TROISIÈME PARTIE
LA PENSÉE POLITIQUE DE HOBHOUSE À L’ÉPREUVE DE LA GUERRE

CHAPITRE 8
LA POLITIQUE INTERNATIONALE : RAISONS DU SOUTIEN À LA GUERRE

1. Introduction

L’année 1914 est une des dates dont se sert l’historiographie pour marquer le passage d’une période historique à une autre : elle inaugure le 20e siècle en tant que période distincte de l’histoire, qualifiée par Hobsbawm d’« âge des extrêmes ». Cependant, à la différence d’autres dates généralement employées pour délimiter les périodes historiques, elle ne s’est pas seulement imposée au travers d’analyses rétrospectives : la guerre a engendré un sentiment de rupture fortement ressentie par les contemporains375. Ainsi, au moins en Europe, on pressent que la première guerre mondiale fait partie de ces événements déterminants qui inaugurent une ère nouvelle où rien ne semble plus devoir être comme avant. La Grande Guerre cristallise la transformation d’un monde, non seulement parce qu’elle constitue un traumatisme mais aussi parce qu’elle correspond à la fois à des bouleversements sociaux et politiques et, par conséquent, à un brusque changement d’état d’esprit général376.

En ce qui concerne Hobhouse, elle est aussi déterminante ; il nous semble, que lors de la première guerre mondiale, d’une part en tant qu’étape dans les relations internationales et, d’autre part, en tant que tournant dans la politique intérieure de la Grande-Bretagne, la pensée hobhousienne fut confrontée à de nouvelles problématiques auxquelles la philosophie et la politique élaborées dans les années précédentes parvenaient mal à répondre. En effet, comme nous l’avons écrit dans la deuxième partie du présent ouvrage, la période des gouvernements Campbell-Bannerman et Asquith incarnait, aux yeux de l’auteur, à la fois l’espoir d’un progrès social et la preuve de la justesse de sa théorie d’évolution historique vers l’harmonie : même si les changements lui paraissaient peut-être trop timides, ils allaient dans le bon sens. Surtout, la tendance globale de l’évolution historique, telle qu’il l’avait interprétée et compte tenu des inévitables reculs momentanés377, demeurait cohérente, et indiquait que l’avenir serait libéral, au sens où Hobhouse entendait ce terme. Ainsi, l’ouvrage Liberalism se termine par un chapitre au titre éloquent « The Future of Liberalism » et exprime tout l’optimisme de l’auteur. Afin de distinguer entre le discours de l’avant-guerre et celui qu’adopta Hobhouse par la suite, nous proposons de nous arrêter sur ce texte.

Notes
375.

 Voir E. HOBSBAWM, Age of Empire, notamment l’introduction « Overture ».

376.

 Selon Greenleaf I, p. 51 : « [...] the war of 1914-18 [...] constitutes the great watershed, the event of most traumatic significance. It was widely recognized as such both at the time and subsequently. »

377.

 Rappelons que pour Hobhouse le progrès n’est pas linéaire.