1. Aperçu historique sur l’évolution des réseaux de bibliothèques

La coopération est selon Jean-Michel Salaün (1996), une tendance structurelle des bibliothèques. Le fonctionnement en réseau est de ce fait leur alternative naturelle, étant donné que le principe même de la bibliothèque est fondé sur le partage et la mise en commun d’un document-prototype. Un survol chronologique offre une idée assez claire de l’évolution des réseaux de bibliothèques au sens que l’on connaît aujourd’hui (réseaux informatisés). 74

Celles-ci connurent leurs premiers réseaux informatisés vers la fin des années 70. Ces années peuvent être placées sous le signe des réseaux de catalogage partagé. Le socle de ces réseaux était fondé sur une informatique et un catalogue centralisés. On poursuivait alors un double objectif de réaliser des économies d’échelle au niveau du coût du catalogage en rationalisant autant que possible le travail de catalogage et d’assurer la qualité et la cohérence des données bibliographiques. La valeur ajoutée se situe essentiellement dans la gestion interne (partage d’un logiciel de gestion de bibliothèque, infrastructure informatique commune). Le réseau était donc tourné vers les professionnels. Pendant plusieurs années, les contraintes techniques imposaient leurs lois en orientant les priorités des projets d’informatisation des bibliothèques vers des modules de la base arrière (du back office ) comme le catalogage. Cela ne favorisait pas l’ouverture des mentalités et des pratiques sur la logique de service où l’usager occuperait la place centrale. L’OPAC (on line public access catalog) était le dernier module installé lors de l’informatisation d’un système de gestion de bibliothèque.

Les années 80 furent marquées par la miniaturisation du matériel informatique. Ce matériel a connu une baisse de prix qui a rendu possible l’usage décentralisé de l’informatique. Les postes dédiés à l’usage individuel au service des lecteurs firent leur apparition dans les bibliothèques. Ce n’est plus la lourdeur des investissements qui justifie le recours au réseau, mais ce sont les coûts de développement des logiciels qui ne cessent d’augmenter. Il a fallu attendre la fin des années 80 pour voir le réseau s’ouvrir au-delà du domaine de catalogage et intégrer des services destinés aux usagers comme le prêt entre bibliothèques (PEB). Ces services ont été rendus possibles grâce aux données collectives créées dans le processus du catalogage coopératif. Ainsi on a pu ajouter des fonctions pour la demande des documents et la gestion de leur circulation et des transactions financières qui en découlent. S’il fallait résumer cette phase de l’évolution des réseaux de bibliothèques en un mot, nous dirions que c’était les années PEB.

Le signe fort des années 90 est sans conteste la révolution Internet en bibliothèques. La généralisation (la banalisation) de l’usage des ordinateurs a fait que tout document se crée de nos jours d’abord sous format électronique (numérique) avant d’être reproduit sur un autre support. Avec Internet, ce méga réseau de réseaux, les documents se mettent aisément en circulation. Cette aisance n’est pas que technique. Elle est aussi procédurale et administrative, même si elle soulève encore de réels problèmes juridiques (droits d’auteurs, usage abusif, authentification, etc.) et de validation scientifique (édition sauvage, n’importe qui peut éditer n’importe quoi). Cette révolution couplée à la numérisation rétrospective des documents a créé une nouvelle réalité caractérisée par l’abondance des ressources électroniques accessibles à distance. Cette nouvelle réalité met les bibliothèques face au défi “ d’intégrer les services existants avec la gestion des ressources électroniques, dans un modèle encore transformé et enrichi de réseau bibliothécaire coopératif. ” 75 C’est là tout l’enjeu des années à venir où le principe coopératif garde toute son importance, voire même devient plus crucial dans la mesure où, d’un côté, “ les bibliothèques seront de moins en moins capables de résoudre isolément les problèmes, posés par la transformation rapide du contexte fonctionnel ” 76 et de l’autre côté, leurs contraintes économiques seront plus pesantes.

En reprenant les deux modèles de la bibliothèque (modèle de l’entreprise industrielle versus modèle du service) on peut établir deux typologies des réseaux de bibliothèques. Dans le premier cas, on parlera de réseaux d’inputs, réseaux de throughputs et réseaux d’outputs. Dans le deuxième cas, on distinguera les réseaux de back office d’un côté et les réseaux de front office ou de servuction de l’autre côté.

Notes
74.

- Nous nous sommes basé dans cette chronologie des réseaux de bibliothèques sur les deux articles suivants :

GRADMANN, Stefan, Op. Cit.

DEVROEY, Jean-Pierre & GILSON, Hervé & VANDOOREN, Françoise, “ Réseaux de bibliothèques : pourquoi coopérer à l’âge du réseau? ”, intervention lors du 4°forum Journées Nouvelles Technologies : Bibliothèques sans frontières : nouvelles technologies, culture et savoirs, Bruxelles, 22 & 23 septembre 1999, in : Lectures, n° 111, Centre de Lecture Publique de la Communauté Francçaise (C.L.P.C.F.), Bruxelles, novembre/décembre 1999, pp.28-32

75.

- GRADMANN, Stefan, Op. Cit.

76.

- Idem