INTRODUCTION GENERALE

Vaches folles, poulets à la dioxine, listeria, bâtiments amiantés, logements barbouillés de plomb, cas sporadiques de méningite, pollution de l'air, pollution de l'eau... L'actualité sanitaire de ces dernières années a fortement sollicité nos responsables publics. Sans parler de problèmes maintenant plus anciens, tels que le SIDA, qui, malgré les progrès thérapeutiques accomplis et les campagnes de prévention, n'en continue pas moins de progresser. Un siècle auparavant, les problèmes d'hygiène et de santé publiques 1 ne manquaient pas. Ils s'appelaient choléra, variole, tuberculose et insalubrité du cadre de vie et les pouvoirs publics s'en préoccupaient de plus en plus. C'est de leur engagement dont nous allons traiter ici, à travers l'étude de l'application de la loi du 15 février 1902 dans le département de l'Isère.

Le choix de la loi " relative à la protection de la santé publique en France " 2 comme point de départ de la recherche ne s'est pas imposé par hasard. C'est en effet la première fois que l'Etat central investit aussi largement le champ de la protection sanitaire, redéfinissant son rapport à la fois à la société civile et aux collectivités territoriales. Certes, le pouvoir central ne s'est jamais totalement désintéressé de la santé de ses administrés - source et garantie de la richesse d'une nation - et son intervention dans ce domaine est ancienne. François Lebrun 3 la fait remonter aux premières années du règne personnel de Louis XIV, et plus précisément en 1667-1669, lorsque Colbert s'attache à circonscrire l'épidémie de peste, qui affectait alors le Nord du royaume, et rompait ainsi avec le caractère local, surtout urbain, et désordonné de la lutte anti-épidémique. S'instaure alors une tradition, celle de l'intervention directe du pouvoir central pour organiser la protection du territoire des invasions épidémiques et qui trouve sa pleine concrétisation lors de l'épidémie de peste de 1720. Dans le même temps, le pouvoir central s'attache à faciliter l'action de ses représentants dans les provinces, les intendants, dans leur lutte contre les épidémies affectant périodiquement les populations : dysenterie, variole, typhus, fièvres paludéennes. A partir de 1710, et plus sûrement à partir de 1722, des boîtes de remèdes à destination des malades indigents des campagnes sont mises à leur disposition. Vers 1750, les intendants s'appuient dorénavant sur les " médecins correspondants des épidémies ", chargés de coordonner et de superviser les actions prophylactiques et curatives. Enfin, en 1776, une Société de correspondance royale de médecine est instituée pour favoriser les échanges avec les médecins du royaume et permettre la coordination des efforts dans la lutte anti-épidémique.

Le XIXe siècle, qui apparaît comme le siècle de l'hygiène 4 , perpétue et renforce l'engagement du pouvoir central dans le domaine sanitaire. Le Consulat réorganise la médecine des épidémies ainsi que la défense sanitaire des ports et s'efforce de favoriser la diffusion de la vaccine 5 . Sous la Restauration, c'est encore la défense épidémique qui est à l'honneur : face aux menaces d'invasion de la fièvre jaune en provenance d'Espagne, une loi relative à la police sanitaire est promulguée le 3 mars 1822. Dans la lignée des pratiques d'Ancien Régime, elle donne au roi le droit d'ordonner toutes mesures nécessaires pour protéger le territoire des invasions épidémiques venues de l'étranger 6 . La Seconde République voit une diversification des initiatives sanitaires émanant du pouvoir central : celles-ci dépassent la seule question des épidémies pour englober des problèmes plus généraux d'hygiène et de salubrité publiques. Le 18 décembre 1848, des conseils d'hygiène sont installés dans chaque arrondissement du territoire pour éclairer les pouvoirs publics locaux dans leur tâche de protection sanitaire 7 . Un an et demi plus tard, une loi relative à l'assainissement des logements insalubres est votée, permettant à l'autorité municipale d'intervenir, dans certains cas, sur la propriété privée.

L'oeuvre sanitaire de ce premier XIXe siècle, qui voit les débuts de l'industrialisation et de l'urbanisation mais aussi l'ascension des préoccupations hygiénistes, n'est donc pas à négliger. Pourtant, malgré des initiatives certaines, l'engagement du pouvoir central reste, à plusieurs égards, très mesuré. Tout d'abord, et à l'exception de menaces épidémiques pesant sur le territoire national, l'action de l'Etat central apparaît davantage tournée vers l'institutionnalisation de l'hygiène publique que vers l'édiction positive de mesures de protection. La propagation de la vaccine en constitue une bonne illustration. Le pouvoir politique préconise particulièrement la formation de comités de vaccine locaux ainsi que la désignation de vaccinateurs spéciaux, mais il écarte tout idée d'obligation vaccinale légale, alors que de nombreuses voix s'élèvent à plusieurs reprises en sa faveur et que certains Etats s'engagent très tôt dans cette voie 8 . On peut toujours objecter, qu'avec la loi de 1850, le pouvoir central dépasse la simple question de l'institutionnalisation pour légiférer sur un secteur particulier - le logement - et étendre les possibilités de l'action publique vis-à-vis de la propriété privée. Néanmoins, l'application de ce texte repose entièrement sur les autorités municipales, l'Etat central ou le préfet n'intervenant en aucune manière.

