le cas. Dans ce but, il examine ce qui constitue véritablement un obstacle à la liberté, ce qui le ramène, dans un premier temps, à la psychologie de l’individu : il constate que la détermination n’est pas contraire à liberté, parce que l’individu est déterminé par son passé, ce qui ne l’empêche pas d’être libre, tant que la raison est capable d’harmoniser les sentiments et les déterminations. Il faut, donc, considérer que la liberté n’est pas l’absence de déterminations mais plutôt une détermination propre (self-determination), par la volonté qui résulte d’une synthèse rationnelle. La liberté serait « ‘la détermination par des facteurs internes et l’absence de contraintes extérieures’ 253 ». Si le raisonnement s’arrêtait là, la définition de la liberté de Hobhouse ressemblerait beaucoup à la conception du libéralisme traditionnel et autoriserait encore l’antithèse entre l’individu et la collectivité. Il faut, donc, passer par la définition de la contrainte (constraint) pour préciser son sens. En effet, si l’on conçoit la contrainte comme une détermination, alors l’individu n’est jamais à même d’être libre, puisqu’il rencontre forcément des déterminations extérieures. Mais, comme nous venons de le montrer, la détermination n’est pas un obstacle à la liberté. La contrainte n’est un obstacle que si elle est forcée contre le gré de l’individu (compulsion). Au contraire, la liberté n’est possible que si l’individu parvient à vivre en harmonie avec ses déterminations, ce qui dans le cas des déterminations extérieures suppose un lien harmonique avec la collectivité. Or, celui-ci existe nécessairement dans la conception hobhousienne qui permet, donc, de proposer une définition de la liberté sociale et politique qui revient à une extension au collectif de la définition de la liberté morale : l’harmonie, en supposant la synthèse rationnelle de toutes les déterminations, explique la liberté de l’individu comme intrinsèquement liée à la sphère collective :

‘Liberty is both the effect and the cause of social harmony. It is the effect because [...] anarchy and repressive order alike involve frustration of wills, while it is only in proportion as they come into spontaneous accord with one another that wills can be fully free. It is the cause because harmony is in the largest sense a spiritual achievement, the achievement of mental energy self-disciplined in co-operative unity and this self-discipline is liberty. (ESJ 85)’
Notes
253.

 : « . ».