2.2.1.2 Présence d’une limite au niveau syntaxique global d’énoncé

Il n’est pas nécessaire de modifier l’aspect interne d’un lexème verbal duratif non mutatif-limitatif pour qu’il soit susceptible d’indiquer le résultat d’une action antérieure au moyen de la périphrase « sein + participe II ». Il suffit de marquer une limite au procès au niveau de l’aspect syntaxique global d’énoncé. Cela signifie concrètement que toute tentative pour classer les lexèmes verbaux duratifs (et mutatifs) en deux catégories selon qu’ils sont ou non susceptibles de former le passif-bilan en « sein » est vouée à l’échec. Il est inutile de chercher à recenser de manière empirique les verbes qui n’apparaissent jamais au sein de la périphrase car une telle démarche nécessiterait un corpus considérable et ne garantirait aucunement la véracité de la classification établie (il est matériellement impossible de dresser un inventaire exhaustif). La méthode qu’il convient d’adopter est la suivante. Il faut effectuer dans un premier temps une catégorisation sur la base d’un corpus réduit à des phrases minimales. Cette catégorisation ou bipartition doit être complétée dans un second temps par un inventaire des éléments co-textuels favorisant le recours à la forme en « sein » sur la base d’un corpus élargi aux phrases étoffées d’éléments marquant une limite au procès. Le but poursuivi est alors de relativiser513 la portée des résultats obtenus dans le cadre de la première étape et de mettre en lumière le fait que pour un même verbe, les jugements d’acceptabilité varient selon le co-texte. Ainsi, le verbe mutatif « ermorden » dont nous avons dit qu’il ne pouvait pas apparaître au passif-bilan autorise en réalité la formation de la périphrase si le cotexte comporte une structure favorisant la forme en « sein » : « Wenn er ermordet ist, dann werden wir sein Geld unter uns aufteilen ». H. Engelhardt fait le même constat pour le verbe non-limitatif « äußern » lorsqu’elle note que les doutes que nourrissent ses informateurs face à la phrase +/- « der Satz ist geäußert » se dissipent si le co-texte se charge de marquer une limite au procès : « Der Satz kann, da er nun einmal geäußert ist, nicht wieder zurückgenommen werden. »514 Ces observations suffisent à prouver que l’impossibilité de rencontrer un verbe au passif-bilan en « sein » dans une phrase minimale ne permet en rien de conclure que le verbe ne peut jamais figurer au sein de la construction. Inversement, ce n’est pas parce qu’il est possible de rencontrer un verbe au passif-bilan en « sein » dans une phrase étoffée d’éléments marquant une limite au procès qu’il faut en déduire que le verbe peut toujours figurer au sein de la construction. Les auteurs du C.R.L.G. se laissent prendre à ce piège en considérant le verbe « holen » comme un verbe « transformatif » du seul fait qu’il apparaît dans la périphrase « sein + participe II » en se chargeant d’une valeur résultative. Or ce n’est pas le lexème verbal qui marque une limite au procès dans l’exemple qu’ils donnent mais la subordonnée temporelle introduite par la conjonction de subordination « bis » : « Coax [...] wartete [...] hinter der Eisentür, bis Eastman geholt war. (Brecht, 162) » (cité par les auteurs du C.R.L.G. 1986b, p.229).

Notes
513.

BAUDOT 1989, p.714 : « l’impossibilité ou relative impossibilité (c’est nous qui soulignons) de former un passif en sein avec certains lexèmes verbaux transitifs »

514.

ENGELHARDT 1969, p.175