C'est que, durant la première moitié du XIXe siècle, la gestion de la santé publique mobilise davantage les collectivités territoriales que le pouvoir central. Certes, l'Etat central dispose, en la personne du préfet, d'un agent de relais efficace, dont dépend la direction de la plupart des institutions sanitaires impulsées par le pouvoir politique : services de la vaccination, médecine des épidémies, conseils d'hygiène. Mais les départements et les communes n'en ont pas moins un rôle primordial en matière de gestion sanitaire. Sur les premiers repose, dans la mesure de leurs possibilités et de leur volonté, le financement des institutions installées auprès du préfet 9 . Quand aux secondes, elles représentent les véritable piliers de la gestion sanitaire. Depuis les lois des 16-24 août 1790, qui donnent aux maires un pouvoir de police en matière de salubrité publique, ces derniers apparaissent en effet comme les principaux agents de la salubrité en France 10 . C'est d'abord à eux que revient le soin de veiller à la salubrité du territoire communal et de protéger leurs administrés contre les épidémies. La place centrale qu'occupent les maires en matière de gestion sanitaire se vérifie particulièrement dans le fonctionnement des institutions établies auprès du préfet 11 . D'eux dépendent, en effet, l'envoi du médecin des épidémies dans la commune, la bonne marche de la vaccination, l'exécution de la plupart des mesures préconisées par les conseils d'hygiène et, bien sûr, ou plutôt du conseil municipal, l'application de la loi de 1850.

Cette dynamique, qui se poursuit tout au long du Second Empire, se trouve infléchie avec l'avènement et surtout la stabilisation de la Troisième République. A partir du milieu des années 1880, s'affirme en effet une volonté étatique de s'impliquer davantage dans les questions d'hygiène et de santé publiques. Au coeur de ce redéploiement, se trouvent des préoccupations démographiques 12 . Dénoncée par quelques plumes isolées dans la dernière décennie du Second Empire, la crainte de la dépopulation va en s'exarcerbant après la défaite de 1870 13 . La stagnation démographique du pays est d'autant plus vivement ressentie que l'Allemagne aligne alors de fortes croissances, ce qui compromet les perspectives de revanche. Les inquiétudes démographiques ne sont pas seulement d'ordre quantitatif, elles intègrent également des éléments qualitatifs : sur la population française plane en effet le " spectre de la dégénérescence ", thème qui suscite de profondes angoisses dans le dernier tiers du siècle 14 . Pour répondre à cette situation, les solutions avancées visent moins à promouvoir des mesures natalistes 15 qu'à agir sur la mortalité par un programme de lutte contre les maladies transmissibles. Une telle perspective doit évidemment beaucoup aux découvertes de Pasteur, qui en isolant l'agent de contage, permet à la fois de comprendre les mécanismes de transmission des maladies et de donner une légitimité nouvelle aux techniques empiriques de prophylaxie hygiéniste. Les découvertes pastoriennes n'offrent pas seulement un modèle de gestion sanitaire, elles permettent plus largement de redéfinir un modèle de gestion sociale 16 , dans lequel l'intervention étatique acquiert une nouvelle légitimité. La solidarité de contage, qui existe entre les êtres et les localités, exige en effet une surveillance et une régulation à l'échelle nationale que seul l'Etat peut exercer, par delà les individus et les pouvoirs locaux 17 .

Aux préoccupations démographiques s'ajoutent, dans les années 1880, les problèmes liés à la " question sociale ", qui resurgit sur fond de crise économique généralisée. La " grande dépression " crée en effet les conditions d'une situation de rupture sociale 18 , marquée par un chômage persistant et la multiplication des grèves ouvrières. Plus largement, les républicains sont confrontés à de profondes évolutions sociétales, telles que l'émigration des campagnes vers les villes, qui tend à devenir de plus en plus définitive, et la formation d'un nouveau prolétariat industriel, un peu plus concentré, un peu plus urbain 19 . Ces mutations, qui contribuent à la modification de l'ordre social existant, sont d'autant plus vivement ressenties qu'elles se produisent ou commencent à se produire à un moment où la République possède encore de " puissants ennemis à droite " mais est également menacée sur sa gauche, par la montée et la radicalisation du mouvement ouvrier 20 . Le débat politique sur le traitement de la question sociale reprend 21 et deux générations de républicains vont s'employer à en dépasser les contradictions. Les opportunistes (1879-1885) vont d'abord modifier la manière d'appréhender la question sociale, en la fractionnant en autant de problèmes spécifiques et en la pensant " non plus en termes de doctrines et de principes, mais de procédure, dans une logique de la transaction généralisée " 22 . Dans cette perspective, le rôle de l'Etat consiste à créer les conditions nécessaires à la résolution de chaque problème social par "l'élaboration d'un cadre législatif favorable à la négociation entre partenaires sociaux" 23 . Peu à peu, cependant, et notamment après les élections de 1885, s'affirme, dans le domaine de l'assistance sociale, un véritable interventionnisme d'Etat, construit en référence à la Révolution française et articulé autour de l'idée de solidarité 24 . L'arrivée au pouvoir des radicaux contribue à asseoir définitivement le principe de l'intervention étatique, désormais appuyée sur une nouvelle doctrine : le solidarisme 25 . Le solidarisme constitue le socle théorique de l'Etat-Providence, qui se manifeste par le vote des grandes lois sociales, assistantielles et assurantielles, de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle 26 .

C'est dans ce contexte de la formation d'un Etat-Providence ou d'un Etat-social 27 qu'est élaborée, dès le milieu des années 1880, puis votée la loi du 15 février 1902. Celle-ci vise à lutter contre les maladies transmissibles, en agissant à la fois sur le microbe et sur les milieux favorisant sa prolifération. Pour cela, la législation rend obligatoire la vaccination antivariolique, la déclaration de certaines maladies transmissibles à l'autorité publique et la désinfection. Elle prévoit également des mesures d'assainissement des communes et des immeubles ainsi que la protection des sources d'eau potable. Enfin, elle réorganise le dispositif institutionnel d'intervention sanitaire, réformant les conseils d'hygiène issus de la législation de 1848, prévoyant la possibilité d'installer des services départementaux d'inspection sanitaire, rendant obligatoire la constitution de bureaux d'hygiène dans les communes de plus de 20 000 habitants et de services de désinfection. Le financement de cet ensemble de mesures associe, suivant un système complexe de répartition, les communes, les départements et l'Etat.

