3.8. L’éthique : limites de la restriction de la liberté

Ainsi, malgré toutes les modifications qu’il apporte à la conception de la liberté de l’individu, le « nouveau libéralisme » continue à faire de celle-ci la base de l’organisation sociale, puisqu’il entend avant tout la rendre possible, lorsqu’elle n’a pas de réalité, ou la préserver. Si la société peut légitimement exercer son pouvoir coercitif pour restreindre la liberté de l’un au nom de la liberté de l’autre, elle ne peut en aucun cas forcer l’individu à avoir un comportement moral. Elle doit, donc, non seulement éviter de porter atteinte à la conscience morale de l’individu mais aussi toujours préférer encourager son développement moral afin que la participation au Bien Commun devienne une adhésion libre :

‘No force can compel growth. Whatever elements of social value depend on the accord of feeling, on comprehension of meaning, on the assent of will, must come through liberty. Here is the sphere and function of liberty in the social harmony. (Lib 70)’

L’organisation politique que prône Hobhouse s’appuie sur un équilibre, parfois précaire, entre la liberté et l’égalité. Les modalités de développement de l’individu vers la détermination propre requièrent que soit préservée la liberté, pour lui permettre de se constituer en tant que personnalité sociale. Il faut, par exemple, laisser à chacun la possibilité d’apprendre, en lui permettant de faire des erreurs, pour qu’il puisse acquérir l’expérience nécessaire. Dans la conception harmonique, la liberté est nécessaire au Bien Commun, qui dépend du libre développement de l’individu. La société a, donc, intérêt à ce que la liberté de l’individu soit érigée en droit. Puisque, au sein de la société « mes droits sont mes libertés »278, alors ma liberté s’accroît au fur et à mesure que me sont accordés des droits, donc au fur et à mesure que grandit le rôle de l’État :

‘To extend the conception of the rights of the individual will be one of the objects of statesmanship; to define and maintain the rights of its members will be the ever extending function of government. (IS 161)’

La moralité de l’individu, acquise au travers d’un développement libre, est à la fois le but de l’organisation sociale et la cause de sa stabilité. Ce principe est indispensable à une véritable réforme sociale : voilà, pour Hobhouse, le seul progrès possible. Toute tentative de changement, révolutionnaire ou réformiste, qui viserait seulement à modifier les structures politiques et économiques est, en définitive, condamné au conservatisme. Il ne s’agit donc pas uniquement de préciser la nature sociale des droits mais d’occasionner une prise de conscience. Lorsque l’individu comprend que ses droits dépendent des droits d’autrui, sa liberté cesse d’être restreinte, puisque c’est librement et activement qu’il participe, dorénavant, à l’organisation sociale :

‘Any genuine right then is one of the conditions of social welfare, and the conception of harmonious development suggests that there will be many such conditions governing the various sides of social life. If so the general conception of harmony implies that these conditions, properly understood, must mutually define and limit one another; not only so, it implies that in proportion as they are properly understood they will be found not to conflict with one another but to support and in the end even necessitate one another. (IS 161)’
Notes
278.

 Lib p. 62 : « my rights are my liberties ».