2.2 Hiérarchisation de l’information et valeur communicative : la structure thème-rhème

2.2.1 Définition des notions de thème et de rhème138

Les linguistes de l’école de Prague (V. Mathesius, F. Daneš et J. Firbas) sont à l’origine de la distinction opérée entre thème et rhème. Celle-ci n’est pas d’ordre grammatical, mais d’ordre informatif-communicatif. Le thème est défini comme le point de départ de l’énoncé, comme ce dont on parle. Il véhicule les informations connues, celles qui appartiennent déjà au champ de la conscience au moment de la prise de parole, soit parce qu’elles ont été mentionnées dans le co-texte amont, soit parce qu’elles peuvent être aisément déduites de ce co-texte. Le rhème constitue ce que l’on dit à propos du thème ; il transmet les informations nouvelles. Il peut faire l’objet d’une question partielle, laquelle présuppose la vérité de l’assertion amputée du constituant de proposition requis par le mot interrogatif. F. Daneš considère le test de la question partielle comme un critère « objectif » d’identification du thème et du rhème. Ce test ne nous semble toutefois opérationnel qu’à la condition que l’opposition indéfini / défini soit nettement marquée au niveau de l’énoncé (« Er bekam das Buch von einem Kollegen » / « Er bekam von dem Kollegen ein Buch »). Il devient inutilisable dès lors que l’on travaille sur des phrases plus complexes :

‘In fast jeder Aussage unterscheidet man das, worüber etwas mitgeteilt wird (DAS THEMA) und das, was darüber mitgeteilt wird (DAS RHEMA, die Aussage im eigenen, engeren Sinne). Die Distribution von diesen Funktionen über die semantischen Elemente einer Aussage hängt vom gegebenen Kontext und gegebener Situation ab. So, z.B., die folgenden zwei Aussagen : (1) Er bekam das Buch von einem Kollegen und (2) Er bekam von dem Kollegen ein Buch sind grammatisch (sowie auch lexikalisch) beinahe identisch, jedoch sind sie auf unterschiedliche Kontexte und Situationen zugeschnitten und weisen verschiedene Mitteilungsperspektiven auf : Im ersten Falle tragen die thematische Funktion die Wörter er bekam das Buch, während die rhematische Funktion dem Ausdruck von einem Kollegen zugeteilt wird. In dem zweiten Falle ist die Distribution umgekehrt. [...] Gibt es objektive Kriterien für das Bestimmen des Themas (und des Rhemas) ? Meine Antwort lautet, daß es ein solches Kriterium gibt, nämlich die Ergänzungsfrage : Es zeigt sich, daß zu einer jeden Aussage eine Ergänzungsfrage existiert, die (mit ihrem Fragewort) gerade nach dem Rhema der Aussage fragt. Es ist gerade das Rhema, was die « Ergänzung » der betreffenden Frage bildet. Das kann man an den oben angeführten Beispielen überprüfen : Er bekam das Buch von einem Kollegen - Von wem bekam er das Buch ? : die Ergänzung von einem Kollegen bildet das Rhema, und der Rest der Aussage stellt das Thema dar. Im zweiten Beispiel Er bekam von dem Kollegen ein Buch heißt die Frage Was bekam er von dem Kollegen ? und als Rhema erweist sich der Ausdruck ein Buch.139