A travers les différentes dispositions législatives, l'Etat central édicte un ensemble d'obligations qui s'imposent tant aux individus qu'aux collectivités territoriales. Certes, la loi du 15 février 1902 ne remet pas le principe de l'intervention des collectivités locales, et particulièrement des communes, dans le domaine sanitaire 28 ; elle souligne, au contraire, leurs responsabilités et encore une fois, " l'Etat fait faire, plutôt qu'il ne fait lui-même " 29 . Toutefois, la loi introduit une modification notable dans les relations entre le centre et la périphérie, dans la mesure où la gestion de la santé publique se trouve davantage encadrée par l'Etat central et par son représentant, le préfet. Dès lors, la question se pose de savoir comment les autorités locales 30 ont réagi face à cette nouvelle emprise étatique. En d'autres termes, comment ont-elles géré l'ensemble d'obligations et, par conséquent, de contraintes, que le pouvoir central a imposé non seulement à elles-mêmes mais aussi à leurs administrés ?

Dans le département de l'Isère 31 , la question est d'autant plus sensible que les pouvoirs publics locaux se sont engagés, bien avant la loi du 15 février 1902, dans une politique de réorganisation sanitaire, dont les modalités ont pu parfois anticiper la législation. Ce constat n'est propre ni au département de l'Isère, ni même au secteur ou à la période étudiés 32 : Gilles Pollet a en effet insisté sur la capacité d'initiative du local au XIXe siècle et démontré l'importance de sa participation à la construction de l'" Etat social à la française" 33 . Parce qu'il s'inscrit précisément dans cette perspective, le département de l'Isère offre un bon terrain d'étude pour approcher l'action sanitaire publique locale et saisir la manière dont se croisent et s'articulent les dynamiques locales et nationales. La réorganisation de l'appareil sanitaire isérois commence en 1879, avec la réforme du service de la vaccination. Aussi avons-nous retenu cette date comme point de départ chronologique de la recherche, ce qui n'exclut pas de remonter parfois en amont. Sur le plan politique, l'année 1879 se situe peu après la républicanisation de l'Isère, marquée par l'arrivée, en novembre 1877, d'un préfet républicain, qui sut apaiser les tensions avec le conseil général allumées par son prédécesseur conservateur 34 . Nous arrêtons notre étude en 1914, principalement en raison de la guerre et des modifications qu'elle entraîne dans la gestion de la santé publique 35 .

Cette histoire se déroule dans un environnement économique et social affecté par de profonds changements. Sur le plan économique, les industries qui avaient fait la prospérité du département des années 1820 à la fin des années 1870connaissent, sous le coup de la crise économique, un destin contrasté 36 : la soierie contrôlée par la Fabrique lyonnaise s'adapte grâce un mouvement de mécanisation, la ganterie grenobloise se débat dans de graves difficultés, tandis que la métallurgie et la papeterie connaissent une vitalité nouvelle grâce à l'hydro-électricité. Car c'est de la houille blanche que vient désormais l'essentiel du dynamisme régional, avec notamment le développement de l'électro-chimie et de l'électro-métallurgie. L'électricité marque ainsi la " revanche de la montagne " sur "la victoire de la plaine ", qui avait été le trait caractéristique du développement industriel du Dauphiné dans les deux premiers tiers du XIXe siècle. Parallèlement, le département de l'Isère n'échappe pas aux phénomènes d'émigration rurale et d'urbanisation : les villages montagnards, comme ceux de la plaine, perdent régulièrement de leurs habitants au profit de certaines petites et moyennes villes du département, de Lyon et surtout de Grenoble 37 . Pour autant, il nous faut nuancer cette image d'un département fortement industrialisé et fortement urbanisé : il demeure de larges zones dominées par le travail agricole et la part de la population urbaine dans la population totale s'élève à 37 % en 1901 38 . La moitié des citadins est concentrée dans les trois villes les plus importantes : Voiron, Vienne, Grenoble.

Notre travail met délibérément l'accent sur les institutions iséroises gestionnaires de l'hygiène publique, dans leur formation, leur organisation, leur fonctionnement et leur rapport avec leur environnement : élus, administrations centrales et locales et populations. Ce parti-pris est lié à deux raisons principales. D'une part, la mise en place d'institutions et de services gestionnaires représente l'une des caractéristiques essentielles de la formation des Etats-Providence. Douglas Ashford 39 a en effet mis en évidence l'importance pour les démocraties de la fin du XIXe siècle de disposer d'un point d'ancrage administratif pour élaborer et mettre en oeuvre les politiques sociales. La création d'un potentiel administratif fut donc, avec la redistribution des responsabilités et des ressources entre les différents niveaux territoriaux, une condition préalable à la croissance de l'Etat-Providence. Une approche institutionnelle paraît ainsi être un bon moyen d'interroger la construction de l'Etat social français dans sa composante sanitaire 40 et de saisir l'articulation des dynamiques centrales et locales, de l'action publique et des intérêts privés. D'autre part, la structuration institutionnelle n'est pas un élément neutre : elle est au contraire porteuse de sens et représente un déterminant important de l'action publique. Analysant les formes de la protection sociale publique aux Etats-Unis, Theda Skocpol 41 montre que les structures de l'Etat américain, par la place qu'elles accordent aux tribunaux et aux partis politiques, ont contribué, dès la fin du XIXe siècle, à façonner une politique sociale originale. Ce type d'approche nous semble aisément transposable à un niveau infra-étatique, voire à ce qui peut apparaître comme un simple niveau gestionnaire. L'organisation des institutions d'hygiène et de santé publiques, les ressources qu'elles peuvent mobiliser, la manière dont elles s'insèrent au sein du système politico-administratif local, apparaissent comme autant d'éléments permettant de comprendre la modélisation de l'action sanitaire publique.

