CHAPITRE III. L'APPLICATION DES DISPOSITIONS INSTITUTIONNELLES DE LA LOI : LA CONFRONTATION DES LOGIQUES CENTRALES ET LOCALES D'ORGANISATION DE LA SANTE PUBLIQUE

La loi sanitaire étant votée, les pouvoirs publics doivent maintenant s'atteler à mise en oeuvre de ses dispositions. Leur attention va d'abord se porter sur l'organisation des institutions prévues par la législation, car d'elles dépend en grande partie l'application des mesures de prophylaxie et d'assainissement. A première vue, la tâche à accomplir pour les autorités du département de l'Isère est relativement simple. Le département possédant déjà un service de vaccination et de désinfection, le conseil général n'a plus qu'à réorganiser les conseils d'hygiène et à se prononcer sur la création d'un service d'inspection. La municipalité grenobloise n'a, elle, a priori rien à faire : avec son bureau d'hygiène et son service de désinfection, elle satisfait déjà aux exigences du législateur. Finalement, les seules régions du département concernées par une application intégrale de la loi sont les villes de Vienne et d'Allevard. Ville de plus de 20 000 habitants, la première doit installer un bureau d'hygiène et un service de désinfection. Quant à la seconde, elle a, en tant que commune de plus de 2 000 habitants siège d'un établissement thermal, également à mettre en place un bureau d'hygiène.

La réalité est autrement plus complexe. Car en imposant des institutions aux villes et aux départements, le législateur entendait également en encadrer l'application. Aussi, la loi du 15 février 1902 prévoit-elle des règlements d'administration publique, qui visent à déterminer les conditions d'organisation et de fonctionnement des bureaux d'hygiène, des services de désinfection et de vaccination 902 . Le département de l'Isère ne doit donc pas se contenter de procéder aux modifications et installations évoquées plus haut, il doit, plus largement, réaménager l'ensemble de son dispositif sanitaire afin de l'adapter aux directives de l'administration centrale 903 .

On peut ainsi analyser l'application institutionnelle de la loi du 15 février 1902 dans le département de l'Isère comme la confrontation des logiques centrales et locales d'organisation de la santé publique. Celle-ci se déroule selon trois temps. Les années 1902-1904 apparaissent surtout comme une période centrée sur les dynamiques locales : le pouvoir central intervient très peu et les autorités iséroises disposent d'une grande marge de manoeuvre pour organiser leurs institutions. La période suivante, qui va de 1905 au début de l'année 1907, repose au contraire essentiellement sur une dynamique centrale. L'administration centrale prépare deux importants décrets d'application et renforce ses assises bureaucratiques tandis que le département de l'Isère ne procède à aucune intervention d'ordre institutionnel. C'est véritablement à partir du printemps 1907 que l'on assiste à la confrontation directe des logiques centrales et locales d'organisation de la santé publique. L'heure est à l'application des décrets élaborés par l'administration centrale et chacun des deux acteurs tente d'imposer à l'autre sa propre logique organisationnelle.

Notes
902.

Articles 6 et 33 de la loi du 15 février 1902.

903.

On pourra, tout au long de ce chapitre, se reporter à l'annexe n°19 qui présente l'organisation sanitaire du département de l'Isère en 1910.