a. L'inspection médicale des écoles communales

Réclamée dès 1875 par l'inspecteur de l'Académie, alors qu'une épidémie de rougeole sévissait dans les écoles de la ville 424 , l'inspection médicale des écoles maternelles et primaires communales de Grenoble ne voit le jour que sept ans plus tard. Apparemment, la création d'un emploi de médecin-inspecteur chargé de visiter les écoles communales ne vient cependant qu'officialiser une pratique que le titulaire du nouveau service, le docteur Berthollet, exerçait en fait depuis quatre ans 425 . La principale différence réside dans l'indemnité de 300 francs accordée au praticien 426 alors que cette fonction était auparavant bénévole.

L'arrêté municipal du 30 janvier 1882 confie ainsi au docteur Berthollet le soin de visiter une fois par semaine, tous les jours en cas d'épidémies, les 26 établissements scolaires de la ville et leurs 5 313 élèves 427 . La tâche paraît bien lourde pour un seul homme 428 , surtout si on considère les autres activités médicales du praticien à cette époque : médecin en chef à l'hôpital de Grenoble, médecin-vaccinateur de la ville, médecin du bureau de bienfaisance, chargé en outre d'une consultation quotidienne des indigents à l'hôpital. Aussi s'agit-il moins d'une inspection véritablement médicale que d'une inspection hygiénique, l'attention du médecin devant se porter davantage sur la salubrité des locaux (propreté, éclairage, chauffage, ventilation) que sur la santé des écoliers 429 . Cette dernière est d'ailleurs plutôt traitée de manière collective qu'individuelle: les différentes rubriques du registre d'inspection médicale, dans lequel sont consignés les résultats des visites du médecin, portent surtout sur les maladies contagieuses éventuelles qui ont pu frapper les élèves ; les enfants atteints de myopie, de surdité ou d'autres infirmités sont simplement comptabilisés au début de l'année scolaire 430 . Dans la pratique, le nombre annuel des visites s'échelonne entre un et cinq, ce dernier chiffre étant le plus fréquemment cité par les directeurs des écoles 431 . On est bien loin de la visite hebdomadaire préconisée par l'arrêté de 1882.

Malgré ces insuffisances, l'initiative du maire de Grenoble a le mérite de donner une suite officielle à la circulaire ministérielle du 14 novembre 1879, qui recommandait la création d'emplois de médecins-inspecteurs des écoles maternelles et primaires 432 . Cette circulaire, qui s'inscrit dans un effort plus général de médicalisation de la vie scolaire 433 , ne reçut en effet qu'une application partielle. En 1886-1887, 35 départements sur 87 avaient suivi les prescriptions ministérielles, tandis que quelques années plus tard, l'inspection médicale fonctionnait tant bien que mal dans seulement 11 départements 434 . Dans l'Isère, rien n'avait été organisé au niveau du département et la seule action municipale entreprise fut celle de Grenoble 435 .

Notes
424.

AMG, 1 R 7 suite : Lettre de l'inspecteur de l'Académie au maire de Grenoble, 7 juin 1875.

425.

ADI, 28 M 1 : Etat des services du docteur Berthollet, proposé pour les palmes académiques, 1885.

426.

AMG, 5 I 3/4 : Arrêté municipal du 30 janvier 1882 nommant le docteur Berthollet médecin-inspecteur des écoles communales de Grenoble et AMG, 2 K 297 : Registre des traitements des employés communaux, 1883.

427.

Ces chiffres sont ceux de l'année scolaire 1883-1884. AMG, 1 R 17 : Rapport sur la situation des écoles et de l'enseignement primaire à Grenoble pendant l'année scolaire 1883-1884.

428.

Le nombre des écoles à visiter est pourtant à peine supérieur à celui des écoles lyonnaises de chaque circonscription médicale. Mais le rythme des visites des médecins-inspecteurs est de deux fois par mois, quatre fois par mois pour les maternelles. Archives municipales de Lyon, 176 WP 33 : Règlement concernant le service des médecins-inspecteurs des écoles primaires laïques et des salles d'asile communales de Lyon, 15 octobre 1879 et Arrêté préfectoral du 15 décembre 1880 relatif à la création de deux nouvelles circonscriptions d'inspection médicale des écoles et salles d'asile de la ville. Nous remercions Marianne Thivend de nous avoir communiqué ces informations et documents.

429.

AMG, 5 I 3/4 : Registre des observations médicales dans les écoles primaires communales du docteur Berthollet.

430.

Ibid. Bien que l'on ne puisse guère comparer l'organisation de l'inspection médicale scolaire parisienne et grenobloise, la ville de Paris étant divisée en 166 circonscriptions de 15 à 20 classes, on peut souligner que les médecins parisiens examinent, à chacune de leurs visites, les dents, les yeux, les oreilles et l'état sanitaire de chaque élève. La santé des écoliers est donc envisagée de manière plus individuelle qu'à Grenoble. Jean-Pierre GOUBERT, La conquête de l'eau. L'avènement de la santé ..., op. cit., p. 149.

431.

AMG, 1 R 7 suite : Notes de seize directeurs et directrices d'écoles communales à l'inspecteur primaire de Grenoble indiquant le nombre de visites effectuées par le docteur Berthollet dans leur établissement pour l'année scolaire 1887-1888.

432.

Jacques LEONARD, Les médecins de l'Ouest..., op. cit., p. 1775 et Jean-Pierre GOUBERT, La conquête de l'eau. L'avènement de la santé..., op. cit., p. 148.

433.

Jean Pierre GOUBERT, La conquête de l'eau. l'avènement de la santé..., op. cit., p. 149.

434.

Ibid., pp. 148-149.

435.

AN, F 17 11 781 : Réponse du préfet de l'Isère à l'enquête ministérielle sur l'inspection médicale des écoles publiques, 9 février 1887.