3. Les droits et devoirs

3.1. Réfutation des droits naturels : le droit est d’origine sociale

La liberté concrète peut donc être assimilée à une émancipation par laquelle l’individu devient citoyen et exerce un contrôle sur le devenir social. Chez Hobhouse, ce contrôle est rationnel, car le fait que l’individu soit, désormais, en adhésion avec la société, instaure la possibilité de la cohérence ; la raison s’incarne dans des institutions stables et démocratiques. La politique hobhousienne n’est en aucun cas révolutionnaire. Les institutions politiques ont pour objet de renforcer la cohésion de la société et non pas de précipiter des divisions. C’est là l’un des reproches que l’auteur adresse à la conception de l’État et des institutions qui découle des droits naturels qu’il réfute. Ceux-ci, en situant l’individu hors de la société, ne permettent pas d’envisager de coopération entre l’individu et la collectivité :

‘The individual is clothed with rights which are made to dominate instead of securing the common good, and are even divorced from duties because duties imply social ties. (ESJ 34, 35)’

Ainsi, en fondant la liberté sur des droits naturels, on ne peut que creuser un fossé entre l’individu et la société. Cet écart est déjà considérablement réduit grâce à la nouvelle définition de la liberté, dont découle, comme nous l’avons écrit, la réévaluation de la notion de droit : Hobhouse conçoit les droits comme la manifestation institutionnelle de la relation entre l’individu et la société. La définition qu’il en donne affirme le rapport de réciprocité qui existe entre ces deux derniers. En effet, un droit, stricto sensu, n’existe que s’il est légalement reconnu, ce qui revient à affirmer qu’un droit est donné à l’individu par la reconnaissance de la société. Certes, les droits naturels, comme par exemple la liberté d’expression, sont remarquables parce qu’ils ont un caractère éthique, et Hobhouse ne nie pas qu’ils soient fondamentaux. Néanmoins, il préfère les décrire comme des exigences universelles de la conscience humaine :

‘These are the moral or ethical rights of men. The older thinkers spoke of them as ‘natural rights’, but to this phrase, if uncritically used, there is the great objection that it suggests that such rights are independent of society, whereas, if our arguments hold, there is no moral order independent of society and therefore no rights which, apart from the social consciousness, would be recognized at all. (IS 160)’

Cette description d’une légitimité morale de certains droits ou, du moins, de la revendication (claim) de certains droits, lui permet de souligner que lorsque la société décide de reconnaître une exigence morale et de lui conférer le statut de droit, elle doit avoir à l’esprit le souci du Bien Commun :

‘[...] we may even admit that there are natural rights of man if we conceive the common good as resting upon certain elementary conditions affecting the life of society, which hold good whether people recognize them or not. Natural rights, in that case, are those expectations which it would be well for a society to guarantee to its members, whether it does or does not actually guarantee them. (IS 160)’