Si la santé est devenue, depuis un peu plus d'une vingtaine d'années, un domaine de la recherche historique, force est de constater qu'elle a peu souvent été appréhendée en termes de politiques menées par les administrations. Souvent évoquées, parfois analysées, les institutions sanitaires, la réglementation et les pratiques concrètes de gestion n'ont, à quelques exceptions près, guère fait l'objet de recherches particulières. Parce que l'hygiène était, au XIXe siècle, porteuse d'une morale et d'un modèle de gestion des populations, ce fut d'abord son discours et les représentations qu'elle véhiculait qui a d'abord retenu l'attention. Dans le sillage de Michel Foucault 42 , des travaux ont analysé l'hygiène comme une norme, comme un élément de normalisation, voire de disciplinarisation des conduites. C'est notamment le cas des recherches menées par Lion Murard et Patrick Zylberman 43 au milieu des années 1970. S'intéressant aux cités minières et à la production d'une " race " de travailleurs, ils montrent que l'hygiène est à la base d'une science de la ville et des conduites, visant, par un ensemble de technologies dont ils analysent les ressorts, à corriger les corps et les comportements 44 . Dans cette optique, le programme de salubrité publique, les actions sur le taudis participent d'une disciplinarisation des masses, et notamment des masses populaires. Les discours et les représentations hygiénistes sont également très présents, avec des problématiques différentes, dans les travaux d'historiens, tels que Julia Csergo ou Alain Corbin 45 . La première étudie pourquoi le souci de propreté corporelle s'impose au XIXe siècle comme une obligation sociale ; le second opère une relecture du discours hygiéniste et intègre ses stratégies désodorisatrices dans une histoire des perceptions olfactives. Les deux auteurs s'attachent toutefois à confronter discours et pratiques ainsi qu'à mettre en évidence les résistances des populations aux nouvelles normes de propreté et d'hygiène.

L'histoire de la santé ne résume toutefois pas à l'entreprise de normalisation hygiéniste ; elle a emprunté d'autres directions de recherche, au coeur desquelles se trouve une question centrale : celle de la médicalisation, définie par Olivier Faure comme " la transformation des attitudes individuelles et collectives de nos sociétés face à la santé et à la maladie depuis deux ou trois siècles " 46 . Avec ses travaux pionniers sur les médecins, Jacques Léonard 47 fut le grand défricheur de ce champ et l'étude des professions de santé continue toujours de mobiliser, avec des problématiques renouvelées, les historiens 48 . Parallèlement, d'autres travaux se sont tournés du côté des malades et, plus généralement, de la population, dont Olivier Faure 49 a étudié les comportements sanitaires et plaidé en faveur de leur rôle moteur dans le processus de médicalisation de la société. Dans ces divers travaux, l'hygiène est toujours présente et les initiatives des pouvoirs publics, locales ou nationales, toujours évoquées. On les trouve également répertoriées et souvent étudiées sous la plume d'historiens ou d'historiens-démographes ayant consacré des études aux maladies ou au problème de l'assainissement 50 . Pour autant, l'action des pouvoirs publics reste rarement analysée et problématisée pour elle-même 51 . Avec leur dernier ouvrage, Lion Murard et Patrick Zylberman 52 se sont largement engagés dans cette voie : ils apportent un éclairage fondamental sur la politique sanitaire de l'Etat entre 1870 et 1918 et la loi du 15 février 1902 est au centre de leur analyse. Ils étudient sa genèse, soulignant le rôle essentiel de la Société de médecine publique, son élaboration parlementaire ainsi que ses applications par les collectivités locales. C'est toutefois une lecture " par en haut " que les auteurs proposent de l'attitude des collectivités territoriales, principalement appuyée sur l'exploitation de sources nationales et produites, pour la plupart, par des acteurs centraux. Dans cette optique, les élus locaux apparaissent surtout comme des pôles de résistance à la politique définie par le centre 53 . En inscrivant notre recherche dans un cadre monographique, nous voudrions au contraire proposer une lecture " par en bas " de la politique sanitaire définie sous la Troisième République. A travers elle, on espère mieux comprendre comment et par quels moyens l'hygiène publique s'insère dans les tâches du " gouvernement local " et, au-delà, affiner la compréhension du rapport qu'entretient la Troisième République avec l'hygiène.

Pour mener à bien ce travail, nous avons privilégié l'exploitation de sources locales. Les archives départementales et les archives municipales ont en effet constitué notre principale source d'information et d'analyse. Les premières permettent surtout de reconstituer l'organisation sanitaire départementale et son fonctionnement, dont dépendent et que font vivre, en partie, la quasi-totalité des communes de l'Isère. Mais parce que les maires sont au centre du système sanitaire, les archives municipales se sont également imposées comme une source incontournable. Autant l'avouer immédiatement, nous n'avons pas visité toutes les mairies du département, non plus que tous les centres d'archives municipaux. Nous nous sommes essentiellement concentrés sur la ville de Grenoble et ceci pour deux raisons essentielles. La première est que le chef-lieu du département se distingue très vite des autres communes par un ensemble d'initiatives sanitaires menées dès le début des années 1880. Grenoble fait ainsi partie de ces " villes maîtresses ", productrices et diffuseurs de l'innovation, et, pour cette raison, son action méritait une attention particulière 54 . La seconde raison tient à la richesse des sources, très abondantes, qui permettent une étude relativement fine du dispositif institutionnel grenoblois et de ses rapports avec son environnement. Pour autant, nous n'avons pas négligé l'exploitation des archives d'autres communes, particulièrement celles de Vienne. Toutefois, les archives viennoises n'ont pas la richesse et la qualité de celles de Grenoble et leur relative pauvreté nous a dissuadé d'élargir notre recherche à d'autres communes, comme nous l'avions prévu initialement 55 .

Notre travail exploite également un certain nombre de sources nationales. L'étude de dossiers se rapportant au département de l'Isère et conservés aux archives nationales a fourni un excellent complément aux archives locales, en particulier pour analyser la politique communale de l'eau. L'exploitation des débats parlementaires s'est avérée incontournable pour comprendre l'élaboration de la loi du 15 février 1902 et les transformations du texte au fil des débats. De même, les archives du Conseil d'Etat ont permis de retracer la construction des décrets d'application de la législation sanitaire et de comprendre les intentions du pouvoir central en la matière. Enfin, nous avons également utilisé, de manière plus ponctuelle, les rapports d'institutions, telles que le Comité consultatif d'hygiène publique de France ou l'inspection générale des services administratifs, ainsi que plusieurs articles et ouvrages traitant de la loi du 15 février 1902.