Un certain nombre de critères syntactico-formels permettent de compléter cette définition. Il s’agit de la fonction syntaxique, de la sérialisation et de l’intonation. Ils n’ont pas statut définitoire et font seulement figure d’indices. La fonction syntaxique, bien que non décisive pour l’appartenance des éléments de la phrase au thème ou au rhème, permet une première répartition. Le sujet fait très souvent partie du thème car c’est généralement à propos de lui qu’une affirmation est faite. Du côté du rhème, on trouve fréquemment le verbe et ce qui lui est directement rattaché. Nous refusons de suivre J.-M. Zemb lorsqu’il affirme que le prédicat verbal et le rhème vont toujours de pair : « Die Klasse der Verben (V) definieren wir durch die rhematische Funktion »140. Nous oserons même parler ci-dessous de « verbe thématique », mais n’anticipons pas ... La sérialisation ou ordre des mots dans la phrase constitue le deuxième critère formel de la structure thème-rhème. En allemand, le thème a tendance à se trouver au début de la phrase et le rhème à la fin - ce qui ne veut pas dire que le thème se trouve toujours au début de la phrase et le rhème toujours à la fin. D. Baudot s’en prend aux linguistes qui attribuent le statut de condition nécessaire et suffisante à la place des éléments dans l’énoncé. Il leur reproche d’assimiler la première position au thème et la dernière position au rhème et rejette d’emblée les termes « Themaposition » et « Rhemaposition » que nous rencontrons par exemple chez G. Helbig141. Il ne nie pas la valeur d’indice de la sérialisation mais met simplement en garde contre toute assimilation abusive du niveau communicatif au niveau du signifiant : « Thème et rhème peuvent correspondre aux champs, mais il faut y voir un cas de figure particulier, même s’il n’est pas rare, et non une nécessité essentielle »142. Quant au troisième et dernier critère, l’intonation, il fournit au rhème sa valeur distinctive en tant que porteur de l’accent dominant de la phrase.

La convergence des catégories communicatives (thème, rhème) et grammaticales (fonction syntaxique, sérialisation, intonation) définit la position dite non marquée. Elle est réalisée lorsqu’il y a cooccurrence du thème, du sujet, de la première position et de l’absence d’accent de phrase143. La position dite non marquée est rendue possible par la diathèse passive qui dispense les verbes transitifs de la mise en position initiale de leur complément d’objet à la voix active et permet « que le thème de la phrase [...] prenne forme de sujet grammatical quand les règles d’emploi des formes simples l’interdisent. »144 Ainsi, quand le narrateur cité par G. Schoenthal145 désire enchaîner sur la notion de mal après l’avoir introduite dans l’énoncé : « Das Fest soll den Kampf zwischen Gut und Böse darstellen », il est placé devant une alternative. Il a en effet deux façons de satisfaire la tendance naturelle de la langue à commencer par le thème. Il peut soit mettre le complément d’objet en tête : « Das Böse repräsentieren die Teufel », soit lui donner forme de sujet grammatical grâce à la conjugaison en « werden » : « Das Böse wird durch die Teufel repräsentiert ». S’il opte pour la deuxième solution, c’est parce qu’il est jugé plus naturel en langue de donner forme de sujet grammatical au thème de l’énoncé plutôt que de placer un complément d’objet (même thématique) en attaque de phrase.

Notes
138.

Les définitions des notions de « thème » et « rhème » que nous proposons dans cette partie sont (à dessein) simplificatrices et seront débattues dans la partie 2.3.2.1 à propos de la soi-disant « rhématisation » du complément d’agent à la voix passive.

139.

DANEŠ 1970, pp.72-73

140.

ZEMB 1978, p.32

141.

Cf. HELBIG 1968, p.133 : « Auf Grund der sachlich-kommunikativen Äquivalenz von Aktiv und Vorgangspassiv läßt sich ihr stilistischer Unterschied mit Hilfe der ‘funktionalen Satzperspektive’ deutlich formulieren : Das Aktivsubjekt wird syntaktisches Objekt im Passivsatz und wechselt dabei meist von der thematischen Position am Anfang in die rhematische Position am Ende. Das Aktivobjekt umgekehrt wird Subjekt des Passivsatzes und wechselt dabei oft von der rhematischen in die thematische Position. »

142.

BAUDOT 1989, p.275

143.

EROMS 1974, p.171 : « die normale unmarkierte Thematisierung [geschieht] durch den Zusammenfall von topic und Thema im Subjekt [...]. Hier stellt nun das Passiv ein vorzügliches Mittel dar, mit dem die Thematisierung ohne Auffälligkeiten geleistet werden kann, ohne daß also das Thema in markierte Position gebracht werden muß und eine interpretationsbedürftige Verknüpfung entsteht. »

144.

FAUCHER 1978, p.67

145.

SCHOENTHAL 1976, p.112