a. Les modalités d'installation de l'organisation sanitaire départementale : points de vue central et local

D'après la législation, quatre sortes d'institutions doivent ou peuvent être établies dans chaque département : un conseil d'hygiène départemental et des commissions sanitaires de circonscription, des services de vaccination et de désinfection ainsi qu'un service d'inspection et de contrôle 921 . Parmi elles, seules les assemblées sanitaires, destinées à remplacer les conseils d'hygiène de 1848, font l'objet, à la fois dans la loi et dans les premières circulaires ministérielles 922 , d'instructions précises quant à leur organisation. Le rôle du conseil général y est clairement défini : il décide du nombre de commissions sanitaires à installer dans le département, délimite leur circonscription d'exercice et détermine leur budget 923 .

La situation se complique quelque peu pour les services de vaccination et de désinfection, puisqu'il faut attendre les règlements d'administration publique pour en connaître les conditions d'organisation et de fonctionnement 924 . La circulaire ministérielle du 19 juillet 1902 propose de réserver ces questions jusqu'à la promulgation des décrets mais invite néanmoins les préfets à inscrire " dès maintenant au budget " les dépenses relatives au service de vaccination 925 . La formule est pour le moins ambiguë. Dans les départements déjà dotés d'un service de vaccination suffisant, il peut s'agir d'une invitation à reconduire les crédits affectés à cette destination et c'est ainsi que l'entend le préfet de l'Isère 926 ; mais les départements dans lesquels la vaccination est à organiser ou à réformer peuvent-il prévoir ce type de dépenses en l'absence d'instructions ministérielles ? La réponse est d'autant moins claire que l'organisation des services de vaccination ne fait pas l'unanimité au sein des instances parisiennes chargées de préparer le règlement d'administration publique. Le CCHPF 927 souhaite en effet laisser aux conseil généraux la liberté d'organiser leur service tandis que l'Académie de médecine préfère un " plan uniforme sur toute l'étendue du territoire " à établir par l'autorité centrale 928 . La solution n'intervient qu'un an plus tard à la faveur du CCHPF : l'organisation du service de la vaccination appartient à chaque conseil général tandis que le préfet nomme les vaccinateurs et les autres agents du service 929 .

Le service d'inspection et de contrôle prévu par l'article 19 de la loi du 15 février 1902 constitue la dernière pièce du dispositif sanitaire départemental. Sa création demeure cependant facultative puisqu'elle est subordonnée à une décision du préfet et à une délibération du conseil général. Le service ne fait ainsi l'objet d'aucune instruction ministérielle et les autorités locales disposent de toute latitude d'action quant à son éventuelle organisation. Les circulaires ministérielles, et en particulier celle du 19 juillet 1902, se bornent simplement à en énoncer les avantages au point de vue de la centralisation des diverses attributions sanitaires préfectorales. L'inspection apporterait en effet " une unité de vue et de direction qui profiterait largement au bon fonctionnement des institutions prévues, formerait entre elles le lien nécessaire et constituerait pour les communes un précieux guide, tout à la fois technique et administratif " 930 .

Dans ces conditions, la priorité du pouvoir central est donnée à la constitution des conseils d'hygiène départementaux et des commissions sanitaires. Elle l'est d'autant plus que la mise en place de ces institutions conditionne l'application d'autres dispositions de la loi du 15 février 1902, telles que, par exemple, les règlements sanitaires communaux 931 . La première circulaire ministérielle portant sur la législation sanitaire avait ainsi surtout pour but de motiver au plus vite l'organisation des conseils d'hygiène et des commissions sanitaires 932 . De même, une dépêche du ministère de l'Intérieur du 20 avril 1903 sommait le préfet de l'Isère de prendre rapidement une décision à ce sujet 933 . La volonté du pouvoir central de traiter au cas par cas l'installation des institutions prévues par le législateur se heurte toutefois à l'attitude du préfet de l'Isère, pour qui, les différentes pièces de l'organisation sanitaire doivent être conjointement mises en place.

Le choix préfectoral est à relier avec les conclusions du rapport du conseil d'hygiène départemental de l'Isère. Réunie le 25 juillet 1902, l'instance consultative s'était en effet prononcée en faveur de l'application intégrale de la loi, et notamment sur la création du service de contrôle et d'inspection 934 . Aussi, le préfet demande-t-il systématiquement 935 au conseil général de délibérer sur l'ensemble des institutions sanitaires départementales. Dès le mois d'août 1902, il l'invite à décider de l'organisation des conseil d'hygiène et des commissions sanitaires ainsi que de l'installation du service de contrôle et d'inspection 936 . L'année suivante, il lui soumet, pour approbation, un projet d'organisation comprenant les assemblées sanitaires, le service d'inspection et un budget prévisionnel fixant les dépenses de désinfection 937 . Il agit de même en avril 1904 alors qu'une dépêche ministérielle venait de menacer le département de lui d'imposer d'office l'établissement d'un conseil d'hygiène et de commissions sanitaires 938 .

Notes
921.

Articles 6, 7, 19 et 20 de la loi du 15 février 1902. Soulignons toutefois que le caractère départemental du service de la vaccination n'est pas établi par la loi de 1902, mais par le décret du 27 juillet 1903.

922.

En particulier celles du 19 juillet 1902 et du 20 juillet 1903. RTOSP, Tome IV, pp. 57-58 et 103-104.

923.

Article 20 de la loi du 15 février 1902.

924.

Articles 6, 7 et 33 de la loi du 15 février 1902. Le décret sur l'organisation des services de vaccination interviendra le 27 juillet 1903, celui sur la désinfection le 10 juillet 1906.

925.

Circulaire ministérielle du 19 juillet 1902 relative aux conditions de la mise en vigueur de la loi du 15 février 1902. RTOSP, Tome IV, pp. 57-58.

926.

ADI, PER 56-93 : CG/RP, août 1902.

927.

Docteurs BOURGES, NETTER et PROUST (rapporteurs), " Application de l'article 6. Vaccination et revaccination obligatoires : projet de réglementation ", Recueil des travaux du CCHPF, 1902, Tome 32, pp. 3-12.

928.

" Rapport du docteur Kelsch à l'Académie de médecine, séances des 3 et 10 février 1903 ", in André-Justin MARTIN et Albert BLUZET, Commentaire administratif et technique..., op. cit.,pp. 380-398.

929.

Article 2 du décret du 27 juillet 1903 et circulaire ministérielle du 7 août 1903 sur l'obligation de la revaccination. RTOPS, Tome IV, pp. 104-112

930.

Circulaire ministérielle du 19 juillet 1902 sur les conditions de la mise en vigueur de la loi du 15 février 1902. RTOPS, Tome IV, pp. 57-58.

931.

Rappelons que les règlements sanitaires communaux doivent être approuvés par le préfet après avis du conseil d'hygiène départemental. Article 2 de la loi du 15 février 1902.

932.

Circulaire ministérielle du 10 mai 1902 relative à l'application de la loi du 15 février 1902 sur la protection de la santé publique. RTOSP, Tome IV, pp. 55-56.

933.

ADI, PER 56-94 : CG/RP, avril 1903.

934.

ADI, PER 56-93 : CG/RP, août 1902.

935.

Excepté en avril 1903 car le préfet vient de recevoir la dépêche ministérielle du 20 avril insistant sur la nécessité de constituer les conseil d'hygiène et commissions sanitaires. ADI, PER 56-94 : CG/RP, avril 1903.

936.

ADI, PER 56-93 : CG/RP, août 1902.

937.

ADI, PER 56-95 : CG/RP, août 1903.

938.

ADI, PER 56-96 : CG/RP, avril 1904.