2.1. Spécificité de l’État en tant qu’association

Afin d’examiner quelles sont les attributions spécifiques de l’État, il faut rappeler que Hobhouse conçoit l’État comme une association parmi d’autres. Celui-ci ne se distingue, finalement, que parce qu’il est, à l’échelle du pays, l’association la plus large, celle qui, de fait, englobe toute la collectivité. On pourrait définir l’État comme l’organe associatif de la société : ses institutions ont pour objet d’exprimer la volonté de la collectivité, ce qui implique, comme nous l’avons vu, la préservation de la liberté de chaque individu. Toutefois, en attendant la création éventuelle d’associations supranationales, l’État est l’association la plus large qui fédère les autres associations. A l’inverse de ces dernières, personne ne peut être hors de l’État. C’est, en fin de compte, cette dimension qui détermine sa nature. De par sa taille, l’État possède deux caractéristiques singulières : premièrement, il est seul à posséder une vision d’ensemble et à ne pas pouvoir être aux mains d’intérêts catégoriels, donc il est seul habilité à fixer les règles, c’est-à-dire les lois, qui s’appliquent à cet ensemble. En revanche, cette vision d’ensemble le rend maladroit lorsqu’il s’occupe de problèmes individuels :

‘Hence it is with difficulty adapted to the individuality of life; it is a clumsy instrument as it were, for handling human variation. It is inadequate, to adapt Bacon’s phrase, to the subtlety of human nature. (IS 153)’

Deuxièmement, parce qu’il est la seule association obligatoire (compulsory), il est aussi seul à pouvoir exercer la contrainte (compulsion) sur les individus. Cette deuxième caractéristique est à ce point fondamentale que Hobhouse en fait l’un des principes de sa politique. Il remplace, en effet, la distinction millienne entre « self-regarding » et « other-regarding actions » par l’opposition entre « coercive and non-coercive actions ». Or, le rôle de l’État a, finalement, toujours trait à la coercition, soit parce qu’il l’exerce lui-même, soit parce qu’il empêche qu’elle ne soit exercée :

‘It appears, then, that the true distinction is not between self-regarding and other regarding-actions, but between coercive and non-coercive actions. The function of state coercion is to override individual coercion, and, of course, coercion exercised by any association of individuals within the State. (Lib 71)’