I.L'institutionnalisation de l'hygiene publique DE 1805 A 1879 : delegation et consultation

Lorsque les pouvoirs publics isérois s'engagent à partir de 1879 dans la voie de la réforme sanitaire, ils ne partent pas de rien. Les régimes précédents leur ont en effet légué un ensemble d'institutions, et, au-delà, des modes de gestion de la santé publique que les initiatives ultérieures pérenniseront. Pour en saisir les formes, il nous faut remonter à la première période d'institutionnalisation de l'hygiène publique qu'est la première moitié du XIXe siècle.

Concrètement, les pouvoirs publics de cette époque se trouvent confrontés à plusieurs types de problèmes. Il y a tout d'abord celui des épidémies, qui constituent le facteur essentiel des fortes poussées de mortalité enregistrées jusqu'en 1871 60 . Il y a ensuite et surtout les nombreuses sources d'insalubrité et de nuisances qui affectent alors l'environnement, tant rural qu'urbain, et sont responsables de l'infection miasmatique. Dans les villages, les marais et les mares aux multiples usages, la disposition des cimetières, les dépôts de fumiers ainsi que l'état des habitations retiennent particulièrement l'attention des médecins des épidémies, des hygiénistes et de certains représentants des élites rurales 61 . Dans les villes, lieux de concentration des hommes et de leurs activités, les préoccupations se portent sur les chantiers d'équarrissage, et plus généralement sur les industries travaillant la matière animale, l'évacuation des excrétions humaines, avant de se déplacer vers l'habitat populaire 62 . L'insalubrité des villes est d'autant plus vivement ressentie qu'elle est accentuée par la croissance urbaine, souvent réalisée au sein d'espaces trop étroits, et l'industrialisation et qu'un processus d'abaissement du seuil des sensibilités olfactives, à l'oeuvre depuis le milieu du XVIIIe siècle, la rend insupportable 63 .

Face à ces situations, les réponses institutionnelles se situent d'abord sur le terrain des épidémies. Le Consulat installe dans chaque arrondissement un médecin des épidémies et se préoccupe d'encourager la diffusion de la vaccine. Ainsi, se constituent progressivement dans les départements, et dans celui de l'Isère en particulier, un réseau de médecins publics auxquels l'administration confie le soin de combattre les épidémies, de surveiller l'hygiène publique et de vacciner la population. A ce réseau s'ajoutent, à partir de la Restauration, des assemblées consultatives permanentes, chargées de guider les pouvoirs publics dans leur tâche de protection de la santé et de la salubrité publiques.

Notes
60.

Alain BIDEAU, Jacques DUPAQUIER, Jean-Noël BIRABEN, " La mortalité de 1800 à 1914 ", in Jacques DUPAQUIER (dir.), op. cit., p. 293.

61.

Jacques LEONARD, Les médecins de l'Ouest..., op. cit., pp. 431-435 ; Guy THUILLIER, " Hygiène et salubrité en Nivernais au XIXe siècle ", Revue d'histoire économique et sociale, n°3, 1967, p. 308 et 310-311 et Alain CORBIN, Le miasme..., op. cit.,pp. 181-184.

62.

Alain CORBIN, Le miasme..., op. cit., pp. 134-142 et 178-181 et " La politique face aux nuisances industrielles ", in Le Temps, le désir et l'horreur. Essais sur le XIXe siècle, Paris, Flammarion, 1991, p. 186 ; Jacques LEONARD, Archives du Corps. La santé au XIXe siècle, Rennes, Ouest-France, 1986, pp. 64-66 ; Roger-Henri GUERRAND, Les origines du logement social en France, Paris, Editions ouvrières, 1967, pp. 44-56.

63.

Alain CORBIN, Le miasme..., op. cit.