3.3. Modèle industriel / Modèle de service : quelle articulation possible ?

La mise en avant de la dimension service ne doit pas faire oublier qu’une partie de l’activité de la bibliothèque fonctionnera toujours selon le modèle industriel. C’est ce qui explique que la collection garde toute son importance même dans le modèle de service. Le mérite de l’approche par le modèle de service n’est pas d’exclure toute logique industrielle, mais plutôt de réhabiliter l’usager comme composante fondamentale de l’activité de la bibliothèque et de l’intégrer au sein même du modèle industriel. C’est là une des justifications les plus fortes de l’introduction de la démarche marketing en bibliothèques, car en mettant l’usager au centre de l’analyse, elle ancre encore plus la bibliothèque dans ses principes fondateurs. Ainsi, la démarche marketing assouplit le clivage qui oppose la logique industrielle à la logique de service et permet d’aborder l’activité de la bibliothèque selon une articulation plus équilibrée entre ces deux logiques. Même si le marketing des bibliothèques met l’accent sur l’aspect service de l’activité, il n’empêche qu’il lui reconnaît une certaine dimension industrielle. L’activité d’une bibliothèque est en effet articulée autour de deux parties : une visible pour l’usager appelée la face-avant ou le front office et une deuxième partie invisible par l’usager. Cette deuxième partie est appelée la base-arrière ou le back office . C’est au niveau de cette base-arrière que la logique industrielle est active. De l’avis de Jean-Michel Salaün (1992), la base-arrière regroupera dans une bibliothèque, les trois phases de l’acquisition, du traitement du support et du traitement du contenu.

A un certain moment, on a cru que l’informatisation des tâches relevant de la base-arrière allait favoriser la face-avant et réhabiliter les tâches de communication directe entre professionnels et usagers (accueil, assistance et orientation), ce qui signifie plus de contact, d’écoute et d’échange direct avec l’usager. Mais, faisant tâche d’huile, l’automatisation a touché aussi la face-avant aboutissant parfois à des effets pervers (cloisonnement des usagers chez eux ou devant les postes d’ordinateurs). La possibilité d’accéder à distance via les réseaux et notamment Internet aux gisements informationnels sous formats électroniques rend de moins en moins nécessaire le rôle du personnel en contact. L’interactivité se passe de plus en plus entre l’Homme et la machine (l’usager et l’ordinateur) et de moins en moins entre les êtres humains (l’usager et le professionnel). Plusieurs facteurs peuvent participer à la création d’une telle situation : la recherche d’économies sur le coût du personnel, les qualifications professionnelles, les contraintes de temps et d’espace, des facteurs psychologiques (recherche de prestige et envie de montrer qu’on est à la page en matière de technologies de communication, effets de mode, etc.)