CHAPITRE IV. LE DEVELOPPEMENT DES SERVICES D'HYGIENE

Dans le chapitre précédent, nous nous sommes essentiellement intéressés au processus de mise en oeuvre des dispositions institutionnelles de la loi sanitaire, analysé au travers des rapports centre-périphérie. Cette mise en oeuvre s'est révélée, du fait du cadre normatif élaboré et appliqué par le pouvoir central, relativement contraignante pour les autorités locales. Mais l'intervention ministérielle a été aussi profitable aux services d'hygiène locaux. Les directeurs de bureaux d'hygiène municipaux ont vu, par exemple, leur traitement relevé. On peut également citer le cas de la désinfection grenobloise : le décret de 1906 permet au bureau d'hygiène non seulement d'exercer un contrôle réglementaire sur les opérations privées de désinfection, mais également de constituer, sous son autorité, un service municipal public indépendant de l'hôpital.

Ces constatations nous ont incité à poser plus largement la question des bénéfices que les services d'hygiène isérois ont pu retirer de la législation sanitaire. La loi du 15 février 1902 a-t-elle entraîné des modifications dans le fonctionnement des services d'hygiène et dans leur gestion par les municipalités et le département ? Si, oui, dans quelle mesure ? Il s'agit donc de dépasser la simple logique organisationnelle au profit d'une logique fonctionnelle et gestionnaire. Il s'agit aussi de mettre les institutions sanitaires en relation avec leur environnement immédiat, celui des administrations municipales et départementales, et de les resituer dans une temporalité plus large, des années 1870 à 1914. Cette démarche nous permettra ainsi de mettre en évidence des évolutions mais aussi des permanences.

Pour appréhender l'évolution des services d'hygiène et la place qu'ils occupent au sein des administrations locales, nous avons sélectionné trois critères que nous étudierons successivement. Le premier est celui des ressources financières dont disposent les institutions sanitaires. Certes, nous avons déjà, et à plusieurs reprises, évoqué cette question. Mais nous avons vu également l'importance que les autorités publiques, locales comme nationales, lui avaient accordée. Aussi, avons-nous estimé que l'analyse des crédits sanitaires devait occuper en elle-même une place dans notre travail et être replacée dans une perspective évolutive. Une telle démarche nous permettra de mesurer plus précisément les impacts de la loi du 15 février 1902 sur les dépenses locales d'hygiène publique ; elle nous permettra également de mieux comprendre les réticences que les pouvoirs publics locaux ont pu manifester dans l'application de la législation.

Le second critère retenu concerne la gestion du personnel sanitaire municipal et départemental. Sur ce point encore, nous avons pu déjà donner quelques indications. Il en est ainsi du personnel du bureau d'hygiène de Grenoble, dont nous avons dégagé les principales caractéristiques de 1890 à 1902 ainsi qu'à l'occasion des réorganisations de 1903 et de 1910. Mais, depuis cette dernière date, des évolutions importantes se sont produites et nous avons tenu à les mettre en évidence. Par ailleurs, l'étude du personnel sanitaire départementale s'est limitée jusqu'ici aux membres des conseils d'hygiène, laissant de côté le personnel rémunéré. Or là aussi, on observe des évolutions gestionnaires qui demandent à être analysées.

Nous terminerons ce chapitre en évoquant l'évolution des attributions des institutions sanitaires iséroises. La loi du 15 février 1902 et ses décrets d'application ont sensiblement élargi et précisé le domaine de compétences des bureaux d'hygiène et des conseils d'hygiène. Il reste à savoir comment cette extension s'est concrètement manifestée.