Notre travail s'organise autour de cinq chapitres, dont l'enchaînement est d'abord plutôt chronologique, puis plutôt thématique. Il nous a, en effet, paru essentiel de définir d'abord les caractéristiques des politiques locales et nationales de santé publique avant d'en étudier la confrontation puis les usages par les différents acteurs locaux.

Nous nous attacherons ainsi, dans un premier temps, à reconstituer l'organisation sanitaire du département de l'Isère avant la loi du 15 février 1902. Nous nous intéresserons particulièrement aux réformes entreprises par le département et la ville de Grenoble dès la fin des années 1870, en cherchant à dégager les caractéristiques locales de la gestion de la santé publique. Nous délaisserons ensuite le département de l'Isère pour centrer notre analyse sur les dispositions de la loi du 15 février 1902 : il s'agira essentiellement de dégager la nouvelle configuration sanitaire issue du texte législatif et de cerner les changements et les continuités qu'elle implique pour l'organisation sanitaire locale. Nous reviendrons, dans un troisième temps, dans l'Isère où nous étudierons les applications institutionnelles de la loi. Ce sera le moment d'observer comment se confrontent les logiques nationales et centrales d'organisation de la santé publique. Enfin, dans les quatrième et cinquième chapitres, nous nous pencherons véritablement sur le fonctionnement du système sanitaire isérois, en le replaçant d'abord dans son environnement administratif puis en élargissant à ses rapports avec les populations et les élus. Ce sera l'occasion de prendre la mesure des effets de la législation sur la gestion locale de la santé publique.

Notes
1.

Nous employons ici, sans distinction de sens, les termes d'hygiène et de santé publiques, qui, au XIXe siècle, recouvrent une même réalité : " l'art de conserver la santé aux hommes réunis en société ". Définition du Prospectusdes Annales d'hygiène publique et de médecine légale (1829), cité notamment par Bernard-Pierre LECUYER, " Démographie, statistique et hygiène publique sous la monarchie censitaire ", Annales de démographie historique, 1977, p. 219. Comme champ de compétences, nous assignons à l'hygiène et la santé publiques celui défini par la loi du 15 février 1902 : la lutte contre les maladies épidémiques et l'assainissement du milieu environnant les collectivités humaines - logement, quartier, ville et village -. Sur l'histoire du mot hygiène et ses dérivés, voir Lion MURARD, Patrick ZYLBERMAN, L'hygiène dans la République. la santé publique en France ou l'utopie contrariée, Paris, Fayard, 1996, pp. 67-70 ; Sur la notion de santé publique, Maurice GARDEN, " Histoire de la santé publique. Quelques directions de recherche ", Bulletin du centre d'histoire économique et sociale de la région lyonnaise, 1984, n°1-2, pp. 7-10.

2.

Texte en annexe n°1.

3.

François LEBRUN, Se soigner autrefois. Médecins, saints et sorciers aux 17e et 18e siècles, Paris, Messidor/Temps actuels, 1983, pp. 161-164. Le paragraphe suivant reprend les grandes lignes de cet ouvrage (pp. 165-175). Sur la lutte contre les épidémies au XVIIIe siècle, on peut également se reporter aux synthèses de Françoise HILDESHEIMER, Fléaux et société : de la Grande Peste au choléra. XIVe-XIXe siècle, Paris, Hachette, 1993, pp. 14-21 et 128-131 et d'Olivier FAURE, Histoire sociale de la médecine (XVIIIe-XXe siècles), Paris, Anthropos, 1994, pp. 38-39.

4.

Le mot prend à cette époque une ampleur inédite. Georges VIGARELLO, Le propre et le sale. L'hygiène du corps depuis le Moyen-Age, Paris, Seuil : Points Histoire, 1985, pp. 182-183.

5.

Jacques LEONARD, La médecine entre les pouvoirs et les savoirs, Paris, Aubier Montaigne, 1981, pp. 55-56 et 61-64. On trouvera en annexe n°2 de notre travail une chronologie retraçant l'évolution de l'organisation de la santé publique au XIXe siècle.

6.

Sur la loi du 3 mars 1822 et le contexte médical et politique dans lequel elle a été votée, voir notamment, Patrice BOURDELAIS, Jean-Yves RAULOT, Une peur bleue : histoire du choléra en France. 1832-1854, Paris, Payot, 1987, pp. 53-56 et Bernard-Pierre LECUYER, " L'hygiène en France avant Pasteur ", in Claire SALOMON-BAYET (dir.), Pasteur et la révolution pastorienne, Paris, Payot, 1986, pp. 94-97.

7.

Nous reviendrons plus largement sur le décret de 1848 et la loi du 13 avril 1850 relative à l'assainissement des logements insalubres dans le chapitre I de notre travail.

8.

Yves-Marie BERCE, Le chaudron et la lancette. Croyances populaires et médecine préventive, 1798-1830, Paris, Presses de la Renaissance, 1984, pp. 91-95 et Pierre DARMON, La longue traque de la variole. Les pionniers de la médecine préventive, Paris, Perrin, 1986, p. 381.

9.

Pour un aperçu de l'engagement financier de l'Etat dans la première moitié du XIXe siècle, on peut se reporter à Pierre DARMON, La longue traque..., op. cit., p. 201, 263-264 et 269-271 et Olivier FAURE, La médicalisation de la société dans la région lyonnaise au XIXe siècle, Thèse de doctorat d'Etat, Université Lumière-Lyon 2, 1989, pp. 150-151.

10.

