Hypothèses

Pour répondre à l’ensemble de ces interrogations, nous nous appuierons sur les hypothèses suivantes :

Le travail en réseau est une tendance structurelle de l’activité des bibliothèques. C’est une caractéristique intrinsèque du métier, même si certains y voient parfois le signe d’une politique fantaisiste ou l’aveu d’un échec du fonctionnement autonome. Dans un article publié dans le dictionnaire encyclopédique de l’information et de la documentation, Jean Michel et Eric Sutter remarquent que “ Le réseau est parfois l’aveu même d’une faiblesse de fonctionnement dans l’organisation dans laquelle on s’insère ; il peut être le reflet et la résultante d’une absence de politique nationale. Ce peut être aussi une dilution des responsabilités, une sorte de mutualisation du risque informationnel et documentaire. ” 9 De nos jours, le réseau est devenu une obligation pour les bibliothèques sous le poids des transformations en cours : technologies numériques et mondialisation des échanges, contraintes budgétaires des bibliothèques du service public et intervention progressive des acteurs privés (serveurs, bases et banques de données, éditeurs électroniques, etc.) et la concurrence qui s’ensuit, etc.

Plusieurs conditions doivent être réunies avant la création d’un réseau : environnement extérieur favorable à la coopération, implication et motivation de l’ensemble des personnels de la bibliothèque. Ce ne sont pas les décisions des tutelles qui créent le réseau. Bref, le réseau se crée de lui même d’une façon informelle ; les contrats et les accords formels interviennent en aval pour "mettre de l’ordre" et canaliser une réalité de terrain. Selon Jean Michel et Eric Sutter, “ le travail en réseau est fréquemment décidé au niveau du professionnel de la documentation, sans que, bien souvent, ce dernier ait besoin d’en référer à ses supérieurs. ” 10

Le réseau n’est pas que bénéfices et avantages pour une bibliothèque. S’il donne une valeur ajoutée aux collections grâce à la mise en synergie des masses documentaires et des savoir-faire, permet de réaliser des économies et des rendements d’échelle au niveau de la bibliothèque et améliore le service offert à l’usager, il induit en revanche des contraintes qui risquent parfois de compromettre ces acquis (coûts de normalisation, contraintes de temps, tensions dans les relations, surcharge de travail, etc.) Jean Michel et Eric Sutter précisent à juste titre qu’ “ on aspire fortement au fonctionnement en réseau sans bien savoir en définir les avantages et les inconvénients. On en espère beaucoup, on en subit aussi les conséquences, a posteriori, et on en critique les lourdeurs ou lenteurs de fonctionnement, les complexités inutiles, les non qualités dans les productions […] Peu de travaux, malheureusement, ont été réalisés en matière d’économie et de gestion des réseaux documentaires. ” 11

D’un côté, une évaluation rationnelle des effets du réseau doit prendre en compte les deux aspects coûts et avantages. De l’autre côté, cette évaluation des effetsdu réseau sur une bibliothèque ne doit pas se limiter aux aspects comptables et budgétaires. Car la rationalité économique d’une bibliothèque ne se mesure pas à l’aune de son équilibre comptable. Les avantages du réseau pour une bibliothèque sont principalement d’ordre qualitatif. Ceux-ci se déclinent en termes de satisfaction des usagers, de renforcement de la position de la bibliothèque au sein de son environnement externe et interne, d’amélioration des compétences, etc.

Notes
9.

- MICHEL, Jean & SUTTER, Eric. – “ Réseau documentaire ”, in : Dictionnaire encyclopédique de l’information et de la documentation, Paris, Editions Nathan, pp. 496-497

10.

- Idem

11.

- Idem