2.1. Les Inputs en réseau 

Certains trouveraient paradoxal que le premier maillon de la chaîne documentaire, en l’occurrence les acquisitions, n’ait fait l’objet d’une coopération entre les bibliothèques que tardivement par comparaison aux autres activités de la bibliothèque comme le catalogage. Pourtant le phénomène n’est pas aussi étonnant qu’il semble de prime abord. Plusieurs raisons l’expliquent. D’abord, la collection ayant été longtemps considérée comme le fondement même de la bibliothèque, on comprend bien que chaque bibliothèque s’attache à ce qui fait son identité et hésite à le partager. Il y avait un temps où le fait qu’une bibliothèque demande un document à une autre était considéré comme un aveu d’échec. La collection propre de chaque bibliothèque faisait sa fierté et son prestige. Ensuite, la coopération à ce niveau n’a de sens que si elle est accompagnée d’une coopération au niveau de la communication et de l’accès aux documents. Or, jusqu’à un passé tout récent, le seul moyen de communication à distance était la poste. On voit bien les entraves que ce moyen représente aux principes de la proximité et de l’immédiateté du service. Il a fallu que les bibliothèques commencent par le partage d’autres volets de leurs activités pour découvrir et apprécier les avantages de la coopération. C’est ainsi que le PEB a préparé les mentalités au partage des acquisitions. Enfin, l’explosion documentaire conjuguée aux contractions budgétaires ont fini par persuader les bibliothèques de ce qui nous semble aujourd’hui comme une évidence. Le partage des acquisitions est bénéfique pour la bibliothèque à double titre. Du côté de la gestion interne des ressources matérielles de la bibliothèque, les budgets sont mieux maîtrisés et les investissements en collections sont mieux rentabilisés. Du côté de l’usager, l’offre documentaire est plus large et exhaustive. Jean-Michel Salaün signale à juste titre que

‘“ Deux collections mises en relation, pour peu qu’elles soient complémentaires et non superposables, deviennent pour le lecteur une seule collection dont la valeur d’usage est supérieure à la somme des deux (compte non tenu des redondances) puisque la valeur d’une collection dépasse largement la somme de la valeur de ses composantes. ” 77

Une éclatante illustration nous est fournie par le réseau des Centres d’Acquisition et de Diffusion de l’Information Scientifique et Technique (CADIST) qui concerne les bibliothèques de l’enseignement supérieur en France 78 . Les premiers CADIST ont été créés au début des années 1980. Ils ont une mission nationale d’acquisition, de conservation et de prêt de la documentation indispensable à la recherche. Chaque CADIST est responsable d’un champ disciplinaire. Il reçoit à cet titre une dotation du Ministère de l’enseignement supérieur et s’engage à assumer le rôle d’une bibliothèque recours dans sa discipline par rapport aux autres bibliothèques universitaires relevant de cette même discipline. Ce statut implique une obligation de communication des documents au moyen du PEB à toute BU qui viendrait en faire la demande. Les statistiques du Ministère de tutelle montrent que les CADIST sont très sollicités et qu’ils jouent un rôle de premier ordre dans les services offerts à la communauté des chercheurs et des étudiants.

Un deuxième réseau de partage des acquisitions, en plein essor actuellement, est celui des pôles associés à la BnF. Ce réseau a fait l’objet d’une enquête de terrain qui nous a servi pour tester et valider l’ensemble de nos hypothèses et des outils que nous proposons. Nous y reviendrons plus longuement dans les sections qui suivent.

La numérisation et Internet ont donné un nouvel élan au partage des ressources documentaires, au sens où la vielle utopie de la bibliothèque universelle qui rassemblerait tous les livres (les savoirs) du monde change de statut. Avec la bibliothèque virtuelle, ce n’est plus une utopie. C’est désormais un rêve presque réaliste.

Notes
77.

- SALAÜN, Jean-Michel, 1997, Op. Cit.

78.

- Cf. RENOULT, Daniel. - Les bibliothèques dans l’université, Editions du Cercle de la librairie, 1994, Collection Bibliothèques, pp. 228-230. & http://www.inist.fr/Ann-Info/cadist/cadist.htm [consulté le 04/01/2001]