3.1 Remplacement de l’auxiliaire « sein » sans modification de l’environnement actanciel de la périphrase « X + participe II »

Le remplacement de l’auxiliaire « sein » au sein de la construction « sein + participe II » n’entraîne pas nécessairement, toutes choses égales par ailleurs, une modification de l’aspect global d’énoncé au profit de la perspective processuelle. « Stehen » ajoute le paramètre spatial vertical à la valeur aspectuelle statique de « sein » :

‘In dem Gang zum Hotel roch es nach Kernseife und schalem Bier, weil neben der verschlossenen Küchentür ein paar Kästen mit leeren Flaschen gestapelt standen. (KK, p.39) vs. Sie kamen ins Lager, in dem in hohen Lagern verpackte Wäsche gestapelt war (KK, p.100)’

« Stehen » se rencontre essentiellement avec les verbes relevant de l’activité d’écriture et fait référence à la « verticalité des graphèmes »542. Il peut apparaître seul si le participe II est contextuellement suffisamment évident pour être élidé (cf. le verbe « lesen » et l’indication de lieu « in dem Brief ») :

  • Er liest erstaunt, was da steht, und liest Auszüge laut vor. Wenn das stimmen sollte, was in dem Brief geschrieben steht, geht es für ihn schlecht aus, für diese Frau aber noch schlechter, wofür er garantiert. (KS, p.216)

  • Es geschah nämlich, daß die großmütigen Helfer heimliche Verzeichnisse angelegt hatten, worin jedes Klafter Holz, jedes Pfund Anken, jeder Brotlaib, jedes Ei und jeder Schlucken Kirschwein säuberlich aufgeschrieben stand. (SB, p.90)

  • Nur der Tod kann die beiden trennen, und er steht auf dem Kofferanhänger Erika als Zielhafen angegeben. (KS, p.32)

« Liegen » ajoute le paramètre spatial horizontal à la valeur aspectuelle statique de « sein » :

  • Langsam wie das Schicksal fiel sie seitlich auf Hanno, wischte ihn vom Sitz und begrub ihn unter sich, zusammen mit all den leeren Bierdosen, Abfällen und weggeworfenen Zeitungen, die dort auf dem Boden verstreut lagen. (C, p.12)

  • Elias indessen blickte unverwandt auf die ungezählten Musikalien, welche offen und geschlossen auf Ottomanen, Fenstersimsen und Parkettboden ausgebreitet lagen wie ein vielgängiges, herrliches Nachtmahl. (SB, p.167)

« Bleiben » ajoute au paramètre statique de « sein » sa composante durative (cf. infra l’indication de durée « zeitlebens ») et ne peut être considéré à ce titre comme un auxiliaire à part entière (F. Schanen et J.-P. Confais parlent de « semi-auxiliaire »543) :

  • Jeder Insasse zahlt durch seinen amtlichen Vormund einen stattlichen Preis, damit er aufgenommen wird und auch aufgenommen bleibt, was viele extra-Trinkgelder kostet, je nach Schwere und Schmutzanfall des Patienten. (KS, p.95)

  • Der Weg dorthin war steinig und hart. Immer führte er haarscharf am Abgrund entlang, immer wieder jedoch schaffte es Fontane, trotz all der Widersprüche, in die er zeitlebens verstrickt blieb, ein Stückchen weiterzukommen. (Deutschland n°4, août 1998, p.55)

« Bleiben » thématise l’absence de changement d’état544, c’est-à-dire indique que l’état dans lequel se trouvait le sujet logique à l’instant t0 est le même que celui dans lequel il se trouve à l’instant t1. Il revêt une valeur continuative et nie toute interruption de l’état exprimé par la forme en « sein ». Il implique qu’entre les instants t0 et t1 il n’existe pas d’intervalle de temps pendant lequel la forme en « sein » ne serait pas vraie :

‘Der Reserveausgang ist ein potentialfreier Wechselkontakt. Er schaltet, wenn die eingestellte Anzahl Restumdrehungen erreicht ist, und bleibt geschaltet, bis die Restumdrehungen Null sind. (Notice d’utilisation d’une machine à tricoter Terrot)’

Le locuteur ne peut valablement utiliser la forme passive en « bleiben » que s’il a de bonnes raisons de croire que l’allocuté envisage la proposition contradictoire. Son but est de rejeter une « suite possible, isotope, au texte »545. Ainsi, dans le roman Die Wand de M. Haushofer, la narratrice réfute la proposition « der Körper ist gespannt » que l’allocuté pourrait inférer du co-texte explicite antérieur (cf. le champ sémantique de la nervosité). Elle oblige à interpréter la proposition « der Körper ist entspannt » comme étant logiquement équivalente à « der Körper ist nicht gespannt » :

‘Man kann jahrelang in nervöser Hast in der Stadt leben, es ruiniert zwar die Nerven, aber man kann es lange Zeit durchhalten. Doch kein Mensch kann länger als ein paar Monate in nervöser Hast bergsteigen, Erdäpfel einlegen, holzhacken oder mähen. Das erste Jahr, in dem ich mich noch nicht angepaßt hatte, war weit über meine Kräfte gegangen, und ich werde mich von diesen Arbeitsexzessen nie ganz erholen. Unsinnigerweise hatte ich mir auf jeden derartigen Rekord auch noch etwas eingebildet. Heute gehe ich sogar vom Haus zum Stall in einem geruhsamen Wäldlertrab. Der Körper bleibt entspannt, und die Augen haben Zeit zu schauen. (W, pp.220-221)’

