2.2 Conditions et restrictions d’emploi de la construction « sein + participe II »

Pour nous faire une idée des problèmes que soulève l’établissement des règles de formation ou de non-formation de la construction « sein + participe II », nous proposons de dresser un rapide bilan de la recherche. Nous sommes tenté de distinguer trois approches. La première approche est syntaxique. Elle exclut la possibilité de former le passif-bilan pour les verbes intransitifs dont l’auxiliaire est « sein » au parfait (*« Er ist gestorben ») et pour les verbes n’admettant pas de forme de passif processuel à l’exception du verbe « enthalten » (*« Die Nachricht ist gewußt », « In dem Getränk ist Kohlensäure enthalten »). La deuxième approche est sémantique et se concentre sur l’aspect interne du lexème verbal. Elle vise à distinguer au sein du groupe des verbes transitifs ceux qui autorisent le passif-bilan de ceux qui ne l’autorisent pas. J. Erben et W. Flämig posent comme condition la valeur ponctuelle (« perfective ») du verbe et considèrent que la formation de la construction « sein + participe II » n’est pas envisageable si le verbe présente une valeur durative (« imperfective »). Nous constatons cependant qu’un certain nombre de verbes ponctuels ne permettent pas la formation de la périphrase en « sein » (*« Er ist gegrüßt », *« Sie ist geohrfeigt ») là où certains verbes duratifs l’autorisent (« Er war über die ganze Nacht beobachtet »). G. Helbig met l’accent sur la valeur mutative du verbe et présente la création ou l’affectation de l’objet logique comme la condition à la formation de la construction « sein + participe II ». Le problème est qu’il est difficile de déterminer précisément pour un verbe le degré d’affectation de l’objet logique car ce degré d’affectation varie d’un interprétant à l’autre et apparaît pour cette raison fort subjectif. La tâche est d’autant plus ardue que l’affectation se produit dans le domaine psychologique :

‘Bei streicheln handelt es sich aber nicht zufällig um einen Grenzfall der physischen Affiziertheit, um einen sehr schwachen Grad der physischen Affiziertheit. Ein Zustandspassiv aber setzt eine Effiziertheit (Der Kuchen war gebacken, das Buch war geschrieben ...) oder einen so starken Grad der Affiziertheit voraus, daß im Verlaufe der Handlung ein - wenigstens zeitweilig - bleibendes Resultat entsteht oder überhaupt entstehen kann. Das ist in erster Linie bei den genannten Verben der physischen Affiziertheit der Fall, darf aber wohl nicht auf die physische Affiziertheit beschränkt werden ; denn wir haben auch : er war beeindruckt, begeistert, entflammt ...496

La troisième approche sort du cadre de l’analyse sémantico-syntaxique du lexème verbal. Elle est incarnée par H. Engelhardt qui explique la possibilité de former la construction « sein + participe II » par l’action conjuguée de l’aspect interne verbal et du co-texte. H. Engelhardt considère que la périphrase « sein + participe II » est possible pour la quasi-totalité des verbes de l’allemand : « Theoretisch ist bei fast allen Verben die Verbindung von ‘sein’ mit dem 2. Partizip möglich »497. Elle distingue trois degrés d’acceptabilité :

  1. Die Verbindung von « sein » + 2. Partizip ist allgemein üblich : « Er ist durchschaut ».

  2. Die Verbindung von « sein » + 2. Partizip ist nur bedingt möglich : « Er ist von vielen nachgeahmt, aber von keinem erreicht ».

  3. Die Verbindung von « sein » + 2. Partizip ist nicht üblich : *« Er ist geduzt ».498 

Dans le cas où le verbe présente intrinsèquement (au niveau de son aspect interne verbal) une limite au procès, la forme en « sein » est généralement possible. Elle ne dépend pas de facteurs co-textuels (« Die Stadt ist zerstört »). Dans le cas où le verbe ne présente pas intrinsèquement une limite au procès, il est nécessaire que le co-texte se charge de marquer un bornage à droite au niveau de l’aspect global d’énoncé pour que la forme en « sein » devienne possible (« Der Satz kann, da er nun einmal geäußert ist, nicht wieder zurückgenommen werden »). Dans le cas où le verbe exprime un procès se déroulant dans le champ d’action du sujet logique, la forme en « sein » n’est pas courante (*« Er ist gegrüßt ») :

‘Zusammenfassend kann man sagen, daß die Passivumschreibung mit « sein » ebenso wie die mit « werden » dann möglich ist, wenn die syntaktische Spannung semantisch-syntaktisch ausgefüllt ist. Sie ist nicht an einen bestimmten Kontext gebunden, wenn mit der syntaktischen und der semantisch-syntaktischen « Abgeschlossenheit » auch die semantische zusammenfällt : « Die Stadt ist zerstört ». Sie ist möglich, wenn man mit Hilfe des Kontextes betonen kann, daß der Vorgang, und zwar der semantisch-syntaktische « abgeschlossen » ist. Sie klingt ungewohnt, wenn der Vorgang im Subjektbereich zurückgehalten wird.499

D. Baudot observe que la question du choix de la périphrase « sein + participe II » se pose différemment à chacun des trois degrés d’acceptabilité500. Dans le cas où le verbe présente intrinsèquement une limite au procès, le choix de la perspective aspectuelle intervient au niveau informatif. La forme en « sein » s’impose au locuteur qui veut dresser un constat. Dans le cas où c’est le co-texte qui favorise le recours à la périphrase « sein + participe II », le choix de la perspective aspectuelle intervient au niveau communicatif. Il y a escamotage de la phase processuelle qui est néanmoins présupposée par l’indication du résultat. Dans le cas où la forme en « sein » n’est pas courante, la question du choix ne se pose pas. L’auxiliaire « werden » est quasiment obligatoire et sa présence ne débouche pas forcément sur une perspective processuelle : *« Er ist bewundert » / « Er wird bewundert » (perspective bilan) vs. *« Das Buch ist gelesen » / « Das Buch wird gelesen » (perspective processuelle).

Notes
496.

HELBIG 1968, pp.144-145

497.

ENGELHARDT 1969, p.183

498.

ENGELHARDT 1969, p.176

499.

ENGELHARDT 1969, p.185

500.

BAUDOT 1989, pp.704-712