b. L'installation d'un service de désinfection

Si la statistique des causes de décès permet de repérer les affections contagieuses régnant à Grenoble, elle ne permet pas directement d'empêcher ou de limiter leur propagation. Aussi, et alors que sévit une épidémie de variole, apparaît-il nécessaire de mettre en place un service de désinfection. A la fin de l'année 1887, une étuve à vapeur sous pression est installée à l'hôpital ; elle est utilisée dès cette époque tant pour les besoins de cet établissement que pour ceux de la population 506 . Le service de la désinfection est véritablement mis sur pied deux ans plus tard, à l'automne 1889, par l'hôpital de Grenoble qui en assume la direction et la gestion 507 .

Trois ouvriers désinfecteurs composent le personnel de ce service : ils sont rémunérés par l'hôpital, qui assure pour deux d'entre eux le logement et la nourriture pour une dépense totale de 4 000 francs 508 . Ils pratiquent la désinfection à l'étuve des effets, linges et objets de literie, mais aussi des appartements et objets mobiliers au moyen de fumigations gazeuses ou par la pulvérisation de liquides antiseptiques 509 . La désinfection est un service payant dont les recettes sont recouvrées par l'hôpital : le tarif de la désinfection à l'étuve est fixé à six francs par mètre cube, non compris le transport des objets à l'aide de voitures spéciales compté à raison de un franc par heure et par ouvrier. Pour la désinfection à domicile, le tarif est de un franc par ouvrier et par heure de travail. Les deux types d'opération sont gratuites pour les indigents, au vu d'un certificat délivré par la mairie.

Dès l'origine, le service de la désinfection à Grenoble est donc un service hospitalier ouvert à la population grenobloise. La participation de la ville est uniquement financière. Elle prend à sa charge la moitié du coût total de l'installation de l'étuve, soit 6000 francs sur 12 621 francs 510 . Elle facilite également la construction d'un pavillon spécial pour l'entrepôt de l'étuve en exonérant l'administration hospitalière des droits de voirie ainsi qu'en lui cédant gracieusement une petite parcelle de terrain de 1,24 mètres carrés 511 . Elle subventionne enfin le service à hauteur de 1 500 francs : cette somme, inscrite au budget ordinaire à partir de 1891, est destinée à couvrir les dépenses engendrées par les désinfections gratuites 512 .

L'organisation d'une statistique médicale et d'un service de désinfection viennent compléter les actions de la municipalité grenobloise en faveur de l'hygiène alimentaire et de l'hygiène de l'enfance. Le mandat d'Edouard Rey aura donc été plutôt fertile en initiatives sanitaires, même si les sommes engagées pour le fonctionnement de cet ensemble institutionnel restent très modestes. Entre 1881 et 1888 en effet, les dépenses d'hygiène ordinaires passent de 3 559 francs à 4 700 francs 513 . Les formes d'organisation adoptées expliquent la modicité des crédits injectés : les actions de la municipalité s'appuient en effet sur l'indemnisation de médecins, l'utilisation de structures existantes, voire d'acteurs périphériques bénévoles comme la Société de médecine et de pharmacie.

La conséquence de cette situation est, comme pour le département, un éclatement du dispositif entre divers intervenants. Celui-ci semble même plus important, puisqu'à la différence des bureaux de la préfecture, ceux de la mairie de Grenoble n'ont aucune attribution sanitaire 514 . Dans les années 1880, l'hygiène ne semble pas donc tout à fait perçue par les autorités publiques comme un domaine d'intervention à part entière. La création du bureau d'hygiène va introduire une rupture dans cette dynamique.

Notes
506.

AMG, 5 I 5/1 : Lettre de la commission administrative des hospices de Grenoble au maire de Grenoble, 28 décembre 1887. Voir aussi 5 I 5/1 : Hygiène publique. Communiqué de presse, 31 janvier 1888.

507.

AMG, 5 I 5/1 : Hospices de Grenoble. Service de la désinfection. Règlement, sans date, vraisemblablement automne 1889 et AMG, 390 W 5 : Annuaire du bureau d'hygiène de Grenoble pour les années 1862 à 1890.

508.

AMG, 5 I 5/1 : Lettre de la commission administrative des hospices de Grenoble au maire de Grenoble, 4 janvier 1892.

509.

AMG, 5 I 5/1 : Hospices de Grenoble. Service de la désinfection. Règlement, sans date (automne 1889).

510.

Soit 7 071 francs pour l'étuve et 5 580 francs pour la construction d'un bâtiment spécial et l'achat de deux voitures à bras pour le transport des objets à l'étuve. AMG, 5 I 5/1 : Conseil municipal de Grenoble, séance du 24 février 1888.

511.

AMG, 5 I 5/1 : Conseil municipal de Grenoble, séance du 16 avril 1888.

512.

AMG, RDCM : Conseil municipal de Grenoble, séance du 28 février 1891.

513.

AMG, Budgets de la ville de Grenoble, exercices 1881 à 1888. Sur la manière dont nous avons reconstruit les budgets ordinaires de l'hygiène publique, voir infra, chapitre IV, pp. 331-333.

514.

Annuaires du département de l'Isère et de la ville de Grenoble..., 1880-1890.