« Bleiben » présuppose la réversibilité du procès exprimé par le participe II. Il n’est possible qu’avec les verbes dont l’action peut être annulée une fois le procès effectué. C’est le cas du verbe « öffnen » (« das Fenster blieb die ganze Nacht geöffnet »), mais ce n’est pas le cas des verbes efficients (*« der Brief bleibt geschrieben », *« der Kuchen bleibt gebacken », etc. ). Nous voyons là que la forme passive en « bleiben » est soumise à des restrictions d’emploi beaucoup plus contraignantes que ne l’est la construction attributive (« der Brief ist geschrieben »). Elle n’est envisageable qu’avec une partie des verbes autorisant la forme passive en « sein ». Etant donné que la forme passive en « sein » n’est elle-même possible qu’avec une partie des verbes formant le passif en « werden » et que le passif en « werden » n’est à son tour possible qu’avec une partie des verbes apparaissant à la voix active, nous avons affaire à des conditions d’emploi qui s’avèrent de plus en plus restrictives au fur et à mesure que nous nous déplaçons vers la droite sur l’échelle allant de la forme passive en « werden » à celle en « bleiben » en passant par la forme en « sein ». Les restrictions d’emploi ne concernent pas seulement le choix du lexème verbal pouvant figurer au sein de la construction. Elles portent aussi sur son entourage syntaxique et sont de trois ordres. Elles concernent tout d’abord le complément d’agent, beaucoup moins fréquent dans la périphrase « bleiben + participe II » qu’avec son homologue en « sein »546. Elles concernent ensuite la forme impersonnelle. Il semble que l’absence de sujet constitue un frein à la formation de la périphrase en « bleiben »547. Elles concernent enfin l’alternative entre « nicht » et « un- ». Le négateur « nicht » est de rigueur dans la périphrase en « werden », il s’impose très largement dans la périphrase en « sein » tout en étant ponctuellement concurrencé par « un- »548 et est quasiment impossible dans le cadre de la périphrase en « bleiben » où c’est le préfixe privatif d’inversion « un- » qui prend le relais :

  • Die Moden wechseln schnell. Das Kleid bleibt ungetragen, wenn auch bestens in Schuß. (KS, p.13)

  • Wenn er bei einer mündlichen Diskussion den kürzeren zieht, wirft er nicht das Handtuch, sondern dem Gesprächspartner schließlich einen Haufen Gewölle, ein ausgewürgtes Päckchen aus Knochen, unverdaulichen Haaren, Steinen und Rohgras zornig ins Gesicht, blickt abweisend, überschlägt im Kopf alles, was er hätte vorbringen können und was leider ungesagt blieb, und verläßt die Runde in Wut. (KS, p.126)

L’impossibilité de rencontrer la forme « un- + participe II » avec « werden » est due à ce que « werden » revêt l’aspect interne mutatif et marque de l’évolutif là où « un- » implique le non-déroulement du procès.549 « Bleiben », en revanche, peut être associé à un participe II préfixé par « un- » dans la mesure où son aspect interne duratif est compatible avec le paramètre itératif et lui permet de signifier qu’un non-procès est sans cesse renouvelé (ce qui revient logiquement à affirmer le non-accomplissement du procès). Dans cette acception itérative, « bleiben » oblige à une paraphrase en « werden » et non en « sein ». Ainsi, la phrase « Nur eine Frage blieb unaufgeklärt » correspond-elle à « Nur eine Frage wurde nie aufgeklärt » et non à « Nur eine Frage war nicht aufgeklärt ».

En résumé, « bleiben » se comporte différemment selon qu’il est associé à un participe II préfixé ou non par « un- ». Lorsqu’il fonctionne avec un participe II non préfixé par « un- », il ajoute au paramètre statique de « sein » sa valeur durative. Lorsqu’il fonctionne avec un participe II préfixé par « un- », il implique le paramètre duratif-itératif et entraîne une lecture processuelle. Aussi n’entre-t-il pas directement dans le cadre de l’opposition « dynamique / statique » mais plutôt dans celui de l’opposition « ponctuel / duratif ».

Notes
542.

BAUDOT 1989, p.722

543.

SCHANEN & CONFAIS 1989, p.99, & 139

544.

Cf. FABRICIUS-HANSEN 1975, p.19 : « die Nicht-Überführung eines Zustandes in einen anderen Zustand »

545.

PÉRENNEC 1986, p.195

546.

Cf. ASKEDAL 1984, p.16 ; ASKEDAL 1987, p.23

547.

J.O. Askedal n’exclut toutefois pas totalement la possibilité de rencontrer la forme impersonnelle : « Für sein Wohlbefinden blieb (von der Familie) gut gesorgt » (1987, p.23).

548.

Cf. « Das schmale Bett neben dem Fenster ist ungemacht. » (B, p.26)

549.

Cf. BAUDOT 1989, p.724