3.2. La vision de service : la réhabilitation de l’usager 

La vision industrielle très focalisée sur la collection et qui a longtemps marqué la bibliothéconomie négligeait ou, du moins, n’accordait pas suffisamment d’importance à une composante essentielle de l’activité de la bibliothèque qui est celle de l’usager. Car, si la bibliothèque constitue des collections, c’est bien pour qu’elles soient consultées par des lecteurs. C’est donc la consultation qui est l’objectif final de la bibliothèque. C’est sur quoi insiste Jean-Michel Salaün (1997) pour rappeler que le produit final d’une bibliothèque n’est pas en fait les livres.

‘“ Une bibliothèque ne propose pas à proprement parler des livres ou des documents, mais plutôt de la consultation, de la lecture dont les livres sont un des éléments, sans doute le principal. ”  22

C’est grâce aux premiers travaux en sociologie de la lecture d’un côté 23 et en marketing des bibliothèques de l’autre, que l’attention s’est déplacée de la collection vers l’usager. Florence Muet (1996) insiste sur le fait que :

‘“ La valeur ajoutée n’est pas créée de façon intrinsèque par le traitement des documents ; il s’agit au contraire d’une valeur d’usage, déterminée par l’utilisateur, et donc créée dans la relation de service avec l’utilisateur. ” 24

Mais qu’est-ce donc une activité de service ? Qu’est-ce qui la distingue d’une activité industrielle ?

Il est d’usage de définir l’activité de service par opposition aux activités industrielles, artisanales et agricoles. Jean Gadrey (1992) trouve que cette démarche est peu fondée théoriquement car les caractéristiques par lesquelles on définit un service à savoir la non stockabilité, la non transportabilité et l’intangibilité du produit final, ainsi que la proximité avec le client ne sont pas exclusives aux services et on peut les rencontrer dans certaines activités industrielles. Il propose une définition du service basée sur un triangle prestataire/destinataire/support liés par des relations spécifiques. L’activité de service est selon lui “ une opération, visant une transformation d’état d’une réalité C, possédée ou utilisée par un consommateur (ou client ou usager) B, réalisée par un prestataire A à la demande de B, et souvent en relation avec lui, mais n’aboutissant pas à la production d’un bien susceptible de circuler économiquement indépendamment du support C (on reviendrait alors à des situations de production agricole, industrielle, ou artisanale). ” 25

Figure 2 : Le triangle de service : Prestataire/Destinataire/Support
Figure 2 : Le triangle de service : Prestataire/Destinataire/Support [Gadrey, 1992, p. 19]

Il en ressort que la création d’un service est “ une activité relativement complexe, faite d’interactions, et dont le résultat sera déterminé par des paramètres multiples : le comportement du personnel en contact, le comportement du client […] la qualité du support physique (le matériel nécessaire à la production du service), par le comportement des autres clients (qui peuvent influer sur la perception que le client aura de la prestation de service)” 26

Notes
22.

- Idem, p. 21

23.

- Cf. BESSIERE, Jérôme. - . – Le management total de la qualité en bibliothèque, Mémoire d’étude, Diplôme de conservateur de bibliothèque, ENSSIB, 1998

24.

- MUET, Florence, Op. Cit.

25.

- GADREY, Jean. – L’économie des services, Paris, Éditions de la découverte, 1992

26.

- BESSIÈRE, Jérôme, Op. Cit., p. 14