2. Le bureau d'hygiène et la loi du 15 février 1902

A la fin de l'année 1903, l'adaptation du bureau d'hygiène aux dispositions de la loi de 1902 devient la priorité du docteur Bordier. Le 17 décembre, il remet au maire un projet de réforme du service en lui demandant de le soumettre " le plus tôt possible " 1057 au conseil municipal. On peut s'étonner de la soudaine hâte manifestée par Bordier : il avait déclaré onze mois plus tôt attendre les textes ministériels pour s'atteler à la réorganisation du bureau d'hygiène or, ceux-ci ne sont pas toujours pas intervenus 1058 . L'attitude du médecin est d'autant plus surprenante que, dans son esprit, le règlement du service qu'il propose est provisoire: " Lorsque ce règlement sera voté par le conseil et approuvé par le préfet, nous pourrons alors étudier chacune des principales questions qui rentrent dans nos attributions " 1059 . Comme s'il fallait d'abord arrêter une organisation du bureau d'hygiène pour la discuter ensuite. De plus, celle-ci passe avant la préparation du règlement sanitaire communal, prévu à l'article 1 de la loi, alors que Bordier dispose à ce sujet de toutes les directives centrales nécessaires.

La réponse est contenue dans le même courrier du 17 décembre : " Dès maintenant, il me semble utile de bien préciser le rôle du bureau d'hygiène et cela avant que le département ou l'Etat aient pu le faire, et ce faisant, aient pu (je parle du département ) faire que leur tentative puisse l'amoindrir " 1060 . Le docteur Bordier exprime ainsi une réelle crainte de voir une diminution de l'importance, des compétences et des prérogatives du bureau d'hygiène au profit du département. Le moyen d'y parer consiste alors à fortifier le service en devançant le département et l'Etat. On peut être néanmoins frappé par le contraste qui existe entre l'esprit général de la loi de 1902, dont l'application repose surtout sur les municipalités, et l'inquiétude d'une trop grande intervention des collectivités départementales et de l'Etat central dans l'organisation du bureau d'hygiène.

Le docteur Bordier ne précise pas en quoi pourraient consister les hypothétiques tentatives d'amoindrissement de l'Etat et du département. Mais il existe deux domaines de compétences que la loi transfère de la commune à l'échelon immédiatement supérieur : la vaccination et l'assainissement des logements insalubres. Il est tout à fait possible que ces dispositions justifient les appréhensions du médecin.

La réorganisation du bureau d'hygiène est très rapide. Le projet de règlement est adopté par la commission des finances le 22 décembre 1903 et voté, sans discussion, par le conseil municipal quatre jours plus tard 1061 .

Notes
1057.

AMG, 5 I 3 : Lettre du docteur Bordier au maire de Grenoble, 17 décembre 1903.

1058.

AMG, 5 I 1 : Rapport du docteur Bordier au maire, 14 janvier 1903. Le règlement d'administration publique sur les bureaux d'hygiène sera pris le 3 juillet 1905.

1059.

AMG, 5 I 3 : Lettre du docteur Bordier au maire de Grenoble, 17 décembre 1903.

1060.

Ibid. Les expressions soulignées le sont par le docteur Bordier.

1061.

AMG, 5 I 3 : Commission des finances, réunion du 22 décembre 1903 et Conseil municipal de Grenoble, séance du 28 décembre 1903.