André-Justin MARTIN, Projet de loi pour la protection de la santé publique. Rapport et projet de loi, Melun, Imprimerie administrative, 1891, p. 13.

11.

Sur ce point, Olivier FAURE, La médicalisation de la société..., op. cit., pp. 146-147 et Histoire sociale de la médecine..., op. cit., p. 129.

12.

Olivier FAURE, Les Français et leur médecine au XIXe siècle, Paris, Belin, 1993, p. 243 et " Les politiques sociales de santé au XIXe siècle ", Vie sociale, n°5-6, 1989, p. 29.

13.

André BEJIN, Yves CHARBIT, " La pensée démographique ", in Jacques DUPAQUIER (dir.), Histoire de la population française, Tome 3 : de 1879 à 1914, Paris, PUF/Quadrige, 1995, p. 465, 476-477 et 483-484 et Maurice GARDEN, " Deux siècles de malthusianisme à la française ", in Yves LEQUIN (dir.), Histoire des Français. XIXe-XXe siècles, Tome 1 : Un peule et son pays, Paris, Armand Colin, 1984, p. 266.

14.

Sur le concept de " dégénérescence " et les angoisses qu'il suscite à partir de la défaite de 1870, voir Anne CAROL, Histoire de l'eugénisme en France. Les médecins et la procréation, XIXe-XXe siècle, Paris, Seuil, 1995, pp. 90-97.

15.

Catherine Rollet-Echalier montre en effet que la conversion des milieux parlementaires aux mesures natalistes fut tardive, vers 1912. Catherine ROLLET-ECHALIER, La politique à l'égard de la petite enfance sous la Troisième République, Paris, PUF/INED, 1990, pp. 223-231. Voir aussi, Alain BECCHIA, " Les milieux parlementaires et la dépopulation de 1900 à 1914 ", Communications, n°44, 1986, pp. 201-246.

16.

Olivier FAURE, Histoire de la médecine..., op. cit., p. 187 ; Bruno LATOUR, Les microbes. Guerre et Paix, Paris, A.M. Métaillé, 1984, pp. 41-45.

17.

Henri MONOD, La santé publique. Législation sanitaire de la France, Paris, Hachette et Cie, 1904, p. 5.

18.

Colette BEC, Assistance et République, Paris, Les Editions de l'Atelier/Editions ouvrières, 1994, p. 23.

19.

Gérard NOIRIEL, Les ouvriers dans la société française. XIXe-XXe siècle, Paris, Seuil : Points Histoire, 1986, pp. 83-89.

20.

Robert CASTEL, Les métamorphoses de la question sociale, Paris, Gallimard : Folio Essais, 1995, p. 442.

21.

Ibid.

22.

François EWALD, " La politique sociale des opportunistes. 1879-1885 ", in Serge BERSTEIN, Odile RUDELLE (dir.), Le modèle républicain, Paris, PUF, 1992, p. 177-178 et 187.

23.

Serge BERSTEIN, " La politique sociale des Républicains ", in ibid., p. 191.

24.

Didier RENARD, " Intervention de l'Etat et genèse de la protection sociale en France (1880-1940) ", Lien social et politique-RIAC, n°33, printemps 1995, pp. 15-16.

25.

Théorisé par le radical Léon Bourgeois, le solidarisme entend " fonder le droit de la République à intervenir dans le domaine social ", par la définition d'une voie moyenne entre le libéralisme et le socialisme. Il postule l'idée que chaque homme contracte et reconnaît, dès sa naissance, une dette envers la société, qu'il doit honorer par la suite " en témoignant de sa solidarité envers ses contemporains ". Dans cette perspective, l'Etat est " l'exécuteur des dettes contractées par les sujets sociaux eux-mêmes ". Ces citations sont respectivement extraites de Henri HATZFELD, Du paupérisme à la sécurité sociale. 1850-1940, Paris, Armand Colin, 1971, p. 278 ; Vincent VIET, Les voltigeurs de la République. L'inspection du travail en France jusqu'en 1914, Paris, CNRS Editions, 1994, p. 177 et Robert CASTEL, op. cit., p. 448. Sur les rapports entre solidarité et solidarisme, on peut consulter : Jacques DONZELOT, L'invention du social. Essai sur le déclin des passions politiques, Paris, Seuil : Points Essais, 1994, chapitre II : "L'invention de la solidarité ". Sur Léon Bourgeois et la part qu'a pu prendre le solidarisme parmi les individus gravitant autour du champ radical, Bruno DUMONS, Gilles POLLET, L'Etat et les retraites. Genèse d'une politique, Paris, Belin, 1994, pp. 189-216.

26.

A savoir : les lois du 15 juillet 1893 sur l'assistance médicale gratuite, du 9 avril 1898 sur les accidents du travail, du 27 juin 1904 sur l'assistance aux enfants abandonnés, du 14 juillet 1905 sur l'assistance aux vieillards, aux infirmes et aux incurables et du 5 avril 1910 sur les retraites ouvrières et paysannes. Sur la loi de 1893, Olivier FAURE, Les Français et leur médecine..., op. cit., pp. 149-182 et Colette BEC, op. cit., pp. 127-133 ; sur la loi de 1898, François EWALD, Histoire de l'Etat-Providence, Paris, Grasset, 1996, 317 p. ; sur la loi de 1904 et plus généralement sur la politique de l'enfance, Catherine ROLLET-ECHALIER, op. cit. ; sur la loi de 1905, Didier RENARD, " Une vieillesse républicaine ? L'Etat et la protection sociale de la vieillesse, de l'assistance aux assurances sociales (1880-1914) ", Sociétés contemporaines, n°10, 1992, pp. 9-22 ; sur la loi de 1910, Bruno DUMONS, Gilles POLLET, L'Etat et les retraites..., op. cit. On trouvera également une analyse des débats sur les lois relatives aux accidents du travail et à la protection de la vieillesse dans Henri HATZFELD, op. cit.

27.

