Tout comme le bureau d'hygiène de Grenoble, le personnel de l'inspection départementale présente une grande diversité de situations. A la tête du service, se trouvent l'inspecteur de l'assistance publique et son adjoint, soit des fonctionnaires de l'Etat qui définit les conditions de leur recrutement et gère leur carrière 1649 . Ils sont assistés par des employés de bureau, rédacteurs ou expéditionnaires, appartenant au personnel de la préfecture. Les conditions de leur admission, de leur rémunération et de leur avancement dépendent ainsi du règlement des employés préfectoraux 1650 . Il y a enfin le personnel de terrain, celui qui est au contact direct de la population : les désinfecteurs et les médecins cantonaux. Notre attention s'est essentiellement portée sur cette dernière catégorie ; si les sources en sont en partie responsables 1651 , notre choix répond également à d'autres types de considérations.
Par leurs fonctions et par leur position, les médecins cantonaux sont au coeur du dispositif départemental de prévention sanitaire. Ils sont les relais entre les bureaux de l'inspection et la population de leur circonscription, cette relation fonctionnant à double sens. Ils renseignent régulièrement l'inspection sur les conditions hygiéniques des communes de leur ressort géographique et sont les agents d'exécution des lois sur la santé publique, l'assistance médicale gratuite et la protection des nourrissons, dont la bonne application appartient à l'inspecteur départemental. Ce double rôle que consacre le règlement sanitaire départemental de 1904 1652 implique un resserrement des liens entre les médecins cantonaux et l'inspection. En d'autres termes, il s'agit pour la préfecture et le service de l'inspection en particulier, de connaître et de contrôler ce personnel ainsi que ses mouvements.
Or, une telle tâche est loin d'être évidente. Les médecins cantonaux sont nombreux - 62 en 1880, 96 en 1913 1653 -, ils sont répartis dans un cadre géographique étendu et surtout, la médecine publique ne représente pour eux qu'une fonction secondaire dont l'exercice est subordonné à celui de leur art en libéral. Les autorités publiques du département vont pourtant s'y essayer, en tentant de dépasser la gestion circonstancielle au profit de l'instauration de normes qui se définissent petit à petit, à partir de la pratique. Ce sont celles-ci que nous avons tenté de saisir à travers deux moments privilégiés : l'entrée et la sortie de la médecine cantonale.
Pour appréhender les modes de gestion de la médecine cantonale, nous avons utilisé plusieurs types de sources. Les mouvements de nomination et de cessation de fonctions ont été reconstitués à partir des listes de médecins cantonaux. Toutefois, celles-ci ne sont disponibles que pour les années 1879, 1880, 1887 et 1913, ainsi qu'entre 1908 et 1911 pour l'arrondissement de Grenoble 1654 . Or, des 101 médecins cantonaux nommés avant ou en 1887, seulement 12 sont encore en fonctions en 1913. Il a donc fallu recourir à d'autres sources complémentaires. Les états annuels des vaccinations pratiquées par les médecins cantonaux dans la décennie 1880 1655 , les listes quinquennales du personnel médical 1656 ainsi qu'une série de 86 arrêtés pris entre 1896 et 1898 au moment de l'application de la loi sur l'assistance médicale gratuite 1657 , ont permis de combler en partie les lacunes.
Mais l'essentiel de nos informations a été puisé dans les 144 dossiers individuels de médecins cantonaux conservés aux archives départementales 1658 . Ces documents sont de qualité variable et ils n'ont qu'un lointain rapport avec leur équivalent pour le personnel administratif. On peut n'y trouver qu'un arrêté de nomination, indiquant parfois le nom et le motif de cessation de fonctions du prédécesseur, un arrêté de modification de la circonscription ou une simple lettre de démission plus ou moins circonstanciée. Certains dossiers contiennent, en plus ou simplement, des demandes de nomination, assorties parfois de recommandations ou d'enquêtes préalables ; ils peuvent également faire état de plaintes formulées contre les médecins cantonaux. Cependant, seul un petit nombre de dossiers contient l'ensemble de ces informations et ils apparaissent alors comme de vrais mines de renseignements. Des données de même nature ont pu, en outre, être glanées dans la série 117 M 1659 .
Nous avons ainsi recensé 232 médecins cantonaux ayant exercé dans le département de l'Isère entre 1879 et 1913. Ces derniers ont été entrés dans une base données construite autour de trois grandes thématiques 1660 mais nous avons été contraints d'en éliminer quelques-uns, lorsque l'information était trop lacunaire, en particulier lorsque les dates de nomination et de cessation étaient trop incertaines. Au final, notre base s'est réduite à 192 praticiens et il faut garder à l'esprit que la qualité des renseignements varie d'un médecin à un autre.
Sur ce point, Virginie DE LUCA BARRUSSE, op. cit., Partie II, en particulier, pp. 195-197, 213-236, 260-264, 320-328.
AMG, 2 K 27 : Règlement du personnel des bureaux de la préfecture et des sous-préfectures du département de l'Isère, 25 septembre 1909, article 11. Le règlement précise en outre que les employés de l'assistance, comme ceux des archives ou des épizooties, peuvent passer d'un service à un autre et être nommés dans une division ou dans une sous-préfecture.
Rappelons que nous n'avons aucune information sur le personnel départemental de la désinfection.
ADI, PER 2437-41 : Règlement sanitaire du département de l'Isère, 20 avril 1904.
ADI, PER 2437-31 : RAAP, Arrêté préfectoral du 23 décembre 1880 et PER 56-115 : CG/IDAHP, pour l'exercice 1912.
Les listes des médecins cantonaux de 1879, 1880 et 1887 ont été publiées dans les Recueils des actes administratifs de la préfecture de l'Isère. La liste de 1913 figure dans le rapport annuel de l'inspecteur départemental pour l'exercice 1912. Nous avons retrouvé les listes des médecins cantonaux de l'arrondissement de Grenoble sous la cote 116 M 9 (ADI).
ADI, 115 M 5 : Etat des vaccinations pratiquées dans le département de l'Isère, 1879 à 1887 pour les quatre arrondissements, 1888-1889 pour celui de Grenoble et 1890 pour celui de La Tour du Pin.
ADI, 117 M 4 à 117 M 6, pour la période 1877-1903 et AMG, 5 I 7/1, à partir de 1908.
ADI, 117 M 5.
ADI, 40 X 19 à 40 X 23 : Dossiers individuels des médecins cantonaux.
ADI, 117 M 4 et 117 M 5 : Personnel médical.
1. Informations générales sur les médecins cantonaux : nom, arrondissement d'exercice, domicile, âge, année d'obtention et nature du diplôme (docteur ou officier de santé).
2. Entrer et sortir de la médecine cantonale : dates de nomination et de cessation de fonctions, motif, durée de la fonction, existence de recommandations ou d'enquêtes.
3. L'exercice de la médecine cantonale : évolution de la circonscription, indemnités, plaintes et suivi.