2.3. L’Infoculture 

Le fonctionnement du réseau ne tient pas uniquement au cadre formel concrétisé par un contrat (ou toute autre forme d’accord formel) et aux moyens infrastructurels. C’est aussi un état d’esprit, une attitude et une philosophie qui imprègnent les comportements et les réflexes des professionnels au quotidien et conditionnent considérablement la performance du réseau, voire même sa pérennité. Albert Bressand et Catherine Distler parlent de connivence. Pour Emmanuel Lazéga (1994) les acteurs contribuent à construire les structures qui les contraignent ; les comportements sont largement déterminés par le système de relations auquel ils appartiennent. À son avis, “ Les choix relationnels informels suppléent à des défaillances de la structure. ”

La connivence n’est pas seulement, sinon pas du tout, le respect des accords passés. C’est un plus qui précède, accompagne et succède aux accords formels.

En aval de la création du réseau, la connivence signifie la réunion de conditions favorables. C’est notamment la convergence vers des objectifs communs. Les objectifs communs ne sont pas que des objectifs généraux vagues qui s’apparentent à des orientations globales mais aussi des objectifs opérationnels ; autrement dit, des buts concrets et précis à atteindre.

Le respect des accords n’est pas suffisant pour pouvoir parler de connivence. Dans une certaine mesure, l’existence d’un système d’obligations assez détaillé est la preuve même du manque de confiance et du climat de méfiance qui règne entre les partenaires. Les accords sont là pour éviter les débordements et les abus. Mais si on se contente de respecter ses engagements, on réduirait le réseau à sa simple expression formelle souvent assez rigide, “ artificielle ” et contraignante. La connivence est nécessaire pour remédier à cette rigidité. Elle est, à ce niveau, un facteur de pérennisation et de viabilité du réseau. C’est la graisse que l’on met dans les rouages des machines pour en faciliter le fonctionnement.

En amont de la création du réseau, la connivence implique d’accorder son violon sur le même diapason que ses partenaires. Le réseau doit fonctionner à l’image d’un orchestre où le soliste atteint le sommet de son plaisir grâce à son jeu individuel mais aussi à la communion avec les autres instrumentistes et le public. Autrement dit, à partir du moment où l’on rejoint un réseau, on doit constamment avoir le réflexe réseau et ne plus se permettre de raisonner sur une échelle individuelle, même pour des questions non prévues dans les accords. En amont, la connivence est particulièrement délicate à concrétiser. Car, le risque est fort de verser dans l’anarchie et la discordance en cherchant à être entreprenant et à faire preuve d’initiative. Tout est question de feeling et d’harmonie.

Les réseaux informels sont, presque exclusivement, bâtis sur cette troisième composante qui commence par la libre adhésion au réseau et se renforce par le volontarisme des différents acteurs. Mais chacun sait que changer les habitus et les idées est plus difficile et coûteux que de changer les structures matérielles et les clauses de contrats. Cela suppose un environnement motivant : clarté et pertinence des objectifs à atteindre, campagnes de sensibilisation, formation, recyclage, mesures incitatives (rémunérations, allégement de tâches, promotions, etc.)