Robert Castel préfère ainsi la dénomination d'Etat social, plus neutre, à celle d'Etat-Providence. Robert CASTEL, op. cit., p. 450-454. Pour une présentation et une analyse des différentes théories sociologiques et socio-politiques de la formation des Etats-Providence, voir François-Xavier MERRIEN, L'Etat-Providence, Paris, PUF : QSJ, 1997, pp. 29-79 et " Etat et politiques sociales : contribution à une théorie "néo-institutionnaliste " ", Sociologie du travail, n°3, 1990, pp. 267-294. Pour une mise en perspective de ces différents schémas d'analyse appliqués à un objet d'étude particulier : la politique de retraite en France au début du XXe siècle, voir Gilles POLLET, " Analyse des politiques publiques et perspectives théoriques. Essai de modélisation à travers l'exemple des politiques de retraite dans une perspective historique ", in Alain FAURE, Gilles POLLET, Philippe WARIN, La construction du sens dans les politiques publiques. Débats autour de la notion de référentiel, Paris, L'Harmattan, 1995, pp. 25-47.

28.

D'autant qu'avec les lois de 1871 et de 1884, la Troisième République s'était engagée dans une dynamique de décentralisation. En matière d'hygiène et de salubrité, la loi de 1884 consacrait le principe de l'intervention communale. Sur les lois de 1871 et de 1884, voir François BURDEAU, Histoire de l'administration française. Du 18e siècle au 20e siècle, Paris, Montchrestien, 1994, pp. 199-201. Sur la loi de 1884 et les modifications qu'elle implique pour la fonction municipale, voir Robert VANDENBUSCHE, " la fonction municipale sous la Troisième République. L'exemple du département du Nord ", Revue du Nord, n°305, avril-juin 1994, pp. 319-337.

29.

André GUESLIN, L'Etat, l'économie et la société française. XIXe-XXe siècle, Paris, Hachette, 1992, p. 98.

30.

Bien que notre positionnement implique de considérer, comme " autorités locales ", le département et la commune, nous n'excluons nullement le préfet de cette définition. Le préfet n'est en effet pas seulement le représentant de l'Etat dans la commune, il est aussi l'exécutif du conseil général. Comme le note Yves Mény, " l'exclusion des représentants de l'Etat en tant qu' " autorités locales " doit s'accompagner de la plus grande attention à l'égard de leur interférence dans l'élaboration et la mise en oeuvre des politiques locales ". Il est vrai qu'en matière de gestion sanitaire, les deux dimensions de la fonction préfectorale apparaissent étroitement mêlées. Yves MENY, " La politique des autorités locales ", in Madeleine GRAWITZ, Jean LECA (dir.), Traité de sciences politiques, Tome IV : Politiques publiques, Paris, PUF, 1985, pp. 426-428.

31.

Cf. Annexes n°3 et 4 pour une présentation géographique et administrative.

32.

Pour une illustration contemporaine, Agnès CAMUS, Philippe CORCUFF, Claudette LAFAYE, "Entre le local et le national : des cas d'innovation dans les services publics ", Revue française des affaires sociales, n°3, juillet-août 1993, pp. 17-47.

33.

Gilles POLLET, " La construction de l'Etat social à la française : entre local et national (XIXe-XXe siècles) ", Lien social et politique-RIAC, n°33, printemps 1995, pp. 115-131.

34.

Pierre BARRAL, Le département de l'Isère sous la Troisième République (1870-1940). Histoire sociale et politique, Paris, Armand Colin, 1962, pp. 348-349 et 398-399 ; Didier RENARD, " Les politiques sociales municipales et leurs acteurs. Grenoble au début de la Troisième République ", in Bruno DUMONS, Gilles POLLET (dir.), Elites et pouvoirs locaux. La France du sud-est sous la Troisième République, Lyon, PUL, 1999, p. 86. Le conseil général de l'Isère est à majorité républicaine depuis les années 1871-1874.

35.

Le 14 août 1914, un décret prescrivant des " mesures exceptionnelles " d'hygiène est promulgué. Il réorganise l'administration sanitaire locale en instituant, auprès des préfets et de l'autorité militaire, des délégués sanitaires dotés de pouvoirs étendus. Sur ce point, Lion MURARD, Patrick ZYLBERMAN, L'hygiène dans la République..., op. cit., pp. 543-544.

36.

Sur ce point, Yves LEQUIN, Les ouvriers de la région lyonnaise (1848-1914), Tome 1 : La formation de la classe ouvrière régionale, Lyon, PUL, 1977, pp. 82-107. Sur les transformations économiques du Dauphiné au XIXe siècle et en particulier " la naissance de la grande industrie ", Pierre LEON, La naissance de la grande industrie en Dauphiné (fin du XVIIe siècle-1869), Paris, PUF, 1954, Troisième partie : " Le triomphe de la grande industrie ".

37.

Pierre BARRAL, op. cit.,pp. 40-53.

38.

Proportion calculée d'après les résultats du recensement de 1901. Dénombrement de la population de l'Isère. Recueil des actes administratifs concernant les recensements. Extrait, 1901.

39.

Douglas ASHFORD, " Une approche historique de l'Etat-Providence ", Revue française d'administration publique, n°39, juillet-septembre 1986, pp. 504-507.

40.

La question de l'intégration des politiques sanitaires à l'Etat-Providence mériterait certainement davantage d'approfondissements. Ainsi, Pierre Rosanvallon évoque, à la fin du XIXe siècle, un " Etat-hygiéniste ", clairement distingué de l' "Etat-Providence ", dont la logique est différente. Le premier s'adresse en effet à la société prise comme un tout : " il se donne comme finalité de produire le social et non pas de protéger l'individu ". Au contraire, l'Etat-Providence " est fondé sur la détermination de règles de justice et de normes de redistribution qui fixent les devoirs de la société envers chacun et les formes de la solidarité. Il renvoie à l'Etat de droit et à l'individu comme sujet ". Pierre ROSANVALLON, L'Etat en France de 1789 à nos jours, Paris, Seuil : Points Histoire, 1990, p. 134. D'autres chercheurs (par exemple, Gilles POLLET, " La construction de l'Etat social..., op. cit., pp. 115-131 et Jean JOANA, "L'action municipale sous la Troisième République (1884-1939). Bilan et perspectives de recherches ", Politix, n°42, 1998, pp. 160-166) intègrent d'emblée les politiques hygiénistes à l'Etat-Providence. Sans renier l'approche de Pierre Rosanvallon, nous nous situons davantage dans cette dernière perspective, tant les liens institutionnels entre l'hygiène et l'assistance sont forts.

