2.5. La liberté individuelle est sociale et politique

Parallèlement, le fait que le développement de l’individu dépende de son environnement, permet à Hobhouse d’insister sur la nature sociale de l’homme. Le développement de la personnalité de l’individu, de même que sa capacité à être libre est indissociable de la société. Il devient donc impossible de les opposer. Au contraire, ils sont irrémédiablement unis, puisque la sociabilité est, avec la raison, la caractéristique première de l’homme. La réalisation de l’individu a lieu au sein de la société, ce qui suppose que plus il se développe, plus il devient social. Réciproquement, le développement de la société participe du développement de l’individu. Si, de plus, le développement de la personnalité est conscient (au stade de l’évolution orthogénique), cette réalisation sociale est, alors, le fruit de sa volonté :

‘The individuals themselves indeed, are profoundly modified by the fact that they form a society, for it is through the social relation that they realize the greater part of their own achievements. (SE 85)’

Grâce à la notion de personnalité, la reformulation du concept de liberté est achevée. L’individu doit désormais logiquement être envisagé dans sa dimension sociale. Cette conclusion mérite que l’on revienne brièvement à la question de la liberté concrète. En effet, celle-ci apparaît maintenant clairement pour ce qu’elle est, c’est-à-dire la liberté effective de l’individu dans sa réalité sociale. On peut, par conséquent, saisir toute la nature de la différence entre la liberté telle qu’elle était conçue par la doctrine des droits naturels et celle qui est énoncée par Hobhouse :

‘Tandis que la doctrine des droits naturels et du contrat social mettaient l’accent sur la primauté de l’individu, antérieur à la société qu’il fonde, et sur l’autonomie de celui-ci, sorti tout armé de l’état de nature, Hobhouse insiste sur les éléments sociaux constitutifs de la personnalité. (Chrétien 13)’

D’après M. Chrétien, cette différence peut être rapprochée de «  ‘la célèbre opposition de Marx’ ‘ entre libertés formelles et libertés réelles, ces dernières prenant en compte l’homme dans sa réalité économique et sociale’ 257 ». Il est intéressant de constater qu’elle semble aussi évoquer des éléments de la philosophie politique hegelienne ; car la liberté concrète, nous le verrons, implique une participation active à la société, donc à la politique au sens grec de « vie de la cité ». Il ne suffit pas à l’individu de comprendre ses déterminations pour être libre. Encore faut-il qu’il les contrôle, non pas égoïstement, pour les soumettre à son intérêt privé, mais pour participer à l’élaboration et au progrès du bien commun. La liberté ne s’exerce donc pas uniquement dans la sphère privée, dans le foyer, mais aussi sur la place publique. C’est pourquoi l’auteur appelle la liberté à la fois sociale et politique :

‘Hegel lui-même, en effet, savait que le « bourgeois », en se préoccupant uniquement de défendre ses propres biens, vivait les déterminations sociales comme s’il s’agissait de la liberté. Ce n’était qu’en laissant de côté ses intérêts au profit du « bien commun », c’est-à-dire en faisant de la politique, que le bourgeois devenait « citoyen libre »258.’
Notes
257.

 Chrétien p. 18.

258.

 M. BENASAYAG, D. SCAVINO, Pour une nouvelle radicalité p. 139.