41.

Theda SKOCPOL, " Formation de l'Etat et politiques sociales aux Etats-Unis ", Actes de la recherche en sciences sociales, n°96-97, mars 1993, pp. 21-37.

42.

En particulier de Surveiller et punir. Naissance de la prison, Paris, Gallimard, 1975, 318 p. Sur l'apport de Michel Foucault, et en particulier de l'approche par les disciplines, à l'analyse des politiques sanitaires et sociales, voir, Bruno JOBERT, " Les politiques sanitaires et sociales ", in GRAWITZ Madeleine, LECA Jean, Traité de sciences politiques, Tome IV : Politiques publiques, Paris, PUF, 1985, pp. 306-308.

43.

Et notamment, Le petit travailleur infatigable. Villes-usines, habitat et intimités au XIXe siècle, Paris, Recherches, 1976, 287 p.

44.

Ibid, p. 71 et suivantes.

45.

Julia CSERGO, Liberté, égalité propreté. La morale de l'hygiène au XIXe siècle, Paris, Albin Michel, 1988, 361 p. ; Alain CORBIN, Le miasme et la jonquille, Paris, Flammarion, 1986, 336 p. Il reste que, si les deux auteurs ont en partie, travaillé sur les discours et les représentations, leurs problématiques sont différentes. La première s'inscrit dans la problématique du contrôle social, le second se place dans l'optique d'une histoire sensorielle.

46.

Olivier FAURE, " Des médecins aux malades : tendances récentes en histoire sociale de la santé ", in Michel LAGREE, François LEBRUN (dir.), Pour l'Histoire de la Médecine. Autour de l'oeuvre de Jacques Léonard, Rennes, PUR, 1994, p. 59.

47.

Jacques LEONARD, Les médecins de l'Ouest au XIXe siècle, Lille/Paris, Atelier de reproduction des thèses Université de Lille III/Honoré Champion, 1978, 3 volumes, 1570 + CCXLVIII p. ; La vie quotidienne du médecin de province au XIXe siècle, Paris, Hachette, 1977, 385 p. ; La France médicale au XIXe siècle, Paris, Gallimard-Julliard, 1978, 285 p. ; La médecine entre les pouvoirs..., op. cit.

48.

Olivier FAURE, " Des médecins aux malades... ", in Michel LAGREE, François LEBRUN (dir.), op. cit., pp. 60-63 et " Les voies multiples de la médicalisation ", Revue d'histoire moderne et contemporaine, Tome 43-4, octobre-décembre 1996, pp. 572-574.

49.

Olivier FAURE, La médicalisation de la société..., op. cit. et Les Français et leur médecine..., op. cit.

50.

Par exemple, Patrice BOURDELAIS, Jean-Yves RAULOT, op. cit. ; Pierre DARMON, La longue traque..., op. cit. ; Pierre GUILLAUME, Du désespoir au salut : les tuberculeux aux 19e et 20e siècles, Paris, Aubier, 1986, 376 p. Sur la question de l'eau, Jean-Pierre GOUBERT, La conquête de l'eau. L'avènement de la santé à l'âge industriel, Paris, Robert Laffont, 1986, 302 p.

51.

Citons néanmoins quelques études davantage centrées sur l'action des pouvoirs publics : Dominique DESSERTINE, Olivier FAURE, Combattre la tuberculose, Lyon, PUL, 1988, 244 p. ; Gérard JACQUEMET, " Urbanisme parisien : la bataille du tout-à-l'égout au XIXe siècle ", Revue d'histoire moderne et contemporaine, Tome XXVI, octobre-décembre 1979, pp. 505-548 ; François-Xavier MERRIEN, La bataille des eaux. L'hygiène à Rennes au XIXe siècle, Rennes, PUR, 1994, 164 p.

52.

Lion MURARD, Patrick ZYLBERMAN, L'hygiène dans la République..., op. cit.

53.

Voir notamment le lecture que Jean Joana propose de cet ouvrage. Jean JOANA, op. cit., pp. 164-166.

54.

Concernant la politique sanitaire de Grenoble, le terrain a déjà été défriché par Estelle Baret, dans le cadre de son mémoire de maîtrise sur le bureau d'hygiène et ses actions entre 1890 et 1940. Estelle BARET, Le bureau d'hygiène de Grenoble de 1890 à 1940, Maîtrise d'histoire, Université Pierre Mendès-France, 1993, 347 p. et " Santé publique et environnement urbain : le bureau d'hygiène de Grenoble de 1890 à 1940 ", Evocations. La Pierre et l'Ecrit, 1996-1997, pp. 131-153. Nous nous proposons ici de reprendre, sous un autre angle et à partir d'archives, l'étude de ce service municipal, en centrant l'analyse sur les modes de gestion sanitaire des municipalités et sur les rapports qu'elles entretiennent avec la loi du 15 février 1902.

55.

Notre projet initial était, un peu arbitrairement, d'exploiter les archives des neuf communes de l'Isère, qui deviennent, en application de la loi du 15 février 1902, le siège d'une commission sanitaire. C'est pour cette raison que nous avons dépouillé les archives, très lacunaires, de la commune de Bourgoin. Cette expérience ainsi que l'ampleur du travail de collecte dans les autres centres d'archives et les bibliothèques nous ont dissuadé de poursuivre dans cette voie.